Maria Callas : derrière le mythe, se cachaient une vie tourmentée et une relation toxique
Tout au long de sa carrière, Maria Callas a interprété les plus grandes tragédies jamais écrites… mais peu réalisent que sa propre vie en était une. Fasciné par la cantatrice, le réalisateur Tom Volf a signé en 2017 le documentaire Maria by Callas – disponible sur Canal VOD –, qui revient sur la dualité d’une chanteuse dont la gloire fût aussi le fléau. Alors qu’Angelina incarne la cantatrice dans le biopic Maria, retour le côté obscur de la vie de la diva.
par Alice Pouhier,
et Violaine Schütz.
Le film Maria de Pablo Larraín, avec Angelina Jolie, sorti au cinéma le 5 février 2025 au cinéma, aborde – en restant en surface -, la vie difficile de la mythique cantatrice grecque née le 2 décembre 1923 à New York. On la voit lutter contre ses démons alors qu’elle vit dans un appartement parisien, peu de temps avant de mourir jeune (53 ans) en 1977, d’une embolie pulmonaire, fatiguée par la prise de barbituriques, d’excitants et d’un hypnotique, le Mandrax. Mais pour aller plus loin, il faut se pencher sur un documentaire et un livre qui remontent à quelques années de cela.
Un documentaire révèle la face sombre de Maria Callas
Obsédée par le travail, perfectionniste à s’en rendre malade, complexée (elle a perdu beaucoup de poids pour ressembler aux héroïnes qu’elle incarnait sur scène) et exigeante, la Callas était aussi magnétique, dotée d’une voix d’or et adulée, à tel point que la ferveur de son public ressemblait à celle que l’on voue aux stars de rock.
Mais très vite, le succès vrombissant la dévore, corps et âme, et empoisonne tous les aspects de sa vie privée. Avec ses traits marqués, sa grande bouche et ses yeux immenses cerclés de noir, Maria Callas semble porter en permanence un masque de tragédienne. C’est cette dualité, entre ombre et lumière, que le réalisateur Tom Volf a voulu explorer en 2017 à travers son film Maria by Callas.
“J’aimerais être Maria, mais il y a aussi la Callas. J’essaie de m’entendre avec les deux.” Maria Callas
C’est donc avec ses propres mots que Maria Callas se raconte, au fil d’un documentaire sensible et contemplatif, porté par l’omniprésence de la musique, qui l’a accompagnée durant toute sa vie. Ainsi, à l’aide d’archives minutieusement collectées, l’on écoute tantôt une voix-off lire ses mémoires, puis Maria Callas en personne, se confier en interview sur les deux femmes qui la composent : “Il y a deux personnes en moi, disait-elle. J’aimerais être Maria, mais il y a aussi la Callas. J’essaie de m’entendre avec les deux.”
Qui sont ces femmes ? En quoi sont-elles différentes ? “Il y a la femme sur la scène de la vie, et la femme sur la scène de théâtre”, sourit-elle. La première est une femme simple, qui n’a pas peur de prendre la pluie, qui aime regarder la télévision, lire “des bêtises”, cuisiner. Une grande romantique, qui, au fond d’elle, aurait préféré trouver un prince charmant plutôt que d’être seule.
L’une des plus grandes souffrances de la diva réside dans cette sentence : “I just can’t master the art of being a hypocrit” (“Je suis incapable de maîtriser l’art de l’hypocrisie”). Tout au long de sa vie, aussi scrutée soit-elle, Maria Callas n’a cessé de parler franchement, au travail comme en amour, quitte à ce qu’on lui colle l’étiquette d’une artiste difficile.
Une personnalité présumée tempétueuse
Au fil d’une carrière exemplaire, la Callas a fini par dévorer Maria. Affectueusement surnommée sa “meilleure élève” par sa professeure de chant lorsqu’elle a 13 ans, Maria Callas connaît un succès que nul autre cantatrice avant elle n’avait expérimenté… puisque confrontée à la frénésie médiatique.
C’est d’abord son tempérament qu’on lui reproche, tantôt tyrannique ou désagréable ; puis une bronchite, qui lui fait annuler une représentation, que les journaux qualifient de caprice. “Je me suis réveillée complètement muette, écrit-elle dans ses mémoires, et la Norma était annoncée pour le soir-même à guichets fermés. Je me suis sentie, soudain, envahie de terreur.”
Car avec un tel talent vient un prix : celui de toujours s’élever aux exigences du public, de la presse, de ses proches. D’abord celle de sa mère, qui la poussait à prendre des cours de chant, l’exploitait, préférait sa sœur et, surtout, qui a voulu la prostituer à des soldats allemands alors qu’elle était adolescente. Elle ne pouvait pas non plus compter sur son père qui lui écrivit une lettre, prétendant qu’il était en train de mourir dans un hôpital dans le but de lui soutirer de l’argent alors qu’il souffrait d’une maladie bénigne. Puis il y a son mari, Giovanni Battista Meneghini, un riche industriel plus âgé qu’elle qui devient son mentor et son imprésario mais qui ne va pas lui laisser beaucoup de liberté.
Une histoire d’amour toxique avec Aristote Onassis
suivant son cœur dans les passions les plus destructrices – notamment à travers son idylle toxique avec l’armateur grec Aristote Onassis, qui l’a quittée sans un mot pour épouser Jacqueline Kennedy en 1968.
D’après Lyndsy Spence, biographe de Maria Callas qui a pu consulté des lettres de la chanteuse inédites concernant Aristote Onassis, la diva a vécu un enfer aux côtés de celui qui l’empêchait de chanter et faisait des remarques désobligeantes sur son physique. L’auteure du livre Cast a Diva: The Hidden Life of Maria Callas expliquait, en 2021, au Guardian : “Il y a aussi des informations gênantes tirées du journal d’un de ses amis proches qui détaille la manière dont Onassis l’a droguée, principalement pour des raisons d’ordre sexuel. Aujourd’hui nous parlerions de viol par un proche.”
Une femme seule… mais libre
Même lorsqu’elle devient accro aux médicaments et perd sa voix (à cause de problèmes de santé), à la fin de sa vie et reste, recluse et seule, dans son appartement parisien, Maria Callas est une femme au tempérament fougueux qui n’a jamais cessé de lutter pour sa liberté, jusqu’à abandonner la nationalité américaine pour pouvoir divorcer de son mari.
“Même s’il existe Maria et Callas, le fond spirituel est le même, c’est moi”, confie-t-elle. Toutes deux, Maria et Callas ont chanté et vécu, jusqu’à l’épuisement. Pourtant, ce n’est que sur scène qu’elle affiche un sourire irrésistible, enivrée par les applaudissements de son plus grand amour : son public.
Maria by Callas (2017) de Tom Volf, disponible sur Canal VOD. Maria de Pablo Larraín, avec Angelina Jolie, actuellement au cinéma.