Ray of Light : comment l’album culte de Madonna influence les stars de la pop actuelle
Sorti en 1998, le disque Ray of Light de Madonna a marqué un tournant dans la musique pop, fusionnant expérimentations électroniques et spiritualité assumée. Tout en redéfinissant la carrière de Madonna, il a aussi laissé une empreinte profonde sur les artistes contemporains : FKA twigs, Lorde ou encore Addison Rae.
par Alexis Thibault.
1996. Madonna vient tout juste d’incarner l’actrice et femme politique argentine Eva Perón dans l’Evita d’Alan Parker. D’ailleurs, sa prestation lui a même offert un Golden Globe de la meilleure actrice sur un plateau d’argent. C’est peut-être ce trophée qui permettra à notre icône de la musique d’effectuer, deux ans plus tard, un retour sidérant avec Ray of Light. Un disque qui rompt avec la pop dansante et provocante de ses débuts. La transformation n’est pas seulement esthétique. Elle est philosophique.
La renaissance musicale et spirituelle de Madonna
Influencée par la naissance de sa fille, Lourdes, ses études de la Kabbale (une tradition ésotérique du judaïsme) et une immersion dans la méditation transcendantale, Madonna s’entoure de William Orbit, producteur britannique de musique électronique ambient. Le choix marquera un virage artistique majeur.
Avec son arsenal de synthétiseurs analogiques (notamment l’ARP 2600 et le Roland Jupiter-8), le producteur propose une matière sonore dense, organique et futuriste à la fois. Les textures glitchées du titre Swim, les arpèges liquides de Frozen et les nappes cosmiques du titre Ray of Light tissent une trame immersive inattendue. La voix de Madonna se fait plus assurée, plus vibrante. Elle devient le vecteur d’émotions bien plus brutes qu’auparavant…
L’album Ray of Light, le chef-d’œuvre avant-gardiste de Madonna
La chanson Frozen s’inspire par exemple de la musique classique indienne. Notamment via ses arrangements de cordes et son tempo relativement lent, en 6/8. Six croches par mesure. Un balancement fluide et ondulant. Le titre Ray of Light sample quant à lui le morceau Sepheryn (1971) du duo de folk anglais Curtiss Maldoon. On découvre une énergie rave et euphorique rarement entendue dans une chanson pop de l’époque. Madonna y chante plus vite que jamais, soutenue par un beat à 135 bpm, contrastant avec les temps contemplatifs qui dominaient jusqu’alors le disque.
À la sortie de l’album, la critique est unanime : le magazine Rolling Stone reconnaît là un “chef-d’œuvre d’alchimie entre technologie et âme” lorsque Entertainment Weekly y voit un “coup de fouet spirituel”. Pour couronner le tout, l’opus décroche quatre Grammy Awards en 1999, dont celui du meilleur album vocal pop. Ray of Light s’impose déjà comme une œuvre culte de la musique électronique grand public.
Quelques anecdotes contribueront aussi à la légende : certains enregistrements vocaux ont été effectués en une seule prise. Et le clip du titre Frozen, réalisé par Chris Cunningham, s’inspire quant à lui de l’imagerie soufie et gothique, renforçant inévitablement la dimension ésotérique du projet.
FKA twigs, Arca, Addison Rae… Des héritières directes de Madonna ?
25 ans plus tard, l’album Ray of Light continue d’irriguer la pop contemporaine. Pas seulement pour son esthétique sonore, mais pour la permission qu’il a donnée aux artistes pop de se réinventer spirituellement, sensoriellement, vocalement. FKA twigs est sans doute l’artiste la plus évidente à revendiquer cet héritage.
Dans CAPRISONGS (2022) puis EUSEXUA (2025), elle alterne entre voix éthérées, beats déconstruits et confessions déchirantes. Et comme Madonna avant elle, la Britannique réduit la distance entre le corps et la machine. Exemple probant avec le morceau MetaAngel. Sans surprise, elle citera Ray of Light comme “un blueprint de réinvention féminine sans concession”.
Ailleurs, chez Addison Rae, l’influence est plus subtile, mais toute aussi réelle. Son EP AR (2023), souvent moqué pour sa vocation mainstream, révèle pourtant un usage sophistiqué du vocodeur, de l’écho et de la reverberation analogique. Notamment sur les titres 2 Die 4 ou Nothing On (But the Radio). En 2024, c’est le titre Aquamarine qui emprunte aux nappes liquides de Frozen et évoque des thématiques de purification et de transcendance. La démarche artistique semble plus sérieuse…
Vers une hybridation plus complexe, de Lorde à Arca
Mais c’est aussi dans une production pop plus large que l’ombre de Ray of Light se fait sentir. L’album a effectivement ouvert la voie à une hybridation sans complexes. Shygirl, Robyn, Lorde, Caroline Polachek, Arca… Toutes ces artistes ont, à des divers degrés, réconcilié la spiritualité et la technophilie, la vision de l’intimisme et le goût du spectaculaire. Même Billie Eilish, dans ses moments les plus ambient, semble parfois puiser dans cette veine.
Ray of Light n’est donc pas simplement un album à succès. C’est un véritable manifeste. Ce disque a maintes fois prouvé que la musique pop pouvait être cérébrale sans perdre sa sensualité pour autant. En un sens, il a préparé le terrain pour toute une génération de femmes artistes qui refusent le compromis et la linéarité narrative.
Ultrime preuve de sa pérénnité : Madonna sortira, le 25 juillet 2025, un album de remix, Veronica Electronica, issus de cette période avec des consonances EDM qui devraient inspirer de nouvelles générations de cchanteurs et chanteuses.
Ray of Light (1998) de Madonna, disponible. Veronica Electronica de Madonna, disponibe le 25 juillet 2025.