Lous and the Yakuza : « Le succès n’est que l’effet secondaire de mon rêve »
Conjuguant son talent de musicienne à une beauté et une élégance de reine, Lous and the Yakuza s’est fait remarquer dès son premier single, « Dilemme », sorti en 2019. Dans ce titre mariant une rythmique hip-hop et une musicalité pop, la jeune chanteuse belgo-congolaise faisait déjà preuve d’une maîtrise impressionnante, étayée par un clip à la direction artistique sophistiquée. En quelques mois à peine, la nouvelle pépite a confirmé son statut de future star avec laquelle il faudra désormais compter, et vient de dévoiler « Gore », son premier album. Déjà plébiscitée par la mode, depuis la maison Chloé, qui l’a choisie comme égérie d’une de ses campagnes, à Louis Vuitton, qui l’a invitée à défiler en octobre, l’auteure-compositrice- interprète poursuit son ascension avec assurance, forte d’une aura à laquelle nul ne saurait résister.
Numéro : votre premier album, Gore, est sorti en octobre, pendant la crise sanitaire, avez-vous craint que les événements actuels ne vous freinent dès le début de votre parcours ?
Lous and the Yakuza : non, parce que c’est la vie. Les choses devaient se passer comme ça.
Je crois très fort en Dieu, donc je crois aussi en la destinée. Je me dis que c’était écrit. C’est un obstacle de plus, mais ce n’est pas grave. Ce qui est grave, c’est la pandémie, pas la sortie de mon album pendant cette pandémie. En un sens, je pense que ça m’endurcit.
À peine apparue sur la scène musicale, vous cumulez déjà des dizaines de millions d’auditeurs sur les plateformes de streaming, et vous avez été mise à l’honneur outre-Atlantique dans le Tonight Show de Jimmy Fallon, comment appréhendez-vous ce succès mondial ?
Participer au Tonight Show, c’était dingue ! J’étais très surprise et honorée d’y être invitée. De plus, là-bas, le public s’intéresse vraiment à la musique, on n’a pas besoin de couper sa performance pour passer à la télévision. Mais le succès, ce n’est que l’effet secondaire de mon rêve. Mon rêve, c’est juste de devenir chanteuse. La célébrité ne m’intéresse pas vraiment. J’aime bien le calme, j’aime la campagne… même si je suis consciente que dans mes clips je ne montre pas forcément cette image de moi.
Numéro : votre premier album, Gore, est sorti en octobre, pendant la crise sanitaire, avez-vous craint que les événements actuels ne vous freinent dès le début de votre parcours ?
Lous and the Yakuza : non, parce que c’est la vie. Les choses devaient se passer comme ça.
Je crois très fort en Dieu, donc je crois aussi en la destinée. Je me dis que c’était écrit. C’est un obstacle de plus, mais ce n’est pas grave. Ce qui est grave, c’est la pandémie, pas la sortie de mon album pendant cette pandémie. En un sens, je pense que ça m’endurcit.
À peine apparue sur la scène musicale, vous cumulez déjà des dizaines de millions d’auditeurs sur les plateformes de streaming, et vous avez été mise à l’honneur outre-Atlantique dans le Tonight Show de Jimmy Fallon, comment appréhendez-vous ce succès mondial ?
Participer au Tonight Show, c’était dingue ! J’étais très surprise et honorée d’y être invitée. De plus, là-bas, le public s’intéresse vraiment à la musique, on n’a pas besoin de couper sa performance pour passer à la télévision. Mais le succès, ce n’est que l’effet secondaire de mon rêve. Mon rêve, c’est juste de devenir chanteuse. La célébrité ne m’intéresse pas vraiment. J’aime bien le calme, j’aime la campagne… même si je suis consciente que dans mes clips je ne montre pas forcément cette image de moi.
C’est vrai, vous dégagez quelque chose de très altier et intimidant dans vos clips, mais lorsqu’on vous rencontre, vous laissez immédiatement apparaître une personnalité plus accessible.
Je suis une multitude de personnes. Plus tard dans l’après-midi, j’aurai peut-être une perruque orange, des talons hauts et des dessins partout sur le visage. Je suis simplement le cours de mes envies. Dans mes clips, j’ai la responsabilité de donner une excellente vision de la femme noire.
Je trouve que je représente tout autant l’excellence de la femme noire quand je suis au naturel, mais malheureusement, personne ne va comprendre ça. Je suis obligée de trouver une façon de montrer la beauté qui va plus facilement plaire aux autres.
Lous and the Yakuza, ce n’est pas seulement de la musique, c’est aussi une identité visuelle très forte.
Je dois avouer que je suis control freak, je veux maîtriser tout ce que mon public voit de moi.
Mes ongles, mes cheveux, la lumière dans les clips, les prises de vue… je contrôle tout, absolument tout. Avec, à chaque fois, une idée précise en tête. Beaucoup d’artistes ont arrêté de faire ce genre d’efforts. En plus d’être compliquées à écouter, leurs productions sont compliquées à regarder.
C’est vrai, vous dégagez quelque chose de très altier et intimidant dans vos clips, mais lorsqu’on vous rencontre, vous laissez immédiatement apparaître une personnalité plus accessible.
Je suis une multitude de personnes. Plus tard dans l’après-midi, j’aurai peut-être une perruque orange, des talons hauts et des dessins partout sur le visage. Je suis simplement le cours de mes envies. Dans mes clips, j’ai la responsabilité de donner une excellente vision de la femme noire.
Je trouve que je représente tout autant l’excellence de la femme noire quand je suis au naturel, mais malheureusement, personne ne va comprendre ça. Je suis obligée de trouver une façon de montrer la beauté qui va plus facilement plaire aux autres.
Lous and the Yakuza, ce n’est pas seulement de la musique, c’est aussi une identité visuelle très forte.
Je dois avouer que je suis control freak, je veux maîtriser tout ce que mon public voit de moi.
Mes ongles, mes cheveux, la lumière dans les clips, les prises de vue… je contrôle tout, absolument tout. Avec, à chaque fois, une idée précise en tête. Beaucoup d’artistes ont arrêté de faire ce genre d’efforts. En plus d’être compliquées à écouter, leurs productions sont compliquées à regarder.
Qui sont les yakuzas de Lous and the Yakuza ?
Les “Yakuza”, ce sont toutes les personnes qui travaillent avec moi et qui sont dans l’ombre,
de mes attachés de presse à mes producteurs, en passant par mes chorégraphes. Tous ces gens méritent d’être dans la lumière. Créditer les gens, c’est la première étape pour ne jamais prendre la grosse tête. C’est pour ça qu’ils sont mentionnés dans mon nom de scène. Je ne voulais pas oublier que, sans eux, je ne serais pas grand-chose. Je serais comme un diamant trop brut, qui a besoin d’être poli.
Une équipe qui représente aussi beaucoup de moyens… votre côté « control freak » ne vous a donc pas donné des envies d’indépendance ?
Je ne me reconnais pas du tout dans ce cliché de l’artiste qui est en lutte avec sa maison de disques pour imposer ses choix. Dans mon label (Columbia Records), je m’entends très bien avec tout le monde. Ils ont fait le pari de croire en une jeune femme noire qui dans ses chansons ne parle pas uniquement de faire la fête et d’oublier ses problèmes. Je parle de prostitution, de viol, de solitude, de colonialisme. Cette confiance est inattendue, l’investissement financier et l’énergie qu’ils déploient pour réaliser mes projets et ma vision sont extraordinaires.
Qui sont les yakuzas de Lous and the Yakuza ?
Les “Yakuza”, ce sont toutes les personnes qui travaillent avec moi et qui sont dans l’ombre,
de mes attachés de presse à mes producteurs, en passant par mes chorégraphes. Tous ces gens méritent d’être dans la lumière. Créditer les gens, c’est la première étape pour ne jamais prendre la grosse tête. C’est pour ça qu’ils sont mentionnés dans mon nom de scène. Je ne voulais pas oublier que, sans eux, je ne serais pas grand-chose. Je serais comme un diamant trop brut, qui a besoin d’être poli.
Une équipe qui représente aussi beaucoup de moyens… votre côté « control freak » ne vous a donc pas donné des envies d’indépendance ?
Je ne me reconnais pas du tout dans ce cliché de l’artiste qui est en lutte avec sa maison de disques pour imposer ses choix. Dans mon label (Columbia Records), je m’entends très bien avec tout le monde. Ils ont fait le pari de croire en une jeune femme noire qui dans ses chansons ne parle pas uniquement de faire la fête et d’oublier ses problèmes. Je parle de prostitution, de viol, de solitude, de colonialisme. Cette confiance est inattendue, l’investissement financier et l’énergie qu’ils déploient pour réaliser mes projets et ma vision sont extraordinaires.
Et pourtant vous évoquez la solitude dès les premières phrases de l’album.
Parce qu’en effet, je suis seule, et peut-être encore plus qu’avant. Toutes les nuits à l’hôtel, les voyages… le mode de vie que la musique impose à une artiste n’a rien à voir avec ce que je pensais. Je n’imaginais pas toutes ces obligations. Le thème de la solitude est très récurrent, même si ce n’est pas vraiment calculé. Le premier morceau de l’album, Dilemme, est celui qui explique le mieux ma personne, mon histoire. J’ai voulu que ça soit mon premier morceau parce qu’il est ma carte d’identité, il permet de mieux me connaître.
Pour ce premier album, vous avez collaboré avec El Guincho, le producteur qui a permis à Rosalía d’acquérir une reconnaissance internationale, c’est vous qui êtes allée le chercher ?
J’avais déjà composé la moitié de mon album avant de chercher à le rencontrer. Pour moi,
c’était le producteur qui allait pouvoir réaliser ma vision. Il voit tout avant tout le monde, je ne prends aucune décision musicale sans lui. Et puis nous nous sommes très vite compris. Je pense qu’ensemble nous créons une musique qui ne ressemble à aucune autre. Mon équipe a même parfois du mal à me faire passer sur les radios parce que notre univers n’entre pas précisément dans une case.
Et pourtant vous évoquez la solitude dès les premières phrases de l’album.
Parce qu’en effet, je suis seule, et peut-être encore plus qu’avant. Toutes les nuits à l’hôtel, les voyages… le mode de vie que la musique impose à une artiste n’a rien à voir avec ce que je pensais. Je n’imaginais pas toutes ces obligations. Le thème de la solitude est très récurrent, même si ce n’est pas vraiment calculé. Le premier morceau de l’album, Dilemme, est celui qui explique le mieux ma personne, mon histoire. J’ai voulu que ça soit mon premier morceau parce qu’il est ma carte d’identité, il permet de mieux me connaître.
Pour ce premier album, vous avez collaboré avec El Guincho, le producteur qui a permis à Rosalía d’acquérir une reconnaissance internationale, c’est vous qui êtes allée le chercher ?
J’avais déjà composé la moitié de mon album avant de chercher à le rencontrer. Pour moi,
c’était le producteur qui allait pouvoir réaliser ma vision. Il voit tout avant tout le monde, je ne prends aucune décision musicale sans lui. Et puis nous nous sommes très vite compris. Je pense qu’ensemble nous créons une musique qui ne ressemble à aucune autre. Mon équipe a même parfois du mal à me faire passer sur les radios parce que notre univers n’entre pas précisément dans une case.
Les médias et votre public vous définissent comme une rappeuse, ce que vous réfutez régulièrement.
Les gens me décrivent à leur manière, et, d’une certaine façon, je suis ce qu’ils pensent de moi.
Si tout le monde s’entend à dire que je suis une rappeuse, je deviens une rappeuse. Le public décide de qui je suis, en termes de nomenclature en tout cas. J’essaye simplement d’être le plus authentique possible. Ma musique est la recherche constante et infinie de la vérité, et ça, ça n’appartient à aucun genre… et ça appartient à tous les genres en même temps.
En parlant de rap, on a vu Damso aller célébrer à Kinshasa la sortie de son dernier album QALF, sur lequel vous figurez. Ça vous donne des idées ?
Ça serait incroyable ! Damso avait aussi une démarche que je trouve très belle : il a sorti son album là-bas avant de le sortir en Europe, pour prouver que l’Afrique n’est pas perpétuellement en retard. Créer un événement au Congo, qui retentisse mondialement, c’est extraordinaire, c’est donner à l’Afrique la place qu’elle mérite dans la culture. Les Africains sont de grands prescripteurs. Aujourd’hui, l’afro-beat est partout, les gens sont en admiration devant des artistes africains comme Burna Boy ou WizKid, mais ça fait déjà une dizaine d’années qu’ils ont lancé leur carrière, je les écoutais quand j’avais 15 ans.
Les médias et votre public vous définissent comme une rappeuse, ce que vous réfutez régulièrement.
Les gens me décrivent à leur manière, et, d’une certaine façon, je suis ce qu’ils pensent de moi.
Si tout le monde s’entend à dire que je suis une rappeuse, je deviens une rappeuse. Le public décide de qui je suis, en termes de nomenclature en tout cas. J’essaye simplement d’être le plus authentique possible. Ma musique est la recherche constante et infinie de la vérité, et ça, ça n’appartient à aucun genre… et ça appartient à tous les genres en même temps.
En parlant de rap, on a vu Damso aller célébrer à Kinshasa la sortie de son dernier album QALF, sur lequel vous figurez. Ça vous donne des idées ?
Ça serait incroyable ! Damso avait aussi une démarche que je trouve très belle : il a sorti son album là-bas avant de le sortir en Europe, pour prouver que l’Afrique n’est pas perpétuellement en retard. Créer un événement au Congo, qui retentisse mondialement, c’est extraordinaire, c’est donner à l’Afrique la place qu’elle mérite dans la culture. Les Africains sont de grands prescripteurs. Aujourd’hui, l’afro-beat est partout, les gens sont en admiration devant des artistes africains comme Burna Boy ou WizKid, mais ça fait déjà une dizaine d’années qu’ils ont lancé leur carrière, je les écoutais quand j’avais 15 ans.
Quelle place occupe le Congo dans votre identité musicale ?
On parlait tout à l’heure d’esthétique… eh bien, je dirais que le rapport au style est intense chez nous ! On essaye toujours d’être stylé, en toutes circonstances. La mode a une place très importante pour nous. Pour frimer, évidemment, mais aussi parce que c’est une revendication identitaire. Montrer ses vêtements, c’est montrer sa puissance. Il y a aussi la danse. Au Congo, tout le monde danse dès la naissance, c’est ce qui nous fait vivre. C’est une grande manifestation d’espoir dans notre pays qui est en guerre depuis 1996. On ne peut pas tout le temps penser à la guerre, il faut trouver des exutoires.
Après cet album, avez-vous déjà la suite en tête ? Une jeune artiste peut-elle se permettre de prendre son temps ?
Je vais commencer par sortir quelques collaborations. À partir du moment où l’on recherche la qualité, il est possible de prendre son temps. Gore a été écrit il y a trois ans. Ça m’a laissé le temps de tout calculer, de tout agencer. Dans la musique, tout n’est que stratégie. Si mes trois premiers singles étaient aussi différents les uns des autres, c’est que je voulais donner à mon public le ton pour la suite de ma carrière. J’ai presque fini d’écrire mon deuxième album, et il n’a rien à voir avec le premier. Je pense qu’il va vraiment perturber les gens. Ça sera comme ça toute ma vie. Je suis trop versatile, je suis un mélange de trop de cultures, de trop d’influences, je suis en expérimentation constante. J’espère que les gens ne pourront jamais s’habituer à ma musique.
Quelle place occupe le Congo dans votre identité musicale ?
On parlait tout à l’heure d’esthétique… eh bien, je dirais que le rapport au style est intense chez nous ! On essaye toujours d’être stylé, en toutes circonstances. La mode a une place très importante pour nous. Pour frimer, évidemment, mais aussi parce que c’est une revendication identitaire. Montrer ses vêtements, c’est montrer sa puissance. Il y a aussi la danse. Au Congo, tout le monde danse dès la naissance, c’est ce qui nous fait vivre. C’est une grande manifestation d’espoir dans notre pays qui est en guerre depuis 1996. On ne peut pas tout le temps penser à la guerre, il faut trouver des exutoires.
Après cet album, avez-vous déjà la suite en tête ? Une jeune artiste peut-elle se permettre de prendre son temps ?
Je vais commencer par sortir quelques collaborations. À partir du moment où l’on recherche la qualité, il est possible de prendre son temps. Gore a été écrit il y a trois ans. Ça m’a laissé le temps de tout calculer, de tout agencer. Dans la musique, tout n’est que stratégie. Si mes trois premiers singles étaient aussi différents les uns des autres, c’est que je voulais donner à mon public le ton pour la suite de ma carrière. J’ai presque fini d’écrire mon deuxième album, et il n’a rien à voir avec le premier. Je pense qu’il va vraiment perturber les gens. Ça sera comme ça toute ma vie. Je suis trop versatile, je suis un mélange de trop de cultures, de trop d’influences, je suis en expérimentation constante. J’espère que les gens ne pourront jamais s’habituer à ma musique.
Lous and the Yakuza, « Gore » [Columbia Records], disponible.
Lous and the Yakuza, « Gore » [Columbia Records], disponible.