Lous and The Yakuza, future star de la pop ?
Son charisme et son énergie hors norme ont balayé tous les obstacles pour conduire cette chanteuse passionnée de 23 ans aux portes de son destin.
Par Alexis Thibault.
Portraits Sofia Sanchez & Mauro Mongiello.
Réalisation Lous and The Yakuza, future star de la pop ?.
Dans un petit studio photo niché au deuxième étage d’un immeuble de la rue Montmartre, la chanteuse Lous and the Yakuza enchaîne instinctivement les poses avec une surprenante aisance pour une jeune artiste de 23 ans qui vient à peine d’être révélée au public. Dans la pièce, la séance se déroule tandis que le R’n’B ultra contemporain de Summer Walker et la voix de la diva capverdienne Cesaria Evora font vibrer les enceintes. Figé devant la porte, un voisin au teint cramoisi vocifère encore : le vacarme l’empêche de gérer ses comptes. Malheureusement pour lui, la jeune femme privilégie sa playlist à la diplomatie.
Lous and the Yakuza, alias Marie-Pierra Kakoma, est déjà éreintée. Pas la fatigue transitoire d’un lendemain de cuite, plutôt celle d’une star en puissance au débit précipité qui enchaîne concerts, interviews et shootings photo avec la rigueur d’une machine. Née à Lubumbashi, en République démocratique du Congo, en 1996, elle suit ses parents qui émigrent en Belgique quatre ans plus tard, puis retrouve l’Afrique à l’âge de 9 ans lorsqu’elle déménage au Rwanda. Elle y reste jusqu’à ses 15 ans, avant de regagner définitivement l’Europe. Cette brindille control freak, fanatique de Cicéron, écrit depuis toujours, peut pleurer quatre fois par heure et doit manier tout autant de langues dans la même journée pour dialoguer avec le staff qui l’entoure. Son pseudonyme, Lous and the Yakuza, est d’ailleurs un hommage à ceux qui travaillent avec elle dans l’ombre. Ceux sans lesquels son rêve éveillé n’existerait pas : si les yakuzas désignent les membres de la mafia japonaise, la jeune artiste rappelle qu’“en japonais, yakuza signifie ‘perdant’. Cette mafia terrifie tout le monde, pourtant ses membres vivent reclus, en marge de la société, comme mes amis de la rue…” Mise à la porte de chez elle à 19 ans, Lous a en effet connu les affres de la rue et de l’asphalte mouillé en plein hiver. Elle se réfugie alors dans un studio d’enregistrement, un fief étrange qui forge son caractère et fait mûrir sa passion pour la musique. L’écriture devient sa thérapie.
Dans sa musique, la jeune artiste revendique avant tout l’authenticité et ne respecte que ceux qui “suent la vérité”, selon ses propres termes. Sa force se résume à son identité. D’autant que l’interprète charismatique peut compter sur le soutien indéfectible des rappeurs belges Krisy et Damso ou sur celui d’El Guincho, qui compose notamment pour Rosalía. Au printemps 2020, Lous présentera son premier album, gorgé de sonorités folkloriques, puisant dans toutes les influences, du Cap-Vert aux musiques celtes. Elle a glissé le tout dans un carcan trap, courant musical assourdissant issu du “dirty South” et apanage d’une époque qui privilégie la forme… un cocktail qui, en tout cas, lui ouvre toutes grandes les portes du festival We Love Green, qui l’a programmée pour sa prochaine édition. Dilemme, titre survolté aux paroles naïves, cumule près de trois millions de vues sur YouTube. Quant au clip, il repense des toiles de maître en juxtaposant des corps qui se contorsionnent… Autre spécificité de Lous and the Yakuza, la chanteuse belge ne fait apparaître (pour l’instant) que des Noirs dans ses clips. Une intention délibérée : “On associe trop souvent les Noirs à la guerre, à la famine, à la pitié, à la drogue, à la peur… Je veux montrer des Noirs heureux, beaux, forts et fiers. Je ne travaille qu’avec des Blancs, ils étaient tous d’accord pour ce projet.”
Affalée sur un escalier en pierre submergé par une cascade de liquide rouge, Lous reprend l’esthétique du cinéma à base d’hémoglobine dans le somptueux clip Tout est gore. La violence vire à l’absurde. Cet ersatz de l’hôtel Overlook aux couloirs sanglants filmé par Kubrick dans Shining résume-t-il sa vision de la terreur ? La chanteuse désamorce : “On voit bien que vous êtes un homme… Pour une femme, le sang n’est pas synonyme de violence. Une femme y est accoutumée. Le sang est même régulateur dans le corps féminin. Le sang, c’est la vie.” Avant de concéder, au bout du compte : “Moi, si je suis une personne violente, c’est par passion.” Grande gueule, la jeune chanteuse dit n’accorder aucune importance au marketing. Elle fait ce que bon lui semble, change de perruque au gré de ses humeurs, porte ses tatouages comme des peintures de guerre et a la ferme intention de prendre son public à contre-pied dans son prochain projet… à travers huit ballades enregistrées en simple piano-voix, par exemple.
Gore (Columbia Records) de Lous and the Yakuza, disponible au printemps 2020.
Découvrez les backstages du shooting de Lous and The Yakuza.