Liniker, la chanteuse transgenre qui réveille le Brésil
Star de l’une des dernières sessions des studios Colors, la chanteuse transgenre brésilienne Liniker est la sensation de ce début d’année. Elle revient en force avec son groupe Liniker e os Caramelows alors qu’elle n’avait rien sorti depuis “Remonta”, son premier album de 2016.
Par Lolita Mang.
Enfermée dans un cube écarlate pour sa récente session Colors, la chanteuse Liniker apparaît dans une longue robe noire fendue. Quand sa voix chaude résonne, difficile de ne pas tomber sous le charme. Avec un large sourire, la Brésilienne enchaîne les mots doux en portuguais avec un groove assuré. De quoi réchauffer les cœurs en plein mois de janvier…
À 24 ans, Liniker Barros – de son vrai nom – est la nouvelle sensation soul venue tout droit d'Araraquara, une ville touristique proche de São Paulo. Son groupe, Liniker e os Caramelows (en français : Liniker et les Caramels), envoûte les foules avec ses morceaux influencés par la samba, cette musique brésilienne au rythme syncopé issue des cortèges de carnaval. Comme si Ella Fitzgerald ou Nina Simone s’étaient plongées dans les sonorités latino-américaines. Liniker cite volontiers ces divas lorsqu’elle aborde ses influences. Aujourd’hui, la dame rêve de collaborer avec des icônes de la soul comme Jorja Smith ou Solange. Après un premier EP sorti directement sur YouTube en 2015 (qui cumule aujourd'hui 26 millions de vues) et un album, Remonta paru un an plus tard, la chanteuse a enfin sa place parmi ses consœurs.
Née en 1995 dans une famille d'artistes et de musiciens, c'est tout naturellement que Liniker commence à poster ses prestations vocales sur YouTube. Son attrait pour la musique, elle en a hérité de sa mère, danseuse de samba rock (qui intègre des sonorités jazz et be bop). Liniker imite à son tour les idoles de sa mère : du chanteur de Rio Jorge Ben au père de la soul brésilienne Tim Maia. Toute sa vie, la jeune femme sera épaulée par sa mère qui lui offrira son premier mascara et la soutiendra jusqu'à sa transition.
Aujourd'hui, le Brésil est rongé par la violence qui sévit dans ses rues. L’insécurité règne et le pays voit les meurtres de personnes transgenres croître d’année en année. Ce qui rend le succès de Liniker e os Caramelows d'autant plus saisissant. Un rapport remis en novembre 2017 par le Trans Murder Monitor (branche de l'ONG Trans Respect), constate qu'entre 2008 et 2016, 868 meurtres de personnes transgenres ont été commis. En outre, le pays détient le triste record de crimes à l'encontre des personnes LGBTQ+. D’autant que l'élection de Jaïr Bolsonaro à la tête de l'État n'a pas favorisé l'installation d'un climat apaisé. Dans une telle atmosphère, Liniker persiste à chanter uniquement des chansons d'amour, ce qui pousse son public à s'interroger : “Les gens me demandent toujours quand est-ce que je vais faire de la musique politique. Mais une femme noire et transgenre qui écrit des chansons d'amour, et qui chante face à des foules dans tout le pays, et même dans le monde, c'est déjà très politique,” déclare-t-elle en 2019, dans un entretien accordé au magazine britannique Dazed. Et pour celle qui enregistrait seule des morceaux dans sa chambre pour les poster sur YouTube, c'est déjà une victoire.