Leon Bridges : les Mémoires prématurés d’un prodige de la soul
À 35 ans, le chanteur américain Leon Bridges défend son quatrième album studio, sobrement intitulé Leon. Un disque dans lequel il convoque ses souvenirs de jeunesse croisant la soul, le R’n’B, la folk et la country avec brio.
Par Alexis Thibault.
Leon, le quatrième album studio de Leon Bridges
Leon Bridges a grandi à une vingtaine de minutes de Forth Worth, la cinquième plus grande ville de l’état du Texas. Il paraît qu’on y croise des hommes coiffés d’un Stetson et qu’on entend leurs Santiags claquer sur le bitume lorsqu’ils se dirigent vers Stockyards, l’ancien marché de bétail. Dans le morceau That’s What I Love, extrait de son quatrième album studio, sobrement intitulé Leon, ce sont justement les images de sa propre jeunesse qui ressurgissent.
Exercice de style. Leon Bridges y liste les affaires banales de son quotidien, tel l’inventaire infini des moments merveilleux passés près de Nashville. Les Cadillacs, le Denim délavé, les mocassins noirs en cuir verni et le printemps dans la rivière Trinity. Les bijoux en or, le funk de Louisiane, les jolies filles du barrio, les sodas à la mûre et les nuits texanes étouffantes…
Longtemps Leon Bridges aura été apaisé par le bruit des trains qui hurlaient en passant près de sa maison. Mais, tout cela est désormais terminé. Car ce nouveau disque évoque le passage à l’âge adulte, à l’instar du long-métrage Le Gang des champions (1993), comédie familiale digne des Gonnies dans laquelle des gosses attachants se mettent au baseball. Le film restera toujours gravé dans un coin de sa tête.
– Et vous Léon, quel genre de gosse étiez-vous ?
– Du genre timide. Au lycée, je restais dans mon coin. Mais en même temps, j’avais une passion pour la danse et la musique R’n’B. Pendant mon temps libre, je travaillais mes mouvements devant le miroir…
– Votre musique s’inspire-t-elle de tout cela ? De votre propre enfance ?
– Je dis souvent qu’il m’a fallu cinq ans pour composer cet album mais, en réalité, je crois que je l’ai entamé dès ma naissance. Et je trouve une sorte d’évasion dans la nostalgie. Pour construire ce disque, j’ai utilisé beaucoup de mémos vocaux oubliés sur mon téléphone. Des idées inachevées. Puis j’ai composé les morceaux autour de ces brouillons avec Daniel Tashian et Ian Fitchuk, des musiciens de Nashville [et collaborateurs de la chanteuse de country Kacey Musgraves.]
Un mélange des genres presque trop parfait
Comment proposer un album de pure soul vintage sans copier ce qui a été fait auparavant ? Rien de nouveau sous le soleil. Pour ce nouveau projet, Leon Bridges n’a pas cherché à imiter tel ou tel artiste, préférant fusionner le R’n’B, la folk et la country. Le musicien convoque alors l’esprit de Bobby Womack, de Curtis Mayfield ou de Townes Van Zandt, grand ponte du genre americana, ce retour au rock traditionnel des US apparu dans les années 90 en réponse aux altérations du genre perpétrées par les radios. Mais aussi les travaux du photographe afro-américain Gordon Parks, reporter du mouvement des droits civiques et l’expérience noire des années 50 aux années 70.
Qu’on se le dise, l’instrumentation de ce nouvel album est aussi étonnante que qualitative. Celui qui avait étonné tout le monde chez Colors il y a cinq ans, en interprétant son titre Lions, change de look. Exit l’attitude de grand-père aux mouvements aussi fluides que saccadés, Leon Bridges arbore un pantalon pattes d’eph et enjolive sa soul infusée de folk et de country en utilisant notamment la pedal steel guitar, un instrument que l’on pose sur ses cuisses pour le faire sonner. Un mélange des genres net et sans bavures.Peut-être parfois trop propre d’ailleurs. Comme si ses compositions satinées méritaient d’être, pour une fois, un peu salies…
Leon, de Leon Bridges, disponible.