Léa Sen, la chanteuse française qui a séduit Sampha et Vegyn

par Alexis Thibault.

Léa Sen, star du festival Pitchfork à Paris

C’est sur la scène du Trianon, dans le cadre du festival Pitchfork Paris, en novembre dernier, que la chanteuse et productrice folk-électro-jazz française basée à Londres Léa Sen, 26 ans, apparaît. Une simple guitare et une économie de gestes qui tranche avec les explosions sonores de ses homologues. Difficile d’imaginer qu’elle était autrefois cette petite fille clownesque qui passait son temps à faire rire les autres. La musique, chez elle, naîtra précisément de ce décalage : un besoin irrépressible de faire le show. Tout en racontabt tout ce qu’elle n’est jamais parvenue à dire…

Léa Sen chante en anglais depuis l’âge de 10 ans et ne s’est jamais vraiment imaginée faire autre chose. Une langue comme un code secret que ses proches ne parviendront pas à déchiffrer totalement. Ce monde, elle le précise à Londres, où elle s’installe à 19 ans, tout juste quelques semaines avant le Brexit. À l’écouter, sa trajectoire tient moins du “coup de chance” que de la théorie des rencontres…

Des collaborations avec Sampha ou Vegyn

À Londres, les gens qu’elle rencontre s’appellent notamment Joy Orbison, figure de la scène club qui l’invite à poser sa voix sur le morceau better (2021), puis Sampha, qui repère la jeune femme en concert et lui propose de contribuer à son album dernier album Lahai (2023).

Le même soin obsessionnel traverse sa relation avec le producteur Vegyn, qui réinvente I Feel Like I’m Blue dans un rework vaporeux, consolidant ce dialogue entre songwriting minimaliste et architectures électroniques plus abstraites. Léa Sen, pourtant, ne se conçoit pas en “featuring ”éternelle. Ces collaborations dessinent un cercle d’affinités, pas un plafond de verre.

Le minimalisme et les guitares dépouillées

Ses EP et son album Levels (2025) posent les bases d’une œuvre où la voix et la guitare restent le cœur battant, autour duquel viennent se greffer textures électroniques, fragments de rap samplé et harmonies presque folk. “J’essaie de revenir à quelque chose de très simple, souligne-t-elle. Trois micros dans la pièce, un sample que j’aime bien, ma guitare et ma voix. Si vous perdez le feeling de départ, vous perdez le plus important.”

Cette recherche de justesse se joue aussi sur scène. En première partie du rappeur britannique Loyle Carner, devant des salles imposantes, elle affronte un public venu pour un autre qu’elle. “Là, vous voyez des jeunes sur leur téléphone depuis la scène, se souvient-elle. Et vous vous demandez si vous feriez mieux de changer votre musique ou non, si autre chose pourrait leur plaire… Mais les décisions créatives qui ne sont pas authentiques se paient toujours, d’une manière ou d’une autre.

En première de Loyle Carner

Derrière cette fermeté, se cache une fragilité assumée. Léa Sen parle sans détour d’anxiété, de peur, de backstages et de tentations. Elle s’impose donc des rituels quotidiens, exercices de thérapie cognitive et moments de mise à plat mentale : “Le matin, la première chose que je fais, c’est sortir tout ce qu’il y a dans ma tête, sinon je me noie dedans.”

Au Trianon à l’occasion du festival Pitchfork (Avant-Garde), sa musique ressemble à l’œuvre d’art qu’elle décrit elle-même : un cercle simple sur un fond neutre, qui change de couleur au fil de la journée. Pas spectaculaire, mais magnétique. Le reste, les chiffres, les algorithmes, les classements, viendra, ou pas. Elle, visiblement, est là pour durer.

Levels (2025) de Léa Sen, disponible.