Khruangbin, le mystérieux groupe texan qui défie les lois des genres musicaux
Avec son nouvel album, A La Sala, qui sort ce vendredi 5 avril 2024, le trio texan Khruangbin continue de mêler les influences du monde entier et de croiser les genres musicaux pour un mélange palpitant.
Par Lolita Mang.
Dans les rues pluvieuses de Londres, un homme, veste rose, baskets impeccables et bracelets en or, se balade avec un enthousiasme débordant, sur un morceau qui transpire le disco et le funk. “That’s Life !”. La maxime, presque simplette mais diablement efficace, définit à elle seule le nouvel album de Khruangbin, groupe célèbre pour son nom imprononçable. Et ses rythmes métissés dans un melting-pot d’influences aussi chaotique que séduisant.
Au quatre coins du monde
C’est au beau milieu du désert texan, à Burton, que Khruangbin est né. Pourtant, au sein du trio, il n’est absolument pas question de cowboys. Depuis la sortie de son premier album, The Universe Smiles Upon You, en 2015, le groupe explore les sonorités venues du monde entier – avec une préférence, soulignons-le, pour le funk des années 60 et 70. Le nom même de la formation, Khruangbin, est emprunté à la langue thaï et signifie “objet volant” ou “avion”. Si la métaphore du voyage est déjà bien éculée dans la musique, force est de reconnaître que Khruangbin maîtrise comme peu de musiciens l’art de faire planer ses auditeurs.
Laura Lee à la basse, Mark Speer à la guitare et Donald Johnson – DJ – à la batterie. Tous les trois sont des passionnés de “musique de monde”. Tandis que leur premier opus explorait des sonorités d’Asie du Sud Est, le groupe s’est peu à peu laissé séduire par de nouvelles influences moyen-orientales – iraniennes en tête. L’année dernière, il revisitait son deuxième album, Con Todo El Mundo, version dub, en collaboration avec le producteur et remixeur jamaïcain Scientist. Son ADN ? Le psychédélisme, tordu et re-tordu dans tous les sens, qui donne lieu à un répertoire à la fois rêveur et… funky.
Premiers mots
Pour concocter leur troisième opus, les membres de Khruangbin se sont retrouvés dans une ferme perdue au beau milieu du Texas, non loin de Burton. Le cadre idéal pour imaginer Mordechai, pièce aussi contemplative qu’entraînante, étendue sur dix titres hétéroclites. Tout commence avec le single Time (You And I), morceau inédit dans la carrière du groupe. Pour la première fois, après deux albums où règnent les compositions instrumentales, Khruangbin fait résonner sa voix. C’est la bassiste Laura Lee que l’on entend d’abord, dans First Class, le morceau liminaire de l’album. Tantôt éthérées, tantôt manifestes, les voix deviennent des instruments comme les autres, aux côtés de la basse ronde ou de la guitare ensoleillée.
Anglais ou espagnol – la passion de Khruangbin pour le mélange des cultures glisse naturellement dans les chants qui traversent l’album. À titre d’exemple, le titre Pelota, au tempo plus rapide que le reste du disque, se distingue par ses chants en espagnol. Inspiré par la rumba – musique cubaine caractérisée par des chants et des percussions – et le flamenco, le morceau mêle paroles surréalistes et guitares qui empruntent les accords du compas, genre musical haïtien fortement influencé par le jazz.
Fort de ses contrastes, le disque s’illustre également par des morceaux plus planants. La guitare de Mark Speer s’amuse à explorer quelques accords plus jazzy sur One to Remember, alors que la basse et la batterie respectent un rythme reggae. Mais c’est avec Shida, en clôture, que le disque se fait le plus doux. À la manière d’une interminable berceuse, le morceau rend hommage à Shida, une femme rencontrée à Portland, venue d’Iran pour rendre visite à sa fille. Dans la lignée des Canadiens de BadBadNotGood ou bien du rock anatolien d’Altin Gün, Khruangbin continue de séduire son public, l’invitant vers des contrées psychédéliques et cotonneuses.
Mordechai [Dead Oceans], disponible.