Qui est Rebequita, la DJ qui mêle shatta, reggaeton et UK garage ?
De La Machine du Moulin Rouge au Silencio, en passant par la radio Rinse et la soirée Numéro art x Paris Photo, la DJ Rebequita semble être de tous les évènements parisiens. Avec ses mixes endiablés mêlant reggaeton, shatta et musique électronique, elle invite à des nuits enflammées et éclectiques. Rencontre.
propos recueillis par Camille Bois-Martin.
Rencontre avec Rebecca Jodorowsky alias Rebequita
En 2021, après toute une année passée entre confinement et restrictions sanitaires, Rebecca Jodorowsky s’impatiente dans son appartement parisien. Organisatrice de soirée depuis son plus jeune âge, elle se remémore les boums mémorables qui lui ont valu un certain succès au collège, et qui l’ont sacrée reine des playlists dans son entourage.
Alors étudiante en théâtre, elle se rapproche d’un certain Manaré, fondateur de la radio Rinse, qui lui propose un atelier d’apprentissage au métier de DJ. Là, elle découvre comment se perfectionner dans l’art de mettre l’ambiance en soirée.
Derrière les platines, la petite-fille du cinéaste Alejandro Jodorowsky (La Montagne sacrée) s’est instantanément sentie à sa place, et il n’a plus alors été question de théâtre – milieu dans lequel ses parents et sa sœur, Alma Jodorowsky, évoluent aujourd’hui. En seulement trois ans, elle se produit, sous le nom de Rebequita, dans les lieux et les évènements les plus branchées de la capitale. Rencontre.
L’interview de Rebequita, DJ parisienne en vogue
Numéro : Vous n’êtes DJ que depuis trois petites années. Avant, vous étiez étudiante en théâtre. Pourquoi ce revirement de situation ?
Rebequita : J’ai toujours adoré organiser des soirées. Mais la période du confinement a eu un réel impact sur ma vie : on s’est tous retrouvés enfermés sans pouvoir faire la fête. Il y a eu une sorte de mouvement où plusieurs DJ se sont mis à mixer depuis leurs appartements. Ça m’a donné envie d’apprendre, et j’ai demandé à Manaré, le fondateur de la radio Rinse, de m’aider. Et puis il a inauguré cet atelier d’apprentissage de DJ… et je me suis directement sentie à ma place.
Votre formation de théâtre vous influence-t-elle encore aujourd’hui ?
Totalement. Je sais que j’aime faire de mes sets un moment de partage, en cassant le quatrième mur qui pourrait se tenir entre le public et moi. Quand je mixe, j’ai mon personnage : je suis Rebequita, et d’un seul coup, j’ai beaucoup plus confiance en moi. Je danse, je communique avec les gens… C’est comme si on était sur scène, qu’on performait en quelque sorte.
“Je n’ai pas envie de me coller une étiquette comme on le fait beaucoup dans ce milieu.” Rebequita
Vous avez lancé en septembre 2023 un projet Ultra Suave. De quoi s’agit-il ?
C’est un peu dans le sillage des boums que j’organisais petite. J’essaye de créer une bulle hors du temps, un moment à part où les DJ que je choisis et leurs publics se rencontrent dans des lieux que j’affectionne à Paris et autour de la capitale car ils sont accueillants. Ce sont des soirées sans filtrage à l’entrée et sans billet ultra cher. Le nom me vient de ma résidence à la radio Rinse, où on rigolait sur la façon “ultra suave” dont mixait un de nos amis ; c’est resté, c’est même devenu le nom de notre groupe de conversation avec les autres DJ programmés. (Rires)
Comment décririez-vous votre univers musical ?
Je me cherche encore en tant que DJ – rien n’est jamais fixe, et je n’ai pas envie de me coller une étiquette comme on le fait beaucoup dans ce milieu. Je ne mixe pas qu’un seul genre de musique, au contraire, je touche autant au reggaeton, qu’au dembow, à la drum and bass, à la borracha… Mon père est mexicain, donc l’univers de la musique latine urbaine me parle depuis petite. Mais j’adore aussi toute la scène UK, un peu plus “niche” ou encore le shatta, que j’ai découvert en faisant des B2B avec des DJ martiniquais.
Vous souvenez-vous de votre premier set ?
Oui, très bien même. C’était pour un évènement avec Rinse, où Manaré m’a proposé de jouer avec lui en B2B dans un évènement au Bois de Vincennes. J’étais super stressée. C’était l’été, il faisait chaud et je me souviens avoir baissé la tête alors qu’il faisait encore jour et m’être aperçue qu’il n’y avait pas grand monde. Puis, je l’ai relevée quelques heures plus tard et j’ai découvet que la nuit était tombée et qu’il y avait devant moi toute une foule ! L’énergie était folle.
Shatta, reggaeton, UK garage… Les DJ sets éclectiques de Rebequita
C’est comment de passer une soirée avec Rebequita ?
Une soirée avec Rebequita, on sue, et on se lâche, on s’éloigne un peu des carcans français qui voudraient qu’on s’en tiennent à un seul style de musique. Il y a un truc chaleureux et solaire et du partage. Il faut toujours écouter la foule, et s’y adapter. Je pense que c’est comme au théâtre : il y des publics qui réagissent différemment. Moi, j’essaie toujours de leur faire découvrir des choses, tout en leur remémorant des souvenirs. J’aime bien faire des va-et-vient entre des titres populaires et des découvertes un peu niche. Tu peux avoir un son d’Aya Nakamura comme une chanson moins connue de UK garage.
Si vous deviez faire un état des lieux du monde de la nuit actuel…
Je pense qu’il est en train de changer, de devenir de plus en plus safe – même si on est encore loin du compte. Mais heureusement, il y a plein d’acteurs et d’actrices qui se battent pour ça comme Consentis et le collectif Réinventer la nuit, qui réfléchissent aux mesures à mettre en place dans les clubs pour que tout se passe bien. Après, en tant que femme, tu dois aussi faire face à des attitudes où tu es beaucoup moins prise au sérieux. Personnellement, dans mon rider, il est écrit que je peux enlever ma clé à tout moment si je ne me sens pas respectée par le staff ou par le public. J’ai aussi l’impression que l’on donne plus de visibilité aux artistes femmes et aux minorités, qui commencent à prendre de plus en plus d’importance.
Est-ce que vous sortiez beaucoup avant d’être DJ ?
J’ai eu ma période Le Bourbon, Le Palace, où j’allais du mardi au dimanche matin quand j’étais étudiante… Mais je dois avouer que j’ai été introduite au monde de la nuit assez tardivement. Je découvre encore toujours des endroits. D’ailleurs, la première fois que je suis allée à La Machine à Paris, c’était pour y mixer.
“Être DJ, c’est un métier assez solitaire et en même temps hyper extraverti.” Rebequita
Et aujourd’hui ?
Être DJ, c’est un métier assez solitaire et en même temps hyper extraverti. La journée, tu restes chez toi à travailler devant ton ordinateur sans croiser personne, et le soir tu te retrouves dans des lieux remplis de gens mais toi, tu restes seule face à tes platines. Il y a une sorte de décalage. Et puis il faut aussi avoir une bonne bande de potes motivés à sortir à 4h du matin pour te voir jouer tous les week-ends !
Est-ce que vous avez observé des nouvelles tendances dans le monde de la nuit ?
Depuis le Covid, quelque chose a changé. Avant, on réservait un endroit parce qu’on avait l’habitude d’y aller, peu importe l’artiste qui s’y produisait. Aujourd’hui, on revient à une culture club où l’on recherche une programmation plus qu’un lieu, sûrement parce que les collectifs sont aussi mis en avant sur les réseaux sociaux.
Une chanson qui marche à tous les coups en soirée ?
Ça dépend des publics et des moments. Par exemple, cet été, j’adorais mixer des chansons super connues. À chaque fois que je passais Petit Génie de Jungeli, tout le monde devenait fou ! (Rires) Parce que c’est un tube qui réunit.
Les adresses et coups de cœur de Rebequita
Avez-vous des morceaux ou des artistes qui vous collent à la peau ?
La chanson El Beeper d‘Oro Solido. C’est vraiment un son qui ne me quitte pas, c’est un peu ma marque de fabrique. Il est dans presque toutes mes playlists parce qu’il est hyper entraînant, et monte crescendo.
Quels sont tes Do et Don’t en matière de mode en soirée ?
Je déteste être trop serrée dans mes vêtements, l’essentiel c’est d’être à l’aise. J’ai deux moods : parfois, j’ai envie de me sentir sexy, donc j’enfile des talons ou alors, je veux juste être confort. Je dirais qu’il faut surtout miser sur les bonnes chaussures ! (Rires)
Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?
L’énergie qui t’investit sur le moment. Il se passe quelque chose avec le public, une sorte de magie comme quand tu écoutes un super morceau de musique. D’un seul coup, tu as des frissons, tout le monde kiffe, danse…
La ville dans laquelle on fait le mieux la fête ?
Marseille ! Sans hésitation.
Le meilleur club pour sortir ?
Le Karmen Camina à Strasbourg. Ils ont un super système son, et le lieu a une ambiance très particulière, tamisée.
Rebequita se produira le 23 novembre 2024 de 19h à 21h45 à La Marbrerie, à Montreuil.