Qui est HERA, la nouvelle sensation du R’n’B inspirée par Rosalía ?
Après s’être fait un nom dans l’univers de la mode, HERA s’impose aujourd’hui comme l’une des figures montantes du R’n’B français. Avec Thalassophobia, un nouvel EP introspectif, l’artiste explore ses fêlures à travers des sonorités hybrides, entre influences caribéennes et expérimentations électroniques. Rencontre.
propos receuillis par Nathan Merchadier.
HERA, la nouvelle sensation du R’n’B tricolore
En quelques mois, la Française Hera Pradel alias HERA s’est imposée comme l’une des voix singulières du R’n’B tricolore. Après avoir dévoilé Eternal OD en 2023, un EP introspectif marqué par de nombreuses expérimentations sonores, l’artiste revient sur le devant de la scène en février 2025 avec Thalassophobia. Un nouvel EP de cinq titres dans lequel elle plonge au plus profond de ses émotions, oscillant entre chansons mélancoliques sur fond de basses saturées, et hommages à ses origines caribéennes.
Influencée par Rosalía, Pharrell Williams ou encore par le le cinéma de Wong Kar-wai, Hera façonne un univers à la croisée de la musique et de l’image, où chaque morceau raconte une histoire très personnelle. On a d’abord connu Hera grâce aux réseaux sociaux et à l’univers de la mode. Elle collaborait alors avec de prestigieuses maisons comme Chanel et Mugler. Mais il faudra désormais que le monde de la musique compte sur elle… Rencontre une artiste à suivre de près.
L’interview d’HERA, auteure de l’EP Thalassophobia
Numéro : Avant l’année 2022, vous étiez surtout connue sur la scène parisienne pour vos collaborations avec la mode. Comment avez-vous décidé de lancer votre projet musical ?
HERA : J’ai eu la chance d’évoluer dans le milieu de la mode et d’y vivre de belles expériences, ce dont je suis très reconnaissante. Mais j’ai grandi avec un mantra transmis par mes parents : “Fais toujours ce que tu aimes.” Pour moi, cela signifie qu’il ne faut pas s’attarder dans un domaine qui ne nous épanouit plus. La musique m’a toujours attirée, alors je me suis lancée. Et depuis, je n’ai jamais ressenti l’envie de faire autre chose. Même si c’est parfois éprouvant. Car en tant que jeune artiste, le doute fait partie du quotidien…
Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts avec la sortie d’Uber Tears, votre premier single ?
Parmi le peu de gens qui m’écoutent, Uber Tears est souvent revenu comme leur chanson préférée. Même si je ne l’aime pas, surtout pour des raisons techniques. C’est un titre qui veut dire beaucoup pour moi. Cette chanson parle d’une histoire d’amour que j’ai vécue il y a assez longtemps. C’est d’ailleurs avec ce titre que je me suis rendu compte que ma musique me permettait de me détacher et d’avancer sur des choses afin de panser mes peines de cœur.
Quelques mois plus tard, vous partagez l’EP Eternal OD (2023)…
L’EP est un format de disque intéressant car il est plus simple à assumer en termes d’investissement financier. La musique est un milieu difficile car tu mets parfois des milliers d’euros dans des projets qui te rapportent cinq euro à la fin…
En février 2025, vous revenez sur le devant de la scène avec un EP intitulé Thalassophobia. De quoi parle-t-il ?
Après avoir exploré l’amour dans mes deux premiers EP, j’ai ressenti le besoin d’aborder d’autres thématiques. Une rupture m’a poussée à un profond travail d’introspection, un face-à-face avec moi-même. J’ai vécu ce moment où l’on se retrouve seule devant le miroir. Obligé de plonger au plus profond de soi, d’affronter ce que l’on vit et ce que l’on ressent. J’ai alors décidé de transformer cette thérapie personnelle en musique, pour exprimer ce que j’ai traversé durant cette période. Le titre Atlantis, vient d’ailleurs de cette nécessité de revenir sur ma rupture. J’ai appelé cet EP Thalassophobia parce que je voulais explorer l’idée d’aller dans ses eaux profondes. Cette introspection est parfois terrifiante. Au sein du disque, il y a d’ailleurs des titres comme Where We Can’t Swim qui sont plus sombres.
“Je voulais explorer ce moment où l’on se retrouve seul devant le miroir. Obligé de plonger au plus profond de soi, d’affronter ce que l’on vit et ce que l’on ressent.” – HERA
Sur le titre Gyal Kingdom, vous semblez vous inspirer de la dancehall…
C’était hyper intéressant de faire Gyal Kingdom car cela m’a permis d’explorer tout un nouveau territoire. Je suis d’origine guadeloupéenne et même si j’aime faire de la musique expérimentale, je voulais aussi avoir cette volonté d’explorer les sonorités de chez moi. Tout comme Rosalía utilise les sonorités latines au sein d’un univers musical très expérimental. Je ne voulais pas renier cette partie de ma culture.
Comment composez-vous vos morceaux ?
Pour composer, je dois me mettre à nu devant la personne qui fait la prod avant de pouvoir l’être devant celles et ceux qui vont m’écouter. Mais quand il s’agit de parler d’amour et de cœur brisé, je n’ai besoin d’aucune aide pour écrire.
Quels sont les artistes vous inspirent ?
Dans la création, je suis très inspirée par les artistes latino et comme beaucoup de gens, j’ai eu la claque Rosalía. Pharrell Williams figure également parmi mes artistes préférés et j’ai longtemps été inspirée par Kanye West, même si, au vu de ses dernières esclandres, il est hors de question que j’écoute à nouveau cette personne. Je suis aussi touchée par l’univers de Nathy Peluso. En assistant à l’un de ses concerts, j’ai été bluffée de voir que c’est une artiste qui réussit à être aussi à l’aise sur scène que dans ses clips.
“Quand mes copines d’école étaient fans de Lorie, moi je voulais ressembler à Fergie des Black Eyed Peas.” – HERA
Lorsque vous étiez enfant, qu’écoutiez-vous à la maison ?
Ma mère écoutait énormément de de hip-hop afro-américain, mais aussi beaucoup de R’n’B. J’ai grandi avec Beyoncé et les Destiny’s Child. De son côté, mon père écoutait du rap français, notamment le groupe Sniper. Enfin, mon oncle était un passionné de musique qui m’a beaucoup emmenée dans son home studio. À cette époque, c’était assez inédit d’avoir cela chez soi. C’est lui qui m’a fait écouter Jay-Z ou encore Gwen Stefani. Quand mes copines d’école étaient fans de Lorie, moi j’aimais Pharrell Williams et je voulais ressembler à Fergie des Black Eyed Peas.
Comment expliqueriez-vous votre musique à un enfant de dix ans ?
Je dirais que ma musique ressemble à un coeur qui brille fort avec plein de pansements.
L’esthétique de vos projets est toujours très léchée et très cinématographique…
Lorsque je lance un projet, je commence par définir son image et sa direction artistique avant même de m’interesser à sa structure musicale. Les artistes que j’admire vendent de l’image. Pas uniquement de la musique. Je ne pense pas être une puriste du cinéma, mais il y a en effet quelque chose de très cinématographique dans ma musique. Je veux qu’elle puisse emmener les gens avec moi… Si tu fermes les yeux en écoutant certains de mes titres comme Poison, ou Grand Canyon Nightmare, tu peux t’imaginer un film.
Quels sont d’ailleurs vos réalisateurs préférés ?
J’adore Tarantino et l’univers complexe de Wong Kar-wai. Plus les films sont esthétiques, plus ils m’hypnotisent. Et c’est aussi cela que je cherche à transmettre dans mes clips. J’ai composé Eternal OD, au moment de la sortie du film Dune (2021) de Denis Villeneuve. J’avais été bluffée par le travail d’Hans Zimmer sur toute la BO.
Thalassophobia (2025) d’HERA, disponibe.