Rencontre avec Aliocha Schneider, acteur et nouvelle sensation de la chanson
Depuis ses premiers pas au cinéma à l’aube des années 2010, Aliocha Schneider n’a eu de cesse de marquer le paysage du cinéma francophone avec des rôles emprunts d’une grande sensibilité. Quelques semaines après avoir dévoilé la réédition de son troisième disque chanté en français, intitulé Aliocha Schneider, l’artiste touche-à-tout aux boucles d’ange se produira ce jeudi 5 décembre 2024 sur la scène de L’Olympia à Paris, pour un concert à guichet fermé. Rencontre.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
Aliocha Schneider, chanteur et acteur irrésistible
Sous l’imposante verrière de l’Hôtel Amour où l’obscurité s’installe doucement lors d’un soir d’automne, un blondinet au sourire éclatant fait une entrée qui a le don d’illuminer le vaste espace de son énergie solaire.
Depuis quelques années, Aliocha Schneider s’illustre comme le musicien émérite d’une des fratries les plus en vogue du cinéma français et connaît un début de carrière impressionnant. En témoigne le succès de la série Salade Grecque (2023) de Cédric Klapisch — suite au long cours de la comédie L’Auberge espagnole (2002) – dans laquelle il incarne le personnage de Tom, fils de Xavier Rousseau (Romain Duris) et entrepreneur à ses heures perdues. Aux côtés de la jeune révélation Megan Northam, le duo fait des étincelles et ne manque pas de séduire les adeptes de l’un des films emblématiques de la génération Erasmus.
Aujourd’hui âgé de 31 ans, le Franco-Canadien Aliocha Schneider navigue avec une aisance déconcertante dans les hautes sphères artistiques francophones. Installé à Paris depuis quelques années comme ses trois autres frères, le jeune garçon a pourtant passé une grande partie de son enfance au Québec. “J’ai grandi dans une famille très heureuse avec mes frères. J’ai commencé la musique vers 12 ans, presqu’à la même époque que mes premiers rôles à la télévision. Mais contrairement au métier d’acteur que je considérais déjà comme un travail, jouer de la guitare et chanter était vraiment une passion”.
Aliocha Schneider en concert à L’Olympia
Car à côté de ses incursions saluées par la critique sur le grand et le petit écran, l’auteur-compositeur Aliocha Schneider entretient depuis toujours une histoire d’amour dévorante avec la musique. Tout juste sorti de l’adolescence, il compose en anglais une série de morceaux influencés par le folk et empreints d’une grande tendresse, rassemblés dans un premier album intitulé Eleven Songs (2017). S’ensuit la sortie d’un autre disque intitulé Naked (2020) sur lequel il se met justement à nu.
Le 8 novembre, l’artiste dévoilait l’édition deluxe de son troisième album sorti en 2023 (qui cumule plus de 45 millions de streams sur les plateformes) sobrement baptisé Aliocha Schneider. Un premier disque presque uniquement chanté en français, sur lequel on retrouve l’incontournable hymne à l’amour Ensemble en duo avec sa compagne, la chanteuse canadienne Charlotte Cardin. Alors que l’artiste se produira ce jeudi 5 décembre 2024 sur la scène de L’Olympia pour une date à guichet fermé, rencontre avec un artiste aux multiples casquettes.
L’interview d’Aliocha Schneider, interprète talentueux du titre Ensemble
Numéro : Vous venez de sortir la réédition de votre album intitulé Aliocha Schneider. Comment s’est déroulée la composition de ce disque sur lequel vous chantez pour la première fois presque uniquement en français ?
Aliocha Schneider : J’étais beaucoup en tournage car à l’époque je travaillais conjointement sur deux projets : un film d’Angela Schanelec qui s’appelle Music (2023) et la série Salade Grecque (2023) de Cédric Klapisch. Et je me suis donc retrouvé pendant un an en Grèce. J’avais déjà commencé à écrire les chansons de ce projet mais le fait d’être immergé dans cette atmosphère très ensoleillée m’a beaucoup inspiré. C’était aussi la première fois que je ne travaillais pas seul sur la composition d’un album et c’était génial d’avoir quelqu’un qui m’a poussé à aller plus loin. Le producteur Marc-André Gilbert m’a aidé à capturer ce moment de ma vie. Sur ce disque, on retrouve pas mal la Grèce à travers les paroles et les arrangements. Il y a quelque chose d’un peu “insulaire” et je souhaitais que l’on ressente cette chaleur là.
Comment qualifieriez-vous ce projet par rapport à vos deux albums précédents ?
Même si j’ai longtemps trouvé que les chansons à textes ne me correspondaient pas, le fait que celles de ce nouvel album soient en français offre tout de suite une nouvelle perspective.
Le thème de l’amour est très récurrent sur cet album. Quel est selon-vous le premier pré-requis pour tomber amoureux ?
Il y a mille façons de tomber amoureux mais ça fait très mal lorsque tu ne t’y attends pas. Cela me fait penser au Fragments d’un discours amoureux (1977) de Roland Barthes dans lequel il insiste sur le fait que l’on tombe souvent amoureux d’une image, de quelque chose que l’on a en tête et que l’on pose sur quelqu’un. Personnellement, je persiste à croire que l’on peut tomber amoureux avant même de rencontrer une personne.
“ J’ai longtemps eu peur d’avoir changé.” Aliocha Schneider
Sur le titre Julia, vous évoquez une histoire d’amour avec une femme que l’accès au succès a changé au point qu’elle finisse par vous décevoir. Avez-vous peur de l’impact que la célébrité puisse avoir autour de vous ?
En réalité, Julia n’existe pas vraiment et cette chanson parle un peu de moi car j’ai longtemps eu peur d’avoir changé. Le fait d’avoir perdu une étincelle ou une joie de vivre fait partie des grandes peurs que je ressens parfois. En grandissant, j’ai aussi ressenti une certaine peur de l’embourgeoisement. Je me revois monter dans un avion en étant jeune et voir que certaines personnes étaient assises en première classe. Je m’étais juré de ne jamais faire cela mais c’est finalement arrivé un jour et parfois, malgré moi, je m’en veux.
Votre chanson Ensemble a été propulsée au rang de “single d’or”. Comment expliquez-vous le succès de ce titre ?
Le succès d’un titre est souvent difficile à expliquer mais mon collaborateur Marc-André Gilbert avait perçu dès le départ que ce morceau avait un gros potentiel. Je trouvais de mon côté que cette chanson était tellement proche de moi et de mon histoire qu’elle ne pourrait jamais marcher. Par la suite, la publicité de la SNCF est arrivée et a aussi offert une grande visibilité à ce titre. Avec du recul, je pense finalement que cette chanson est assez ouverte pour que les gens puissent l’associer à leur histoire. C’est comme un tee-shirt assez large qui va à tout le monde [rires].
C’est un morceau sur lequel vous chantez avec votre compagne Charlotte Cardin. À l’avenir, est-ce une collaboration artistique que vous voulez poursuivre ?
Peut-être que l’on fera un album en duo un jour mais c’est quelque chose sur lequel on ne voulait pas trop capitaliser pour garder nos vies assez séparées. On ne fait pas énormément de plateaux ensemble et je ne veux pas que cela devienne notre marque de fabrique. Cela me ferait trop peur pour notre couple que l’on ne travaille qu’en duo.
“Réaliser des clips avec mon frère Vassili, c’était une expérience très intéressante car j’avais besoin de sa folie pour sortir de ma zone de confort.” Aliocha Schneider
Quel genre d’enfant étiez-vous ?
J’ai commencé la musique à l’âge de 12 ans, presqu’à la même époque que mes premiers rôles à la télévision. Mais contrairement au métier d’acteur que je considérais déjà comme un travail, jouer de la guitare était vraiment une passion. Je ressentais parfois un décalage vis-à-vis de mes amis car je ne pouvais pas faire les mêmes activités qu’eux. Il fallait constamment que je sois dans une discipline très stricte. Mais j’ai eu une enfance très heureuse au sein d’une famille aimante, entouré de mes frères que j’admirais.
Votre petit frère Vassili Schneider avait réalisé de votre clip Peggy. Cédric Klapisch avait de son côté filmé votre clip Avant Elle et dernièrement c’est vous qui êtes passé derrière la caméra pour la vidéo d’Ensemble. L’esthétique de vos clips semble aussi occuper une place importante…
Quand tu fais appel à un réalisateur, il souhaite avant tout montrer son esthétique. Il y a peu de gens qui ont l’intelligence nécessaire pour réussir à mettre l’artiste au premier plan. Réaliser des clips avec Vassili, c’était aussi une expérience très intéressante car j’avais besoin de sa folie pour sortir de ma zone de confort. Pour le clip d’Avant Elle, j’avais déjà des idées en tête mais il me manquait quelque chose. Alors Cédric Klapisch est venu sur la plateau pour m’apporter des idées neuves et il a finalement signé la réalisation du clip. J’en garde un souvenir génial.
Vous avez débuté votre carrière d’acteur avec un petit rôle dans le film Maman est chez le coiffeur en 2010. Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers pas au cinéma ?
J’ai tout de suite adoré l’atmosphère des plateaux de tournage. Il y a quelque chose de l’ordre de la famille car l’équipe d’un film forme un groupe qui reste soudé pendant plusieurs semaines et parfois des mois. En tournée, je suis aussi très attaché à cet esprit-là.
Plus tôt dans l’année, vous étiez à l’affiche de la série Tout va bien aux côtés de Nicole Garcia et Virginie Efira. Comment s’est déroulée cette expérience ?
J’adorais ce scénario et j’ai tout de suite accroché avec Camille de Castelnau, la créatrice de la série. J’étais aussi très heureux de tourner avec Virginie Efira car c’est ma belle-sœur et qu’elle fait partie de ma vie. Camille a eu une histoire personnelle tragique et je trouve cela très impressionnant d’avoir été capable d’en faire une série aussi touchante.
Au sein de la large panoplie de rôles que vous avez incarnés, y-a-t’il un personnage que vous rêvez d’interpréter ?
J’aurais bien aimé incarner Bob Dylan car j’aurais pu intégrer l’aspect musical à ce rôle. Mais malheureusement, cela me semble un peu compromis depuis que Timothée Chalamet a été retenu pour le biopic…
L’album Aliocha Schneider (2024), disponible. Aliocha Schneider, en concert à l’Olympia le 5 décembre 2024.