Hommage à Ryō Kawasaki, pionnier du synthétiseur
Pionnier du synthétiseur et guitariste de jazz fusion, le musicien Ryō Kawasaki est décédé à l’âge de 73 ans, au terme d’une carrière passée aux côtés d’artistes aussi célèbres que Gil Evans et Chico Hamilton.
Par Camille Moulin.
Il avait su marier le jazz à la musique orientale, mêlant ici et là des sonorités jamaïcaines ou de bossa nova : le guitariste de jazz fusion Ryō Kawasaki est décédé à l’âge de 73 ans à Tallinn en Estonie. Né en 1947 à Tokyo, ce guitariste japonais est formé très jeune à la musique : piano, ballet, solfège, violon, le bambin sait lire la musique avant de pouvoir déchiffrer un livre. À seulement 16 ans, il fabrique un orgue électronique, sorte de synthétiseur primitif, et forme un groupe engagé par les bars et les cabarets locaux pour égayer leurs soirées.
Six ans plus tard, sa carrière est lancée pour de bon lorsqu’il signe son premier album solo pour le label Polydor. Il côtoiera les plus grands à commencer par B.B. King et Georges Benson, avec qui il jammera pendant cinq heures d’affilée. Arrivé à New York en 1973, il fait régulièrement partie des formations du pianiste Gil Evans (grand collaborateur de Miles Davis), du batteur Chico Hamilton ou de la pianiste Joanne Brackeen. Mais fatigué des tournées aux quatre coins du monde, Ryō Kawasaki se retire de scène dans les années 80 pour se concentrer pleinement à ses projets personnels.
Parce qu’il est aussi diplômé de physique quantique, le musicien est un inventeur né et façonne en 1979 son premier synthétiseur de guitare, alors que le premier synthétiseur produit industriellement, le Moog, n’a alors qu’une quinzaine d’années. Ces sonorités électroniques forgent une musique futuriste, inspirée aussi bien par la musique indienne que par des standards de jazz. Protéiforme les compositions de Ryō Kawasaki s’ancrent parfaitement dans le jazz fusion, courant musical des années 1970 mêlant jazz, rock et funk, et marqué notamment par Miles Davis.
Grâce à ce talent technique Ryō Kawasaki donne naissance à de nombreux synthétiseurs tels que le Kawasaki Synthesizer ou le Kawasaki Rhythm Rockeret et crée même des morceaux de musiques techno sur son propre label Satellites Records. Dans les années 90, il décide enfin de remonter sur scène et multiplie les apparitions à des festivals de jazz d’Europe de l’Est, alors qu’il s’est installé à Tallinn. Pour l’Opéra National d’Estonie, il compose même un opéra de jazz baptisé Still Point. Prolifique jusqu’à la fin de sa vie, son dernier album Level 8 avait été enregistré en 2017 en compagnie de musiciens estoniens.