16 jan 2018

Hommage à Dolores O’Riordan : pourquoi les Cranberries ont marqué leur époque ?

La chanteuse du groupe de rock irlandais phare des années 90 a disparu en pleine session d'enregistrement à Londres, en janvier dernier. D’après une enquête du Westminster Coroner's Court, elle s'est noyée après avoir ingéré une quantité d'alcool excessive. Un départ prématuré, à l’âge de 46 ans, qui rappelle à quel point les Cranberries et leur meneuse controversée ont fait partie de notre adolescence. 

 

 

Because they symbolise the anger of the 90s

 

Along with Creep by Radiohead and Nirvana’s Smells Like Teen Spiritnot many other pieces of music symbolised the nineties as much as Zombies by the Cranberries. Behind this powerful and angry track, played at every single pre-ado nihilist party at the time and non-stop on MTV, was a scathing political message: the vehement denunciation of the civil war in Northern Ireland and all wars in fact. The song was written by its singer, Dolores, after an IRA bombing that killed two children in 1993. The video featuring child soldiers and a Dolores as a goddess/martyr in front of a cross covered with gold paint, marked a generation of memories. The album helped to push the hit tune to the top of the charts in 1993. With more than 3 million albums sold before the end of the year, the band recorded one of the most moving Unplugged sessions on MTV in New York. In all, the Cranberries sold nearly 40 million records around the world. Something that kept them going for a long time even when the band slowed down in the 2000’s with more disappointing albums…

A controversial leader

 

At the beginning of the 1990s, the punkette with her tomboy allure (leather jacket, multiple earrings, skin-tight micro-mini) Dolores O' Riordan was a rock icon coveted by unconventional girls for her sexy androgyny and talents as a singer and songwriter. They also recognised themselves in the tormented and eccentric side of this angry little sister to Sinead O'Connor who changed her hair colour as quickly as her mood. Dolores Mary Eileen O' Riordan, the last born into a family of strict Catholics with seven children, had a modest and difficult childhood. After a motorbike accident, her father was wheelchair-bound and could no longer work. Their house caught fire. The worst trauma however was the sexual abuse she endured at the age of eight. She found reprieve at church, singing the hymns and playing the organ, the piano and ultimately the guitar at 17. But as soon as success happened (too much too soon?) she started to express her polemic opinions. Hers was an angel’s voice with incredible timbre but rarely used for platitudes. Staunchly against the Troubles in Ireland, the young woman wasn’t against the death penalty… The incredibly pious mother-of-three preferred Pope John-Paul II and sang Ave Maria with Pavarotti in 1995. In an interview she revealed herself to be against abortion and feminism. As a sufferer of bi-polar disorder and anorexia, she physically attacked an air hostess and policemen. An alt-right Amy Winehouse?

An enthusiastic indie band

 

While everyone remembers Zombie, lots have forgotten the early days of the Cranberries. Their first demos Linger and Dreams, lusciously melodic indie rock with exhilarating guitars seduced Geoff Travis at Rough Trade as well as producer Stephen Street (who’d previously worked with the Smiths). Their seminal album, “Everybody Else Is Doing It, So Why Can’t We?” (1993) remains a jewel in the crown of melancholic pop. At the time the band went off to tour America as the support act for The The and Suede. For anyone who was a teenager during this era when the future looked bleak, there wasn’t much else. It was either Dr Dre’s rap, the nonchalant stubbornness of grunge, or the flayed romantic sensibility of the Cranberries and their brittle lead singer. We remember those chiselled riffs of that first record, which would never again be matched for the rest of their career, and the image of a pretty and shy girl, head hung low, a sulky pout, dressed head to toe in black (right up to her raven hair) on the cover. The most beautiful shot of a fragile artist who fought all her life against depression and whose last recording was made with her group and Andy Rourke from the Smiths, ironically called D.A.R.K. The troubled elfin Dolores will always be a mystery, even in death, leaving questions unanswered. “I live how I want to, otherwise I won’t live at all,” she said. A prophecy? 

 

Parce qu'ils symbolisaient la rage des années 90

 

Avec le “Creep” de Radiohead et le “Smells Like Teen Spirit” de Nirvana, peu de morceaux auront autant symbolisé l'aura contestataire des nineties que “Zombie” des Cranberries. Derrière ce titre puissant et rageur, balancé à toutes les boums des pré-ados nihilistes de l'époque et matraqué sur MTV, retentissait un message politique cinglant : la dénonciation véhémente des ravages de la guerre civile en Irlande du Nord et de toutes les guerres. Le morceau a été écrit par sa chanteuse, Dolores, après un bombardement de l'IRA ayant tué deux enfants en 1993. Le clip montrant des gosses soldats et une Dolores en déesse/martyr devant une croix, recouverte de peinture dorée, est resté dans toutes les mémoires. Il a contribué à hisser l'album sur lequel figure le hit – leur second disque intitulé No Need to Argue” – en haut des charts en 1993. Écoulé à plus de 3 millions d'albums avant la fin de l'année, il a conduit le groupe à enregistrer un émouvant MTV Unplugged à New York. En tout, les Cranberries ont vendu presque 40 millions de disques à travers le monde. De quoi crâner longtemps même après la mise en stand-by du groupe dans les années 2000 et des LP décevants…

Une meneuse controversée

 

Au début des années 90, la punkette à l'allure de garçon manqué (veste en cuir, boucles d'oreilles multiples, coupe courte presque skin) Dolores O'Riordan était une icône rock dont les filles anticonformistes convoitaient l'androgynie sexy et les talents de parolière et de musicienne. Elles se reconnaissent aussi dans le côté tourmenté et excentrique de cette petite sœur énervée de Sinead O'Connor qui changeait de couleur de cheveux comme d'humeur. Dolores Mary Eileen O'Riordan, dernière d'une famille très catho et tradi de sept bambins, a vécu une enfance modeste et difficile. Après un accident de moto, son père est cloué dans un fauteuil roulant et ne peut plus travailler tandis que leur maison prend feu. Le pire traumatisme restera celui d'avoir été abusée sexuellement à 8 ans. Elle trouve une échappatoire dans les chants religieux et la pratique de l'orgue, du piano et enfin de la guitare, à 17 ans. Mais dès que le succès arrive (trop tôt?), les prises de position polémiques s'enchaînent. La voix d'ange au timbre incroyable n'ouvre pas toujours la bouche pour en sortir des vocalises. Contre la guerre civile irlandaise, la jeune femme n'est par contre pas opposée à la peine de mort… Très pieuse, la chanteuse préférée du pape Jean-Paul II et mère de trois enfants a chanté l'Ave Maria avec Pavarotti en 1995. En interview, la croyante s'oppose à l'avortement et au féminisme. Celle qui a souffert de bipolarité et d'anorexie s'en est aussi pris physiquement à une hôtesse de l'air et des policiers. L'Amy Winehouse réac ?

Un groupe indé exalté

 

Si tout le monde se souvient de “Zombie”, beaucoup ont oublié les Cranberries des débuts. Leurs premières démos  “Linger” et  “Dreams”, du rock indé mélodique et luxuriant aux guitares grisantes, avaient séduit Geoff Travis de Rough Trade ainsi que le producteur Stephen Street (qui avait travaillé, avant eux, avec les Smiths°. Leur album séminal, “Everybody Else Is Doing It, So Why Can’t We?” (1993), reste un bijou de pop mélancolique. À l'époque, le groupe part même tourner aux États-Unis en première partie des très recommandables The The et Suede. Pour ceux qui étaient adolescents à cette période où les perspectives d'avenir semblaient douteuses, peu d'alternatives existaient. C'était soit le rap de Dr Dre, soit la hargne nonchalante du grunge, soit la sensibilité romantique presque écorchée vive des Cranberries et de leur frêle meneuse. On garde en tête les riffs ciselés de ce premier disque, qui ne sera jamais égalé dans leur carrière, et l'image d'une jolie jeune fille fragile et timide, tête baissée, moue boudeuse et tout de noir vêtue (jusqu'aux cheveux corbeau) sur la pochette. Le plus beau cliché d'une artiste qui se battit toute sa vie contre la dépression et dont le dernier enregistrement fut aux côtés de son groupe avec Andy Rourke des Smiths appelé symboliquement D.A.R.K. La complexe, elfique et sombre Dolores sera restée un mystère jusque dans la mort, aux circonstances encore troubles.  “Je vis comme je choisis de le faire ou je ne vis pas du tout”, avait-elle déclamé. Une prophétie ?