10 fév 2025

Expositions et nuits explosives : que nous réserve le club FVTVR pour les prochains mois ?

Numéro a posé sept questions à Emmanuel Gunther, l’un des directeurs artistiques du club FVTVR dans le XIIIe arrondissement parisien. Un club à l’esthétique brute, au cœur de la Cité de la Mode et du Design, qui accueillera prochainement Senza Fine, une série d’événements créée par la DJ et productrice Carlita.

  • Par Alexis Thibault.

  • FVTVR, un lieu dédié aux musiques électroniques dans le XIIIe arrondissement de Paris

    Sous la houlette des directeurs artistiques Arthur Cohen et Emmanuel Gunther (fondateurs des soirées Lust avec Theo Shmidt et Alessandro Vecchiato) mais aussi des studios Matière Noire et Hypnos, le club FVTVR a ouvert ses portes en juin 2023 dans le XIIIe arrondissement parisien. Nouveau venu du groupe Assembly (dirigé par Arnaud Frisch depuis 2014), le groupe regroupe plusieurs établissements de la scène nocturne et culturelle, parmi lesquels le Silencio à Paris, El Silencio à Ibiza, Wanderlust et plus récemment Silencio New York.

    Un club à l’esthétique brute, au cœur de la Cité de la Mode et du Design, inspiré par les bastions des noctambules d’Amsterdam, de Kiev ou de Berlin. Ce nouveau lieu hybride, pensé comme une page blanche et dédié aux musiques électroniques, de la techno vrombissante à la house chaleureuse (et plus accessible) a le ferme intention de faire parler de lui pendant la fashion week.

    Le 6 mars, le FVTVR accueille justement Senza Fine, une série d’événements créées par la DJ et productrice turco-italienne originaire d’Istanbul Carlita (Carla Frayman), violoncelliste, pianiste et guitariste fanatique de Depeche Mode ou de Led Zeppelin. Résidente au Circoloco et fondatrice de Senza Fine, elle a notamment fait l’ouverture du concert de Justice à l’Arena en décembre dernier. Au programme : Carlita, Ahmed Spins, Anfisa Letyago, Luka Sabbat, Patrick Mason, Paurro, Pedrose, Rocco Ritchie, Wolfram & Friends.

    Du 18 au 20 avril, le club FVTVR accueillera également l’événement NACHTS définit comme un “document contemporain de la culture techno berlinoise”. Cette exposition propose un dialogue entre l’art et la techno sous la direction de Mischa Fanghaenel, photographe et videur du mythique Berghain.

    L’interview d’Emmanuel Gunther, directeur artistique du club FVTVR

    Numéro: J’entends dire chaque semaine que Paris manque de clubs…

    C’est aussi ce que nous pensons. Il manque peut-être à cette ville un lieu de référence comme celui-ci avec une programmation variée qui irait de la house à la techno. Ici le public peut passer en coup de vent pour boire un verre en profitant de l’architecture du lieu ou passer toute une soirée face aux enceintes. Et ça, c’est quelque chose qui manquait selon nous, jeunes trentenaires. La plupart des événements qui nous étaient proposés étaient très – voire trop – engageants : il fallait souvent sortir de Paris, les systèmes de sonorisation étaient mauvais et les DJ ne jouaient pas plus d’une heure trente…

    Carl Craig, Roni Size, Moodymann, Kevin Saunderson… plutôt chic pour un démarrage. Était-ce un coup de poker ou la conséquence d’un carnet d’adresses bien rempli ?

    Le club FVTVR appartient au propriétaire du Silencio. Nos soirées Lust fonctionnaient plutôt bien et nous lui avons donc proposé un projet pérenne pour installer une véritable marque. Arthur et moi avons commencé à organiser des soirées dans le club dès le mois de septembre et il se trouve que Carl Craig a, lui aussi, une excellente relation avec le groupe Silencio depuis des années. Il était donc assez facile pour nous de lui proposer cette résidence.

    Concrètement, que proposez-vous de nouveau par rapport à ce qui se faisait avant sur le même site ?

    Nous avons repensé la carte des boissons en proposant des cocktails assez travaillés aux inspirations japonaises que les gens n’étaient pas habitués à voir dans ce genre d’événements. Du saké dans un club, ça change un peu vous ne trouvez pas ? Nous avons également défini trois formats de soirée : “FVTVR invite” sera la programmation classique, “FVTVR host” accueille un collectif qui partage nos valeurs et nos goûts musicaux et enfin “FVTVR curated by” met en lumière des artistes émergents qui, selon nous, n’ont pas l’exposition qu’ils méritent. Une sorte de carte blanche si vous voulez. Par exemple, la DJ Ogazón, basée à Berlin, ramène Ryan Elliott pour sa première résidence tandis que Chami, qui joue régulièrement au Berghain, convie quant à lui Rodhad. François X et Jennifer Cardini ont eux aussi pris en charge la curation. À terme, nous aimerions transformer le club en nouvel organe de promotion.

    Quelles consignes avez-vous donné au studio de design Matière Noire ?

    Pratiquement aucune, ils avaient carte blanche ! Je pense qu’ils ont rarement reçu des briefs aussi permissifs. Ils ont entièrement imaginé l’ambiance lumineuse du club. Une lumière intense qui ne vole pas la vedette à l’espace qui a déjà beaucoup de cachet. Le club FVTVR est un endroit extrêmement esthétique et photogénique, il ne fallait absolument pas le dissimuler derrière un effet lumineux.

    Vous avez collaboré avec plusieurs maison de mode par le passé, la programmation musicale d’un club est-elle totalement différente de celle d’un défilé ?

    Travailler pour une marque, c’est être conscient dès le départ du public auquel vous vous adressez. A priori, il restera toujours le même. Avec un club, nous pouvons nous permettre d’être plus extravagants et envisager des programmations éclectiques car le spectre de la musique électronique est extrêmement large. L’objectif sera de conserver la même ligne directrice : proposer une programmation musicale de qualité. Et contrairement à un défilé de mode, il s’agit là d’un public différent. Il convient de se renseigner pour savoir qui a joué à Paris et à quel moment. De quel artiste souhaitons-nous faire la promotion ? Moodymann, par exemple, on ne le voit pas tous les jours ! Ce phénomène de rareté, vous pouvez également l’envisager avec des artistes émergents qui jouent encore très peu sur la capitale.

    Votre programmation musicale est-elle purement stratégique ?

    Je vous mentirais en vous disant que la dimension économique d’une soirée n’existe pas. Personne n’a envie de voir sa salle vide ! La prestation d’un artiste pointu doit être intégrée au sein d’une proposition mensuelle globale où chacun sera libre de choisir les soirées auxquelles il ou elle a envie de venir. À terme, l’objectif est de créer une certaine confiance entre le club et les visiteurs qui pourront passer sans même savoir à l’avance qui se produit ce soir-là.  Cela dit, la programmation est disponible en ligne, nous ne voulions pas prendre les gens en otage sans annoncer le line-up à l’avance. Sur certaines soirées techno, cela peut être décevant pour beaucoup.

    Sur place, certaine personnes se plaignent parfois de la forte affluence, estimant que vous flirtez avec la jauge maximale au détriment du confort des visiteurs. Qu’en pensez-vous ?

    La soirée du 17 février 2024 était l’une des plus remplies depuis que le club a rouvert. Nous pouvons accueillir jusqu’à 1200 personnes et nous connaissons parfaitement le nombre de tickets que nous avons vendus. Croyez-moi, les jauges ont été parfaitement respectées. L’effet de masse était forcément être décevant pour quelqu’un qui a découvert le club lors d’une soirée plus confidentielle. J’y étais et je peux vous dire que nous n’étions pas les uns sur les autres.

    Soirée Senza Fine au Club FVTVR, le 6 mars, 34 quai d’Austerlitz, Paris XIIIe.