Pourquoi Empire est-il l’un des labels de rap les plus prisés du moment ?
Fondé en 2010 par Ghazi Shami dans l’effervescente ville de San Francisco, le label de musique Empire figure aujourd’hui parmi les plus courtisés dans le milieu confidentiel du rap. Reconnue pour avoir distribué le premier album studio de Kendrick Lamar et signé des artistes cultes à l’image de 50 Cent et plus récemment la star de la country Shaboozey, la structure s’est depuis développée de manière tentaculaire, au Moyen-Orient et sur le continent Africain. Alors qu’il a endossé le rôle clé de partenaire musical officiel du NBA All-Star Game 2025 et que le label s’associera prochainement à la très exclusive marque de mode Alter Design, Numéro s’est rendu à San Francisco afin de mener l’enquête et revenir sur l’ascension fulgurante d’un OVNI dans le paysage de l’industrie musicale.
par Nathan Merchadier.
Empire, le label de rap adoubé par 50 Cent et Kendrick Lamar
Le nom d’Empire vous dit peut-être rien. Mais depuis 2010, ce label américain se distingue par sa capacité à attirer des figures établies du rap et du R’n’B. Le rappeur 50 Cent, séduit par l’indépendance du label, y a sorti plusieurs projets, tout comme Tyga, Shaggy, Snoop Dogg ou encore Cardi B. La maison de disques a également travaillé sur la réédition des albums d’Aaliyah, icône du R’n’B tragiquement disparue en 2001 (alors qu’elle rentrait du tournage du clip Rock the Boat tourné aux Bahamas), ravivant l’héritage de la chanteuse auprès d’une nouvelle génération d’auditeurs.
Dès ses débuts, le label Empire se fait remarquer en distribuant Section.80 (2011) le premier album d’un certain Kendrick Lamar, connu sous le nom de K-Dot. À l’époque, le rappeur de Compton est encore méconnu du grand public, mais cette sortie marque un tournant décisif dans sa carrière.
“À l’aube des années 2010, mon associé avait une connexion avec TDE, le label de Kendrick Lamar” précise Ghazi Shami lors de notre rencontre dans les vastes bureaux du label à San Francisco. Quatre studios d’enregistrement sont situés dans les vastes locaux de la maison de disques qui cumule une piscine, beaucoup de marbre et un rooftop. “Ils publiaient leurs mixtapes gratuitement en ligne. Je leur ai dit : “Pourquoi ne pas monétiser ça ? Il y a des gens prêts à payer pour écouter vos titres dans un format plus pratique.” Une proposition qui séduit TDE et permet à Empire de poser les premières pierres d’un modèle de distribution hybride, permettant de lier liberté artistique et efficacité commerciale.
“J’ai grandi en démontant des cassettes pour comprendre comment elles fonctionnaient.” Ghazi Shami, fondateur du label Empire
Il faut une bonne dose d’audace pour lancer un label de musique en pleine tourmente économique, surtout dans une ville comme San Francisco, davantage réputée pour ses start-ups que pour ses studios d’enregistrement. Mais pour Ghazi Shami, ingénieur de formation, le timing est parfait. En 2010, alors que la Silicon Valley s’impose comme le centre névralgique de l’innovation technologique, Ghazi voit dans le numérique une opportunité unique de réinventer le modèle traditionnel des labels.
Pour arriver à concurrencer les autres labels, le fondateur d’Empire s’appuie sur ses expériences dans la tech (il travaillait sur un logiciel de distribution de musique) pour mieux sentir ce qui va se passer plus tard dans le secteur de la musique. “J’ai grandi en démontant des cassettes pour comprendre comment elles fonctionnaient” note Ghazi Shami en scrutant les disques d’or disposés sur les murs de son bureau. “Plus tard, j’ai travaillé sur des réseaux de streaming bien avant que cela ne devienne la norme.” Cette double expertise entre musique et technologie lui permet de concevoir un modèle de distribution adapté aux défis de l’ère numérique.
Quelques années plus tard, Empire frappe fort en signant un accord de distribution avec XXXTentacion, l’étoile montante du rap aux textes sombres. Ce dernier a été assassiné en 2018. Son album posthume Skins (2018) dépasse les 500 000 ventes aux États-Unis en quelques mois. Un succès qui confirme le flair du label.
Un label défricheur de talents, d’Asake à Shaboozey
Récemment, Empire a signé deux artistes dans le vent. Asake, superstar nigériane qui revendique 6,5 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, ou encore Shaboozey, nouveau prince de la country adoubé par Beyoncé explosent sur la scène mondiale et s’imposent parmi les récentes signatures du label. De l’autre côté du globe, le rappeur G-Dragon, leader du groupe de K-pop BigBang, permet à la structure de se faire connaître d’un public toujours plus large.
En parallèle, Empire accompagne d’autres jeunes artistes prometteurs, devenant le premier label à distribuer les disques de K Camp, Rocko, Trinidad James ou encore du groupe Migos. Des noms qui, grâce à ce soutien, explosent par la suite sur la scène hip-hop internationale.
“Ghazi est un visionnaire. Il voit beaucoup de potentiel là où beaucoup de gens ne verraient rien. Il doit la réussite de son label à dix ans de travail acharné, je suis impressionné par tout ce qu’il a accompli” explique Shawn Thwaites, genre manager aux Grammy Awards, dans l’intimité d’une soirée organisée à San Francisco par le label à l’occasion du NBA All-Star Game 2025.
La rappeuse Doria, première signature française d’Empire
Du côté de l’Hexagone, la rappeuse Doria est la première artiste française signée par Empire. Un symbole de l’ouverture internationale du label. “Ils veulent constamment créer des ponts entre les cultures” explique la rappeuse originaire de Nanterre lors de notre rencontre dans un studio du label à San Francisco. “Empire est partout : en France, aux États-Unis, en Afrique, mais aussi en Asie car ils ont signé des artistes de K-Pop… C’est toute cette effervescence qui fait la différence.”
Cette collaboration a commencé de manière inattendue, lors d’une rencontre informelle à l’occasion d’un concert donné à l’Institut du Monde Arabe. “Au début, ce n’était pas une question de business” confie-t-elle. “C’était humain avant tout. Et puis, les discussions se sont enchaînées”. Peu après, Doria est invitée dans les bureaux du label, aux États-Unis, et l’aventure Empire prend une tournure plus concrète. Ce qui séduit l’artiste, c’est avant-tout l’approche organique du label. “Ici, tu peux sortir un morceau du jour au lendemain si tu en as envie. C’est beaucoup plus instinctif, plus libre.”
Des liens avec Pauline Ducruet et Alter Design
Alors qu’Empire a déjà produit plusieurs collection de vêtements revisitant les classiques du vestiaire streetwear californien (tee-shirt et shorts de basketball), le label franchira un nouveau cap au mois de juin 2025 en célébrant son amitié avec la marque très prometteuse Alter Design, fondée par Pauline Ducruet. Une alliance qui sera célébrée avec faste lors du prestigieux Grand Prix de Monaco, où artistes, mannequins et figures de la jet-set se retrouveront pour une soirée d’exception.
“La musique et la mode partagent un langage commun”, affirme Pauline Ducruet. Cette collaboration, qui pourrait également se traduire par une collection capsule, témoigne de la volonté d’Empire de jouer sur plusieurs tableaux culturels. Et d’étendre son influence bien au-delà du monde musical…