10 déc 2024

Qui est Duckwrth, collaborateur discret et écorché des stars du hip-hop ?

Collaborateur de Childish Gambino, Anderson Paak., Syd ou Flying Lotus, le producteur, rappeur et chanteur américain Duckwrth poursuit son odyssée à travers les genres – du R’n’B à la house –, évoquant sans détours certains de ses travers…

Duckwrth, un artiste prolifique made in Los Angeles

Jared Leonardo Lee a grandi dans un quartier lambda du sud de Los Angeles où les rues étaient très larges et l’herbe à moitié verte. On y conduisait d’imposantes Cadillac ou des berlines japonaises. On y savourait les vers enfumés de Snoop Dog puis, un peu plus tard, les fantaisies d’OutKast ou de N.E.R.D. Si avec ça Jared ne finissait pas musicien… C’est au sortir de ses études d’art, dans une école de San Francisco, qu’il se lance dans le grand bain et dissimule alors son identité sous un pseudonyme : Duckwrth.

À 35 ans, le musicien prolifique que l’on range régulièrement dans la case rap compte déjà trois EP à son actif (The Falling Man en 2019, SG8* en 2021 et Chrome Bull en 2022) et deux albums (I’m Uugly en 2016 et Supergood en 2020). Compagnon d’écriture de Channel Tres, collaborateur de Childish Gambino, Flying Lotus, Anderson. Paak, Syd, Kojey Radical ou Earthgang, il apparaissait aussi sur la bande originale de Spider-Man : Into the Spider-Verse en 2018 (Start a Riot). Tout un programme.

Had Enough (2024) de Duckwrth.

Had Enough ou l’art de faire parler ses démons

Longtemps Duckwrth a laissé son anxiété prendre le dessus, refusant parfois l’invitation d’un artiste renommé par simple peur de ne pas être à la hauteur… Et tandis qu’il cite le médecin Deepak Chopra, le génie controversé Kanye West, l’humour satirique de Sadhguru, Prince, Brad Pitt, Billie Eilish ou Frida Kahlo comme ses principales inspirations, il reconnait, aussi, que certains démons l’accompagnent encore.

Sur la pochette qui illustre le morceau Had Enough, sorti au mois de septembre, on aperçoit une silhouette noire, affalée dans le coin d’une pièce, une bouteille à la main. C’est un morceau sur l’addiction, sans aucun doute. Quant à l’artwork, il est signé Azzy, un peintre italien découvert sur Instagram.

– Ce personnage… c’est vous n’est-ce pas ?

– Je n’ai jamais été complètement ivre en public… mais j’avais l’habitude de boire à longueur de journée. Je me réveillais avec des bouteilles d’alcool sur le comptoir de ma cuisine, et je prenais une gorgée juste parce que certaines n’étaient pas encore vides. Ce personnage, sur la pochette, c’est un démon. Celui de la tentation, celui de l’addiction.

Grey Scale (2024) de Duckwrth

Des réseaux sociaux aux grandes campagnes de mode

Avec plus de 500 millions de streams à son actif et près de 2 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, Duckwrth s’est constitué une base de fans fidèle et internationale, s’étendant à la musique, la mode, le cinéma et la télévision. Récemment à l’affiche de campagnes pour Adidas et Loewe, sa dernière collaboration avec la marque allemande de bijoux Vitaly (lancée le 16 août) a renforcé son statut de force créative multifacette et d’influenceur de renommée internationale, tout en servant de muse pour des talents tels que la designer britannique Bianca Saunders.

Duckwrth a toujours été un grand adepte du funk. Lui qui a grandi dans une famille de gospel, s’est vite octroyé une base de soul. C’est surtout le terme “ugly” qui l’accompagnera tout au long de son parcours musical. Quand la basse frappe d’une certaine manière. Quand le rythme est si bon, qu’il fait se crisper les visages. Quand on est touché d’une manière viscérale…

– Quelle relation entretenez-vous avec la douleur et la violence ?

– Je suis parfois un peu masochiste. Disons que je mène surtout un combat intérieur avec moi-même pour m’améliorer. Je suis mon plus grand critique, et j’ai souvent du mal à me satisfaire de ce que je fais…

– N’avez-vous donc aucun autre adversaire ?

– Si, la validation. Sur les réseaux sociaux, le succès d’un artiste dépend des réactions des autres à coups de likes et de commentaires. Si vous en avez peu, c’est presque comme si vous ne valiez rien. En tant qu’artiste, cela ronge votre confiance en vous.

– Certes. Mais pour qui composez-vous ? Pour vous-même ou pour les autres ?

– Pour les deux. Si je ne faisais de la musique que pour moi-même, elle serait bien plus folle. Je ne laisserai pas les algorithmes ruiner mon identité artistique. Je ne vais pas m’asseoir en studio pour essayer de faire un morceau qui fonctionne sur TikTok.

Had Enough de Duckwrth, disponible.