Des favelas à Drake : brève histoire du genre baile funk
Sorti en mai dernier et remixé par Drake il y a quelques jours, le morceau “Ela É do Tipo” du chanteur brésilien Kevin O Chris est emblématique du baile funk et cartonne sur Internet. Focus sur ce genre musical qui vient tout droit du Brésil.
Par Anna Prudhomme.
Alors que Drake remixait le morceau Girls Need Love de la chanteuse agoraphobe Summer Walker un peu plus tôt cette année, lui offrant une visibilité et un succès sans pareil, c’est au tour du jeune chanteur brésilien Kevin O Chris de profiter du rayonnement de la star canadienne.
“First time I saw you, I wasn't thinking of you and I, I was just thinking of I” (“la première fois que je t'ai vu(e), je ne pensais pas à toi et moi, je ne pensais qu'à moi”). Sur un arpège de piano doucereux, Drake introduit le titre de cette formule mi-romantique mi-goujat, avant d’être rejoint par de lourd snare de batterie (caisse claire) engageant réellement le style baile funk du morceau. En brésilien le jeune MC Kevin O Chris entonne alors un couplet empli de mélancolie faisant de Ela É Do Tipo une réelle sérénade à la rythmique plus que libidineuse.
Originaire de Rio de Janero, Kevin de Oliveira (aka MC Kevin O Chris) est une icône du baile funk, une musique électronique née au cœur des favelas dans les années 80. Cette musique du soleil porte le nom des soirées dans lesquelles elle est jouée : chaque week-end à Rio des centaines de baile funk sont organisés, des sortes de block parties où tension sexuelle, cachaça et sound-systems imposants font se trémousser des milliers de danseurs en folie.
Très loin de la langoureuse bossa-nova, cette musique au rythme dévastateur, batucada obligé (percussions traditionnelles) est devenue en très peu de temps un genre majeur et une réelle sous-culture dans tout le Brésil. On y parle (mais en criant) de pauvreté et de gangs, d’amour et de sexe.
Se faisant peu à peu une place sur la scène musicale internationale, le baile funk ou funk carioca (signifiant “de Rio” en brésilien), est repris en 2004 par le DJ et producteur américain Diplo le temps d’un album. Puis d’un documentaire en 2008 sur les fondements de ce mouvement musical, les deux portant le nom de Favela On Blast, permettant ainsi à un plus large public de découvrir cette contre-culture brésilienne.
Le style se développe et se diversifie, on voit alors apparaitre l’utilisation du sample et du remix. Du “pump it” des Black Eyed Peas pompé par MC Kitinho au solo de flute de Bach emprunté par MC Fioti, tout est détourné à la sauce baile funk et on appelle ça les montagems. Sorti en 2017 Bum Bum Tam Tam, le montage de MC Fioti atteint le milliard de vues et popularise une fois de plus le style à l’étranger.
Ainsi il y a trois mois à peine, le jeune rappeur Di-Meh, étoile montante de la scène rap suisse s’associait à MC Buzz, rappeur brésilien habitant à Barcelone, dans un morceau aux très nettes influences baile funk. Touchant même le cercle fermé du rap français, le baile funk inonde tel un ras-de-marré le paysage musical international.