Danseuse, sex-symbol, résistante… 3 choses à savoir sur Joséphine Baker
Danseuse, chanteuse, résistante, sex-symbol, militante… La vie de Joséphine Baker (1906-1975) aura été riche en rebondissements. Actuellement, une pétition circule pour qu’elle entre au Panthéon. Retour sur sa vie en trois anecdotes.
Par Anatole Stos.
Depuis le 8 mai, une pétition circule sur Internet en faveur de l’admission de Joséphine Baker au Panthéon, monument du 5e arrondissement de Paris qui, depuis la Révolution française, a vocation à honorer de grands personnages ayant marqué l’Histoire de France. Intitulée Osez Joséphine, elle est l’oeuvre de l’essayiste Lauret Kupferman qui voit en cette femme libre et féministe “un puissant symbole d’unité nationale, d’émancipation et d’universalisme à la française”. Il ajoute qu’elle est “une femme qui porte la maxime de Saint-Exupéry, et qui dit ‘si tu es différent de moi, loin de me léser, tu m’enrichis’”. Un acte nécessaire quand on sait qu’aucun artiste de spectacle vivant ni aucune personne noire n’est entré au Panthéon. Ce serait aussi l’occasion de célébrer une 6e femme parmi 75 hommes. Joséphine Baker n’a jamais cessé de donner corps à ses idéaux : elle a dansé seins nus un charleston endiablé au Théâtre des Champs-Elysées, a crée l’orphelinat du Château de Milandes en Dordogne en établissant “une famille arc-en ciel”, a recueilli des informations sur les positions de l’armée allemande en France en transmettant, à Londres, rapports et clichés, soigneusement cachés dans ses partitions… Nationalisée française en 1937, la résistante a porté l’uniforme de la France Libre, en 1963, devant la foule immense venue se rassembler contre la ségrégation raciale à Washington. Le 3 juin prochain, date d’anniversaire de l’artiste, les signatures du placet seront transmises aux présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat et présentées au Président de la République, Emmanuel Macron. Lui seul détient l’ultime clé pour ouvrir les portes du Panthéon à l’interprète de J’ai deux amours.
Les grimaces : la marque de fabrique de Josephine Baker
Après sa traversée de l’Atlantique en 1925, Joséphine Baker avait déjà fait ses preuves à Broadway. Comment ? En louchant et en faisant des grimaces. Mieux qu’un divertissement pour un public déjà conquis, c’est une arme, un moyen de défense sarcastique contre les railleries du public. Car sous ses grimaces qui prêtent à rire, Baker cache ses angoisses, ses peurs… tous les complexes du quotidien qui abîment, affaiblissent, minent et qui permettent d’affirmer, las, “je ne suis pas belle”. C’est d’ailleurs cette phrase qu’on lui a répétée lorsqu’elle était enfant. Un corps qu’elle assume et qui, années après années, devient une force. “Je n’ai pas la prétention d’être jolie. J’ai les genoux pointus et les seins d’un garçon de dix-sept ans. Mais si mon visage est maigre et laid, si les dents me sortent de la bouche, mes yeux sont beaux et mon corps intelligent” . Voilà ce qu’elle disait lors d’un entretien pour Marseille-Matin, le 21 novembre 1931.
Sous ce visage grimacier, elle incarne un fantasme colonial
Dès 1925, elle se produit dans un spectacle qui fait scandale, La Revue nègre. Et lors du tableau final, la Danse sauvage, elle apparaît seins nus avec un col fait de plumes autour du cou. Et quand certains crient au scandales, d’autres, comme les cubistes (Desnos, Picabia ou Blaise Cendrars qui en feront leur muse) s’affolent devant la beauté éclatante, énergique de l’artiste qui sait se mouvoir. Son combat contre le racisme n’est pas si évident. Elle a aimé incarner « la sauvage » au yeux de son public. Ce costume montre répond au fantasme de la société française sur les populations africaines : être fier d’avoir des paysages singuliers, originaux mais dominés. Cette chanteuse jouait ostensiblement, volontairement avec les fantasmes et les contractions. Car il ne faut pas oublier que devenir une star libre, une icône noire était, en soi, un combat immense, un combat de tous les jours. Sensiblement vamp, elle rejoint en 1926, les Folies Bergères avec sa ceinture de bananes et parfait son incarnation d’un fantasme colonial. La première star internationale noire est là, sous les yeux d’un public béat. Une incarnation tendancieuse qui fait d’elle un personnage clivant. Les critiques à son encontre sont régulières mais quand elle impose lors d’un concert en Floride, que chacun, quelle que soit sa couleur de peau, soit admis dans la salle, tout le monde l’applaudit. C’est un moment important de l’histoire. C’est la première fois que des personnes noires entrent dans les cabarets de Miami.
Josephine Baker, l’incarnation d’un fantasme colonial
Dès 1925, elle se produit dans un spectacle qui fait scandale, La Revue nègre. Et lors du tableau final, la Danse sauvage, elle apparaît seins nus avec un col fait de plumes autour du cou. Et quand certains crient au scandale, d’autres, comme des peintres et écrivains proches du mouvement surréaliste (Desnos, Picabia ou Cendrars, qui en feront leur muse) s’affolent devant la beauté éclatante, énergique de l’artiste qui sait se mouvoir. Son combat contre le racisme n’est pas si évident : elle a aimé incarner la “sauvage”. Cette chanteuse jouait ostensiblement, volontairement, avec les attentes du public et ses contractions. Car il ne faut pas oublier que devenir une star libre, une icône noire était, en soi, un combat immense, une lutte de tous les jours. Sex-symbol, elle rejoint en 1926, les Folies-Bergère avec sa ceinture de bananes et parfait son incarnation d’un fantasme colonial. La première star internationale noire est là, sous les yeux d’un public béat. Une incarnation tendancieuse qui fait d’elle un personnage clivant. Les critiques à son encontre sont régulières mais lorsqu’elle impose, lors d’un concert en Floride en 1951, que chacun, peu importe sa couleur de peau, soit admis dans la salle, tout le monde l’applaudit. Ce moment posera un jalon dans l’acceptation des minorités: des personnes noires entrent, pour la première fois, dans les cabarets de Miami.
Le rêve de Joséphine Baker
Fonder un “Village du Monde, Capitale de la Fraternité universelle”. Voici le rêve de Joséphine Baker. Afin de prouver aux yeux du monde que la fraternité n’a aucune frontière, elle adopte, en compagnie de son mari, le chef d’orchestre Joe Bouillon, douze enfants de diverses nationalités et religions. Les critiques pleuvent et beaucoup lui reprochent alors son envie insatiable de vouloir faire plus, sa générosité folle, son manque de réalisme et de discernement. Pire encore, ses enfants sont comparés à des objets de collection, comme des souvenirs de tournées. Mais comme depuis le début de sa longue carrière, la chanteuse n’a que faire des critiques. Imperméable aux méchantes réprobations, Joséphine installe sa famille dans un grand château de Dordogne, les Milandes, où elle souhaite construire une véritable ville touristique : courts de tennis, héliport, station essence, écuries, bureau de poste etc. Tout est grandiloquent, gigantesque, démesuré, illimité. Mais la charité aveugle a ses limites : elle est abusée par de nombreux artistes peu scrupuleux et s’endette. En 1968, Les Milandes sont en ruine. Une fin tragique pour une âme glorieuse. En réalité, toutes ces petites choses ne sont pas si anecdotiques : elles participent à l’image grandiose de la célébrité. Joséphine Baker sera t-elle panthéonisée?