Comment le funk ténébreux de DJ Anderson do Paraíso renouvelle le genre
Repéré par le label Nyege Nyege, le jeune producteur Dj Anderson do Paraíso électrise le funk brésilien avec ses morceaux mystérieux voire inquiétants.
Par Cyrus Goberville.
De Badista à DJ Anderson do Paraíso : le Brésil, temple du funk
Si le Brésil s’impose comme lieu incontournable de l’art contemporain, sa scène musicale n’a rien à lui envier. Elle fait l’objet de toutes les attentions. En cause ? Le funk carioca, un style de musique électronique historique des favelas, dont les origines remontent aux années 70, ne cesse de muter en différents sous-genres musicaux qui fascinent le monde entier. En témoignent la DJ Badsista (Sao Paulo) qui enchaîne les tournées, en proposant un mélange de trance et de funk carioca ultra accéléré, et le DJ Ramon Sucesso (Rio de Janeiro) dont les vidéos autoproduites et saturées d’effets font le tour des réseaux sociaux.
Résultat de cette effervescence créative, l’influente webradio londonienne NTS éditera cette année une compilation dédiée à la scène émergente du mandelão, variante brutale du baile funk taillée sur mesure pour les fêtes des favelas. C’est peu dire qu’un mouvement se prépare.
La musique ténébreuse et mystérieuse de DJ Anderson do Paraíso
C’est surtout au label et festival Nyege Nyege, basé à Kampala, en Ouganda, d’abord défricheur des scènes alternatives africaines, que l’on doit la découverte de l’étrange producteur Dj Anderson do Paraíso. Son album Queridão, sorti en mars dernier, dévoile un funk ralenti et sombre, inventé dans l’atmosphère des soirées Baile da Serra de la ville de Belo Horizonte où, depuis les années 2010, les rythmiques rap ont progressivement laissé place à des arrangements minimalistes et ambient.
À 27 ans, DJ Anderson do Paraíso gagne en notoriété grâce à des morceaux fantomatiques en suspension permanente. Il faut le dire, sa musique fait froid dans le dos : accords au piano inquiétants et chœurs de sopranos se mélangent aux chuchotements anxiogènes de ses MC et à des flûtes ralenties.
Là où le funk brésilien a construit sa réputation dans une énergie chaotique, DJ Anderson do Paraíso trouve une tension précieuse dans les silences, et redéfinit ainsi les fondations du genre. Avec cet album mystérieux, il témoigne d’un dépassement inattendu du baile funk, ce qui en ferait bien l’un des artistes underground du Brésil les plus intéressants du moment.
Queridão (2024) de DJ Anderson do Paraíso (Nyege Nyege Tapes), disponible.