16 bons groupes de rock et de pop à écouter cet été
Inventifs et éclectiques, ces seize groupes anglo-saxons puisent dans de multiples genres musicaux pour redonner de nouvelles couleurs à la pop à guitares et au rock, style sonore malmené par le rap ces dernières années. Revue des meilleures troupes électriques du moment, de Los Bitchos à The Marías en passant par Royel Otis, Wet Leg et les Hinds.
par Violaine Schütz,
et La rédaction.
Wet Leg, les reines de l’absurde indie
Nés sur l’île de Wight en 2019, Rhian Teasdale et Hester Chambers explosent avec le titre hautement sarcastique Chaise Longue, devenu viral dès 2021. Leur premier album, Wet Leg (2022), a littéralement déferlé sur les charts, atteignant la première place au Royaume-Uni et en Australie, tout en récoltant deux Grammy Awards et deux Brit Awards. Loin de se cantonner à une posture ironiquement post‑punk, le quintet manie avec brio un humour subtil, distillant des touches pop et britpop dans un rock indé aux contours chamarrés – souvent triturés par une imagerie décalée exprimant un second degré revigorant. Une énergie brute sur le point de se développer encore avec un deuxième album très attendu intitulé Moisturizer.
Moisturizer de Wet Leg, disponible le 11 juillet 2025.
Wolf Alice, les caméléons du rock anglais
Depuis sa formation il y a plus de dix ans, le groupe de rock alternatif britannique Wolf Alice s’impose comme un pilier alternatif, couronnés de Brit et Mercury Awards et d’une nomination aux Grammy Awards. Avec Bloom Baby Bloom, premier extrait de leur prochain album The Clearing, le groupe confirme son virage vers un rock plus théâtral – Ellie Rowsell y renonce à sa guitare, convoquant un Axl Rose féminin, voire une Kate Bush sous acide. Longtemps auréolés d’une folk subtile, leur nouveau mantra assume désormais une ambition frontale : des guitares, des envolées country, des arrangements dramatiques et un rock de stature stadium.
The Clearing de Wolf Alice, disponible le 29 août 2025.
La pop sensuelle teintée de soul de The Marías
Le groupe d’indie/dream pop basé à Los Angeles The Marías peut compter sur un atout majeur : sa chanteuse, María Zardoya, aussi charismatique que pourvue d’une voix soyeuse rappelant les excellents Mazzy Star. Le groupe américain qui a collaboré avec Bad Bunny et Eyedress séduit aussi par ses mélodies sensuelles et cotonneuses infusées de jazz, de musique psychédélique, d’électro et de soul. Chantées en espagnol ou en anglais, leurs ballades oniriques pourraient très bien servir de BO à un film de David Lynch dans lequel l’héroïne serait une femme mystérieuse, dont tous les héros tomberaient follement amoureux.
Submarine (2024) de The Marías.
Le rock psychédélique truculent de Los Bitchos
En 2022, alors que les clubs rouvraient leurs portes après avoir été fermés pour cause de Covid, le girl’s band Los Bitchos sortait un premier album intitulé Let The Festivities Begin!, qui tombait à pic. Pensée comme une fête, la musique instrumentale de ce gang de filles décalées et délurées qui mélange sonorités psychédéliques turques, chicha péruvienne, surf et cumbia est aussi addictive que follement dansante. Sans oublier leurs clips déments, qui font intervenir un combat d’êtres humains contre un chat.
Pour ne rien gâcher au tableau déjà très séduisant, les Londoniennes à franges aux faux airs d’héroïnes de films de Quentin Tarantino savent s’entourer. Après des tournées avec la fine fleur d’un rock indépendant et exigeant (Mac DeMarco, Black Lips, Ty Segall), elles ont fait produire leur album par Alex Kapranos, leader de Franz Ferdinand et compagnon de Clara Luciani. Les festivités ont bel et bien commencé et on elles vont sans doute durer tout l’été 2024. En effet, les filles de Los Bitchos ont sorti un nouvel album, Talkie Talkie, le 30 août 2024.
Talkie Talkie (2024) de Los Bitchos, disponible.
Le rock flamboyant de The Last Dinner Party
Grandiloquentes et ultra lookées, les musiciennes et chanteuses du groupe londonien The Last Dinner Party ont tout pour plaire. Les cinq artistes se sont fait remarquer en jouant en première partie de Nick Cave, Florence + the Machine et des Rolling Stones puis en sortant un premier single des plus lyriques (aux paroles très sexuelles) : Nothing matters. Faisant autant penser, musicalement, à ABBA qu’à Kate Bush et Warpaint, elles devraient faire beaucoup parler d’elles dans les mois à venir. En effet, elles ont sorti en février 2024 leur premier album, Prelude to Ecstasy, produit par la pointure James Ford (Arctic Monkeys, Gorillaz).
Prelude to Ecstasy (2024) de The Last Dinner Party, disponible.
La pop dansante de Royel Otis
On ne s’en lassera jamais. Le tube parfait Murder on The Dancefloor (2001) de Sophie Ellis-Bextor a connu une seconde vie, en 2023 et en 2024, grâce à la sortie du film sulfureux Saltburn (2023) avec Jacob Elordi. Mais aussi grâce à une sémillante version signée du groupe dinde pop australien Royel Otis. La formation fondée par Royel Maddell et Otis Pavlovic, qui a sorti son premier album, Pratts & Pain, en février 2024, a le don pour les relectures inspirées. On leur doit en effet également une superbe cover des Cranberries (Linger) dont l’écoute nous arrache, à chaque lecture, quelques larmes.
Pratts & Pain (2024) de Royel Otis, disponible.
Le garage rock lo-fi ultra sexy des Hinds
On sait combien les Espagnols parviennent à façonner des séries TV qui rencontrent un succès immédiat. Mais le rock hispanique a aussi de belles heures devant lui. Le groupe de garage rock lo-fi originaire de Madrid Hinds est même l’un de ses fleurons actuels. Mixant de manière sexy et débraillée garage, surf music, pop et rock, la formation féminine offre des perles vivifiantes dans la lignée des Black Lips et du Velvet Underground. Et leurs clips sont tout aussi sémillants et dévergondés…
Viva Hinds (2024) des Hinds, disponible.
Le rock euphorisant de The Beaches
Le groupe de rock féminin canadien The Beaches, originaire de Toronto et formé en 2013, n’a pas son pareil pour accoucher de chansons rock aux airs de classiques instantanés. Sur leur deuxième album, intitulé Blame My Ex, qui sort en septembre 2023, les paroles acerbes (What Doesn’t Kill You Makes You Paranoid) se mêlent aux guitares électrisantes et aux chants ravageurs pour un résultat galvanisant.
Blame My Ex (2023) de The Beaches, disponible.
Le punk rock ébouriffant d’Idles
Le groupe de rock britannique originaire de Bristol Idles a sorti en février 2024 un cinquième album intitulé Tangk, dans lequel le quintet post-punk aligne les morceaux de bravoure oscillant en rock, post-punk, électro et rap. On y découvre notamment le titre Dancer, réalisé en collaboration avec James Murphy et Nancy Whang de LCD Soundsystem. On aime aussi le côté politique d’Idles qui n’hésite pas à pourfendre l’homophobie, la masculinité toxique, le racisme et le Brexit.
Tangk (2024) d’Idles, disponible.
Le post-punk fiévreux de Fontaines D.C.
Le groupe de post-punk irlandais Fontaines D.C. s’est attiré de nombreux fans (et les louanges de la critique) à travers le monde grâce à des titres aussi fiévreux que ténébreux et bien troussés (I Love You, Jackie Down The Line, Skinty Fia). Exprimant avec un certain romantisme (et beaucoup de mélancolie) les colères et les affres de la jeunesse anglo-saxonne, le groupe figure, avec Shame et Idles, dans la liste des groupes de rock urgents qui, sans révolutionner le genre, lui donnent un second souffle. On a adoré leur nouvel album, Romance, publié en août 2024.
Romance (2024) de Fontaines D.C., disponible.
Le folk exubérant de Big Thief
Big Thief avait déjà volé notre cœur, à leurs tout débuts (en 2016), grâce à leur charismatique chanteuse et guitariste. La leadeuse et songwriteuse du groupe de folk-rock originaire de Brooklyn, Adrienne Lenker, avait tout pour plaire avec sa dégaine androgyne et sa voix ensorcelante et pure comme du cristal (quelque peu ébréché). Mais jusqu’ici, leur musique parfois un peu trop monotone et amorphe nous avait laissé dubitatif. Le cinquième album du quatuor, Dragon New Warm Mountain I Believe in You (tout un programme), sorti en 2022, change la donne, en apportant de nouvelles couleurs à leur palette.
Plus rythmé, extravagant et riche, l’album est en fait une sorte de best-of dont la sincérité rappelle celle du regretté Elliott Smith. Les prolifiques New-Yorkais ont enregistré quarante-cinq chansons au cours de plusieurs sessions d’enregistrement réalisées aux quatre coins de l’Amérique (notamment à Topanga Canyon en Californie et dans les montagnes Rocheuses du Colorado). Il reste de ces expériences sonores qu’on imagine quasi métaphysiques vingt pépites poétiques et poignantes oscillant entre folk, country et americana pour encore mieux capturer notre cœur.
Vampire Empire (2023) de Big Thief, disponible.
La Britpop épique de Black Country, New Road
L’histoire des Britanniques de Black Country, New Road est aussi compliquée que leur musique est impressionnante. D’abord connue sous le nom de Nervous Conditions, la formation, active depuis 2015 a implosé en 2018 quand leur leader a été visé par des accusations d’agression sexuelle. Les anciens membres forment alors Black Country, New Road à l’été 2018 et sortent un premier excellent album, For the First Time (2021) sur le label électronique Ninja Tune (The Cinematic Orchestra, Nathan Fake). Mais c’est leur nouveau disque, Ants From Up There, publié le 4 février dernier, qui emporte réellement l’adhésion.
Le septuor londonien y dévoile de longs morceaux alambiqués et bouleversants qui rappellent à la fois la verve épique d’Arcade Fire, Blur, The Smiths et The Divine Comedy. Puisant dans la Britpop autant que dans le post-rock, le post-punk et le jazz, Black Country, New Road arrive à apporter au rock une folie empreinte de mélancolie et une inventivité qui manquait ces dernières années au rock anglais. Fin janvier, leur chanteur et guitariste Isaac Wood a hélas annoncé avoir quitté le groupe et leur tournée américaine a été annulée. Mais la formation a déclaré vouloir continuer la palpitante aventure. Aventure que l’on suivra avec une joie non feinte.
Besties (2025) de Black Country, New Road, disponible.
Turnstile : le punk hardcore multicolore
Leur quatrième album Never Enough, sorti le 6 juin 2025, marque un tournant pour les membres du groupe américain Turnstile : l’épopée hardcore se pare désormais de nappes ambient, des cuivres de BadBadNotGood et même d’électronique façon A.G. Cook, mais sans jamais trahir l’énergie viscérale du groupe. Un punk hardcore qui s’assagit sans s’édulcorer, oppressant par sa vitesse, mais surprenant par sa profondeur émotionnelle – comme l’a souligné le Washington Post en employant la formule “massive thrills in a big emptiness”. En résulte un album qui transcende les genres et conforte Turnstile dans une posture de faiseur de ponts entre la furie punk et la poésie post‑moderne.
Never Enough (2025) de Turnstile, disponible.
L.A. Witch : les sorcières du rock californien
Originaire de Los Angeles, ce groupe de rock (garage) emmené par Sade Sanchez (guitare/voix) propose depuis 2011 un cocktail envoûtant de surf‑psyché et punk lo‑fi. Leur troisième album DOGGOD, paru en avril chez Suicide Squeeze, a été enregistré à Paris et transpire une énergie sombre teintée de post‑punk gothique. Dans un style digne du rock nocturne californien, les riffs de Sade Sanchez sont imprégnés d’une ambiance cinématographique – parfaits pour des promenades au clair de lune ou pour instiller une tension sensuelle dans de vastes paysages sonores. Leur présence sur scène, confirmée par la tournée européenne récente, rappelle que L.A. Witch sait captiver autant que faire frissonner, consolidant leur statut dans le circuit indie psychédélique.
DOGGOD (2025) de L.A. Witch, disponible.
Les questionnements existentiels de Diiv
Le quatuor new‑yorkais, emmené par Zachary Cole Smith, poursuit depuis 2011 un chemin shoegaze indie à l’efficacité obsédante. Leur quatrième LP Frog in Boiling Water, sorti en mai 2024, a été salué pour ses mélodies rêveuses et ses guitares enveloppantes qui sondent la confusion d’une époque en mutation. Après une tournée américaine qui a enflammé des lieux comme Pomona, la récente sortie du single Return of Youth dévoile un Diiv plus introspectif, où la paternité, l’incertitude et l’espoir s’entrelacent. Un signal clair que le groupe refuse de stagner dans l’évidence…
Frog in Boiling Water (2024) de Diiv, disponible.
Wu Lyf, prophètes d’un rock mystique
Après un silence de 13 ans, le mystérieux collectif de Manchester – acronyme de World Unite Lucifer Youth Foundation – fait un retour aussi imprévu qu’inspiré. Leur nouveau single A New Life Is Coming, lancé début avril, renoue avec les atmosphères éthérées de l’album Go Tell Fire to the Mountain (2011), gravé dans une ancienne église pour sa réverbération mystique. L’essence du groupe ? Un rock “heavy pop” enveloppé de baroque post‑punk, traversé de litanies sonores et de silences signifiants. Avec ce retour, Wu Lyf refuse de capitaliser sur la nostalgie… Un renouveau artistique aussi obscur que sincère.
A New Life Is Coming (2025) de Wu Lyf, disponible.