Amber Mark, la diva R’n’B la plus aventureuse du moment 

Il en faut de l’audace pour reprendre, avec brio, à la fois Nirvana (l’intouchable Heart-Shaped Box sorti en 1993) et le tube de Sisqo, Thong Song (1999), hymne R’n’B sexy des années 2000 qui célèbre le string sous toutes ses (maigres) coutures. Ce dernier, connu pour son machisme, se retrouve, sous la houlette de la chanteuse, réalisatrice, compositrice et productrice prodige Amber Mark, complètement transformé en sensuelle et onirique ritournelle lesbienne. Cela en dit long sur l’artiste de 28 ans originaire du Tennessee et installée à New York. En une poignée de singles prometteurs et de clips léchés ainsi qu’une session Colors et un concert remarqué pour l’émission Tiny Desk du média NPR, l’Américaine a réussi à s’imposer comme l’une des voix à suivre dans le R’n’B actuel. Il faut dire qu’on n’oublie pas facilement son timbre. Limpide, grave, sensuel, addictif, il envoûte dès les premières notes, rappelant à la fois Rihanna, Prince, Abra, les sœurs Ibeyi et Aaliyah. C’est d’ailleurs le meilleur atout du premier album de la chanteuse, le bien nommé Three Dimensions Deep, dévoilé le 28 janvier. Mais ce n’est pas le seul.

Ambitieuse, Amber Mark a d’abord partagé plusieurs clips colorés et sexy lors de ces derniers mois, censés former, une fois assemblés, un court-métrage qui accompagne son album. Three Dimensions Deep (déjà nommé aux Grammy Awards) se révèle à l’écoute aussi aventureux que cette initiative. Explosant les cadres et les genres, il mélange R’n’B des années 90 et 2000, funk, soul, pop, disco et hip-hop dans un kaléidoscope d’influences et d’émotions jouissif. Dans une démarche exigeante qui rappelle certains projets conceptuels de Beyoncé, Janelle Monáe et Teyana Taylor, les dix-sept nouvelles chansons multi-dimensionnelles d’Amber Mark se divisent en trois actes ancrés dans le développement personnel intitulés « sans », « retenu » et « dedans. » L’artiste commence, au début de son album, par reconnaître ses insécurités et ses angoisses avant de réfléchir aux réponses possibles à la négativité et aux traumatismes du monde. Elle finit par trouver une forme de paix et de spiritualité dans l’astrophysique et la dimension cosmique. Vu par Amber Mark comme une lettre d’amour à elle-même autant qu’une thérapie et une réflexion sur l’univers, le disque risqué et chatoyant, mélancolique et euphorisant, symbolise bien la personnalité bouillonnante de son auteure.

L’artiste est née en 1993 dans une ferme du Tennessee d’un père jamaïcain et d’une mère allemande. Nomade, la famille a vécu à Miami, New York et Berlin et déménagé dans un monastère de Darjeeling en Inde afin que sa mère puisse apprendre la peinture thangka (un art bouddhiste tibétain). Décédée en 2013, la mère d’Amber Mark, Mia, avait offert à sa fille, encore très jeune, une guitare dont elle a appris rapidement à jouer. Au lycée, elle rejoint la chorale de l’école et réalise alors qu’elle veut devenir artiste quand elle sera grande. Quelques années après, elle rencontre la soeur de Jay-Z, Michelle Carter, une habituée du salon de coiffure de sa tante, qui lui conseille de faire un stage chez Roc Nation, le label situé à New York fondé par le rappeur. En 2016, les rêves de la jeune fille qui compose elle-même ses chansons se réalisent quand elle poste un premier single, S P A C E, sur la plateforme Soundcloud. Remarquée son sa voix de diva et son sens de la mélodie, elle sort un an plus tard, un premier mini album impressionnant, 3:33am, sur la major EMI. Chacun des morceaux représente l’une des étapes du deuil. Depuis, tout ce que publie Amber Mark semble hautement cathartique. Et en soignant ses doutes et ses traumas, ses morceaux nous aident aussi à aller mieux.

Three Dimensions Deep (2022) d’Amber Mark, disponible sur toutes les plateformes.