18 nov 2019

Alkpote, qui est la star controversée du rap français ?

Autoproclamé l'“Aigle de Carthage” ou l'“Aigle Royal”, le rappeur originaire d'Evry Alkpote signe le meilleur démarrage de sa carrière avec son nouvel album “Monument”. Plus commercial que ses précédents disques, l'opus où sont invités Roméo Elvis et Katerine flirte avec les sonorités du moment (trap, auto-tune) et enfile les punchlines assassines. Et si “Monument” était déjà un classique ?

Alkpote, un vieux routard

 

Atef Kahlaoui (de son vrai nom), jeune homme d'origine tunisienne, a 26 ans lorsqu'il sort sa première mixtape, Rap de banlieusard. Nous sommes en 2007, Alkpote renonce à une carrière de plombier (le métier de son père) qu'on lui conseille au lycée pour se lancer dans le rap. C'est à l'adolescence qu'il trouve son nom de scène (d'abord écrit Al K-Pote), et met au point son personnage en imaginant une sorte de “Gainsbarre version rap hardcore”. Il commence à rapper à 15 ans dans le groupe Unité 2 Feu, avec lequel il sort un premier album qui annonce la couleur : Haine, Misère Et Crasse. Ses punchlines acérées prennent pour terreau les rues de la cité des Pyramides, où il a grandi, allant à fond dans les clichés “banlieue sale, violence et mysogynie”.

“Monument” (2019) de Alkpote

 

En solo, Alkpote n'hésite pas à aller plus loin, avec des saillies provocatrices souvent teintées de sarcasme :  “Défoncé comme Kurt Cobain, je baise des top modèles/Ou bien des majorettes toute la nuit à l’hôtel” (sur le morceau Trapézistes), ou encore “Au top de ma forme comme a l'époque où sniffait Vandamme” (sur Sucez-moi) et “J'ai pris en stop la dame blanche au virage, j'l'ai mis en cloque” (sur 44 mesures de terreur). Sur Monument, le rappeur d'Evry met son répertoire à jour en multipliant les références aux phénomènes de son temps, de Gucci à Cardi B en passant par Balenciaga.

Alkpote sait (parfois) se montrer ouvert

 

Au lieu de ne rester que dans sa zone de confort (le rap violent), le rappeur parisien est allé voir ailleurs si le flow était plus frais. Hip-hop, dirty rap, horrorcore et trap, Alkpote a flirté avec plusieurs styles. Sur Monument, il lorgne vers une veine plus calme et ténébreuse, souvent mélancolique avec utilisation de l'auto-tune. Une ouverture d'esprit qu'on retrouve dans ses featurings. Après des collaborations avec Vald, la MZ ou Niska, l'Aigle de Carthage – qui a fait les premières parties de Gucci Mane en 2017 – invite sur Monument, Kaaris, Roméo Elvis et même Katerine, sur une ode tendre aux mamans dans le titre Amour. Les deux artistes ont déjà collaboré ensemble : on les a vus dans une vidéo où ils font du fromage pour le média belge Check. Le rappeur a un étonnant partenariat avec le lobby Les Produits Laitiers, qui visiblement, souhaite rajeunir son image.

 

Encore plus surprenant, Alkpote a récemment travaillé avec Bilal Hassani – qui a représenté la France à l'Eurovision en 2019. En octobre dernier, les deux artistes sortent le clip qui scelle leur union lunaire, Monarchie Absolue. Alkpote y joue le rôle d'un flic énervant son supérieur avec ses propos homophobes et sexistes. Il est alors forcé de travailler avec le numéro 1 de la police en France, interprété par Bilal Hassani. Dans une interview postée sur Instagram, l'“Empereur” (comme il se surnomme) explique : “Au-delà du divertissement, je pense que c’est une excellente façon de montrer que l’eau a coulé sous les ponts et qu’on évolue tous, comme des Pokémons.” Une série intitulée Flics, centrée autour des deux personnages du clip, devrait bientôt être diffusée sur YouTube.

Alkpote sait manier l'art de la polémique

 

Son nom de scène annonçait la couleur en mélangeant Al Capone et “capote”. A l'heure de #metoo, certaines paroles sexistes du rappeur peuvent choquer. Sur Monument, impossible de compter le nombre de fois où sont prononcés les mots ”pute” et “salope”. Et où le rappeur se vante de ses performances à l'horizontal. L'homme a, depuis ses débuts, parsemé presque tous ses titres d'allusions graveleuses. En 2013, sur le site dédié au rap Booska-P, il se défendait à propos de ses allures de pornocrate : “Je ne me sens pas plus pornocrate que Doc Gynéco, Alizée ou Mylène Farmer. On est artistes avant tout. Ce qui me nourrit c’est ma passion pour la rime, pas le porno. Tous les mots un peu durs que j'utilise dans mes textes, ça fait juste partie de mon personnage.” 

 

Sur la pochette de Monument, Alkpote brouille aujourd'hui les pistes en posant au milieu de rideaux représentant un sexe féminin. Avec Katerine, il prône son amour pour sa mère et sur les photos promos du disque, il porte souvent du rose. À quand un duo avec Angèle ?

 

Monument (2019), de Alkpote, disponible partout.