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Qui est Adéla, la pop hyper sexuelle adoubée par Grimes ?
La chanteuse slovaque Adéla a collaboré avec Grimes, travaillé avec la coach vocale d’Olivia Rodrigo et a participé à la compétition Dream Academy (d’où a émergé le groupe de K-pop Katseye). Si elle n’a pas retenu lors de cette expérience, elle n’a pas tout perdu. Au contraire, la voici désormais en train de briller en solo avec un EP tonitruant et sexy intiltué The Provocateur. Pendant la Fashion Week printemps-été 2026, l’étoile montante était à Paris pour assister à des défilés et se produire lors d’un showcase confidentiel. Numéro en a profité pour rencontrer cette artiste charismatique qui partage le même styliste que Charli xcx.
propos recueillis par Violaine Schütz.

Comment transformer l’échec en fuel ? La chanteuse et danseuse Adéla Jergová alias Adéla, 21 ans, pourrait donner des conférences sur le sujet. L’artiste d’origine slovaque a toujours voulu devenir une star. D’abord ballerine, elle s’est fait connaître en 2023 en intégrant la compétition de chant et de danse Dream Academy, un programme diffusé sous forme de télé-réalité qui a abouti à la formation du groupe de K-pop à succès Katseye. Adéla a été éliminée mais son destin était de briller en solo.
Une pop star qui a failli rejoindre le groupe Katseye
En 2024, celle qui a commencé par le ballet sort le single Homewrecked, puis le superbe morceau Superscar. Signée chez une majeur en 2025 (Capitol), elle a collaboré avec Grimes et sorti, en août dernier, un EP de pop ultra dansante, addictive et cathartique : The Provocateur.
Son esthétique aussi est magnétique. Celle qui a perfectionné sa technique de chant avec la coach vocal d’Olivia Rodrigo possède le même styliste que Charli xcx (Chris Horan). Alors qu’elle était à Paris pour la Fashion Week en octobre 2025, la jeune artiste aux cheveux roses nous parle de son image inspirée des raves et de son amour pour les pop stars féminines américaines.

L’interview d’Adéla, nouvelle star fascinante de la pop
Numéro : Vous étiez à la Fashion Week de Paris en octobre 2025 pour les défilés Acne Studios, Ann Demeulemeester et August Barron. Etait-ce votre première Fashion week ?
Adéla : Oui, c’était ma première Fashion Week. C’est nouveau, mais j’adore ça. Le plus fou, c’est toute la préparation qu’il y a pour seulement quelques minutes de défilé. La pression est énorme. Mais les vêtements restent gravés à jamais dans les esprits grâce aux photos et aux vidéos. J’ai gagné tellement de respect envers les créateurs en assistant aux shows. Je les admire encore plus aujourd’hui car jee suis époustouflée par leur travail. Ça m’a rappelé aussi comment nous, les artistes, sommes méticuleux dans nos performances.
Comment définiriez-vous votre look ?
Mon style est, je crois, audacieux, un peu grunge et pas trop girlie. Je ne porte pas vraiment de robe, ou si j’en porte une, je l’accompagne de grosses bottes. J’aime bien garder un côté un peu étrange et brutal.

“Etre un peu bizarre volontairement me donne la liberté de ne pas devoir répondre à certaines attentes.” Adéla
Dans vos vidéos et vos visuels, il y a en effet toujours de l’étrangeté. Est-ce qu’ajouter de la bizarrerie et ne pas être simplement jolie est quelque de féministe de votre part ?
Oui, probablement. Dans le ballet et dans la K-pop que j’ai pratiquée lors du concours Dream Academy (qui va donner lieu au programme Pop Star Academy: Katseye sur Netflix), on insistait tellement sur la perfection et sur le fait d’être vraiment jolie. Pas seulement au niveau de l’apparence, mais aussi en danse et en chant. Et je pense que ça m’a toujours stressée. Je voulais être parfaite mais je me sentais un peu coincée par les limites à ce que les gens trouvent beau. J’ai l’impression qu’être un peu bizarre volontairement me donne la liberté de ne pas devoir répondre à certaines attentes.
Quelles sont les inspirations de votre style ?
J’ai créé tout un tableau Pinterest sur le sujet ! Avec Chris Horan (styliste qui travaille avec Christina Aguilera, Charli xcx et Barbie Ferreira, ndlr), mon styliste et directeur artistique, on continue de façonner cette façon de s’habiller qui s’inspire des pays de l’Est. On met en avant cette partie de moi à travers des détails comme mes cheveux roses. La culture rave est aussi une influence. Je ne peux pas mentir, je n’y suis jamais allée. Mais les raves m’inspirent. Ma mère m’en parle tout le temps, car à l’époque communiste, c’était à la mode. Ils avaient des façons clandestines de s’amuser et jouaient de la musique américaine. C’était une société secrète où ils pouvaient s’exprimer plus librement. Je pense que c’est pour ça que c’était si excentrique et si cool : ils n’avaient pas la liberté de faire la fête en public.

“J’ai toujours été un peu différente et, je crois, très honnête.” Adéla
Pourquoi avoir appelé votre premier EP The Provocateur ?
Parce que je me suis toujours sentie comme une provocatrice. J’ai toujours été un peu différente et, je crois, très honnête. J’ai grandi de manière assez américanisée parce que j’ai toujours adoré la culture pop américaine dans un pays conservateur et post-communiste. Du coup, je me suis imprégnée de ça. Et j’étais super différente de mes pairs en Slovaquie. Et puis je suis partie aux États-Unis (à Los Angeles), et je suis encore trop Européenne pour être Américaine. J’ai donc l’impression d’avoir interpellé tout le monde parce que je suis ce mélange de plusieurs cultures. J’ai fait la même chose dans l’émission Dream Academy, dans la façon dont j’ai été présentée aux gens à travers un personnage de provocatrice. Alors je me suis juste laissé aller et j’ai honoré cette part de moi-même.
La pochette du disque, sur laquelle on vous voit uriner contre un mur, est aussi très provocante…
Je voulais juste énerver (“to piss people off” en anglais qui est un jeu de mot avec l’action qu’elle effectue sur la photo) les gens, littéralement. Je les ai juste énervés et c’était parfait. Quand on regarde l’image, on se dit : “Oh, ça a tellement de sens avec le titre de l’EP !” Dans la vie, je ne vais pas forcément uriner sur un mur dans la rue. Ce n’est pas ce que je fais durant mon temps libre. Mais j’agis ainsi sur la pochette de mon album, parce que c’est représentatif de ce qui se passait dans ma vie au moment d’écrire les chansons.
“J’ai reçu beaucoup de haine dans la compétition Dream Academy.” Adéla
De quoi parlent les paroles de l’EP ?
Elles évoquent une femme qui essaie de percer dans l’industrie de la musique et elles sont très personnelles. Je composais ces chansons au moment même où les événements dont je parle se produisaient, presque en temps réel. Et ils se déroulaient publiquement. Les gens savaient ce que je traversais parce que je participais à l’émission de télé-réalité Dream Academy. Ils ont vu que je recevais beaucoup de haine, et que je réagissais en conséquence. Donc les textes sont très réels, mais les événements sont aussi évidemment dramatisé et exagéré, parce que c’est de l’art.
On vous a découverte dans l’émission Dream Academy, une compétition destinée à former un groupe qui a abouti à la naissance de Katseye. Vous n’avez pas remporté une place dans la formation car, selon eux, vous étiez destinée à être une artiste solo…
Le truc, c’est qu’ils ne m’ont pas dit en face que j’étais faite pour me lancer en solo. Ils l’ont dit en coulisses, quand je ne pouvais pas les entendre. Mais je le savais moi-même. C’est important que vous le sachiez et que tout le monde le sache. Je ne me disais pas forcément, à l’époque : “Oh, oui, je suis meilleure en solo de toute façon.” Je pensais simplement : “J’aime la musique et j’aime la danse. Et je continuerai à en faire quoi qu’il arrive. Ça n’a pas marché, mais je continuerai à danser et à faire de la musique. J’ai fait ça toute ma vie. Je ne laisserai pas une seule expérience me l’enlever. C’est bien plus que ça pour moi.”
“Enfant, j’étais obsédée par les artistes féminines anglo-saxonnes.” Adéla
Vous avez commencé par prendre des leçons de ballet à Moscou, enfant, puis, ado, vous avez rejoint des corps de ballet à Vienne et Londres. Vouliez-vous être danseuse professionnelle ou avez-vous toujours voulu être chanteuse ?
Je crois que le chant est venu en premier pour moi. Mais comme je suis slovaque, ça s’est passé autrement. En Europe de l’Est, nous sommes doués pour le ballet. C’est la forme d’art la plus réaliste pour faire carrière. C’est aussi un emploi du temps qui va de 9 à 17 heures… Si on fait des études pour ça, on obtient son bac, on devient ballerine puis on trouve un travail au théâtre, et ensuite on gravit les échelons. C’est très structuré. Donc c’est presque une carrère stable alors que la musique n’est pas vraiment perçue comme ça. Et puis, je n’ai pas été inspirée par la scène musicale slovaque. Je ne voulais pas faire de la musique en Slovaquie, car je n’aimais que les pop stars américaines. C’est pourquoi j’ai commencé par le ballet : c’est la voie à suivre pour monter sur scène là d’où je viens.
Vous êtes née à Bratislava, en Slovaquie, et vous avez découvert les États-Unis – et appris à parler anlais – en regardant les stars Disney à la télévision…
Oui, tout à fait. Je pense que Miley Cyrus a été une figure emblématique pour moi via la série Hannah Montana. Et puis Ariana Grande a aussi été une influence. Et puis, je suis passée à Madonna, Rihanna, Lady Gaga, Britney Spears, Janet Jackson… Je me suis plongée de plus en plus dans la pop. Aussi, les divas comme Aretha Franklin, Whitney Houston, Amy Winehouse et Céline Dion et toutes les autres me fascinent… Donc je me suis vraiment investie dans leurs univers : j’étais obsédée par les artistes féminines anglo-saxonnes.

“Je ne me suis jamais vraiment intéressée aux hommes, pour une raison que j’ignore.” Adéla
Aucun homme vous a influencée…
Je ne me suis jamais vraiment intéressée aux hommes, pour une raison que j’ignore (rires). Ils ne me plaisaient pas. Même si j’adorais Prince. En tant que fille, je me disais : “Je ne m’identifie pas à eux. Je m’en fiche.” Mais il est évident que nous avons des artistes masculins incroyables. C’est juste venu un peu plus tard pour moi.
Dans la vidéo de votre single SexOnTheBeat, vous effectuez une chorégraphie très érotique devant un homme en costume. Était-ce une manière de critiquer l’hypersexualisation des pop stars par l’industrie de la musique ?
Je ne sais pas si c’est une critique, mais je pense juste que c’est une discussion qui soulève un point. Je ne pense pas critiquer quoi que ce soit parce que je suis sexuelle dans mon expression créative. Il ne s’agit donc pas de critiquer les femmes ou de me critiquer pour cela, mais plutôt de reconnaître que c’est bien ce que je suis. Personne ne m’oblige à être une artiste sexuelle, mais j’aime penser à tous les médias que j’ai consommés et qui étaient si osés. Cela m’a influencée, ainsi que ma façon de m’exprimer. Et je me demande : “Si je n’en avais pas consommé autant, serais-je autant dans l’érotisme ? Si j’avais eu d’autres images (autres que celles soumises au male gaze), exprimerais-je ma sexualité différemment ?” La sexualité féminine a été tellement tiraillée entre toutes les directions, principalement parce que, historiquement, les femmes n’étaient pas aux commandes. C’est donc ce sujet que j’aborde, à plusieurs niveaux, dans cette SexOnTheBeat.
“La sexualité féminine a été tellement tiraillée entre toutes les directions.” Adéla
Sur votre titre MachineGirl, vous avez collaboré avec la chanteuse et productrice Grimes, qui apparaît d’ailleurs dans le clip du morceau. Comment est née cette rencontre ?
Elle a regardé l’émission à laquelle je participais, Dream Academy et m’a envoyé un message sur TikTok en me disant : “Je suis tellement énervée. Tu vas y arriver. Je te trouve tellement talentueuse.” Ce à quoi j’ai répondu : “Oh mon Dieu, tu es Grimes !” On a ensuite composé quelques chansons ensemble, et elle était adorable. Elle a adoré la chanson MachineGirl et elle a voulu m’aider. J’adorais Grimes en tant qu’artiste avant, mais je dois dire qu’après avoir travaillé avec elle, je suis devenue encore plus fan d’elle. Voir quelle personne et quelle artiste elle est dans la vie et ce qu’elle exprime m’a impressionnée. Elle fait tout pour son art, et a beaucoup de curiosité. Elle met son ego de coté pour inviter de nouveaux artistes dans son atelier et travailler avec eux en prenant leurs idées très au sérieux. C’est une vraie source d’inspiration. Je la trouve très terre-à-terre, même si c’est l’une des penseuses les plus intéressantes que j’aie jamais rencontrées.
Vous débutez une tournée en octobre 2025 intitulée The ProvocaTour… Que pouvons-nous attendre de vos concerts ?
De passer un bon moment à chanter et danser. Comme je n’ai sorti qu’un EP, il y aura des reprises mais ce sont des surprises. Et je serai le plus souvent seule sur scène. En ce moment, j’ai besoin d’être seule, simplement parce que j’ai l’impression de devoir m’établir comme artiste avant de collaborer avec qui que ce soit. Mais il y a plein d’artistes avec qui je rêverais de travailler…
The Provocateur (2025) d’Adéla, disponible.