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L’artiste Ai Weiwei plonge dans les pires heures de Wuhan
Vendredi 21 août, l’artiste chinois Ai Weiwei dévoilait via la plateforme Vimeo son nouveau documentaire intitulé “Coronation”. En près de deux heures, celui-ci emmène le spectateur dans la ville de Wuhan de janvier à avril 2020, en plein cœur de la pandémie de Covid-19 et du confinement imposé à la population chinoise. L’occasion pour l’artiste d’affirmer à nouveau son regard critique à l’égard de la Chine, qui fait ici face à une crise sanitaire sans précédent.
Par Matthieu Jacquet.
La caméra survole une ville déserte. Sur les voies ferrées de la gare de Wuhan, on n’aperçoit pas un seul train, et pour cause… tous sont à l’arrêt. De même, sur les autoroutes qui la bordent, presque aucune voiture n’apparaît à l’horizon. Du jamais-vu. Un calme extraordinaire qui contraste avec la situation que l’on découvre au cœur des hôpitaux, où la frénésie est palpable : affublés de combinaisons intégrales, les médecins et soignants déambulent tels des cosmonautes et s’activent au rythme des malades arrivant en réanimation, pendant que résonnent les sirènes des ambulances et les sons des machines. Tel est tableau alarmant qu’a connu la Chine pendant les premiers mois de 2020, et plus particulièrement la ville de Wuhan, où a été diagnostiqué, le 1er décembre 2019, le tout premier cas de Covid-19. En quelques semaines, l’Empire du Milieu contraint sa population à un confinement généralisé. La suite est connue de tous : à la mi-mars, la plupart des pays du monde prennent à leur tour des mesures de quarantaine inédites.
C’est donc à Wuhan, épicentre du virus, qu’Ai Weiwei décide de situer son nouveau documentaire. Dès janvier 2020, alors que l’artiste chinois se trouve à Rome en train de finaliser la production de l’opéra Turandot de Puccini, il décide de confier des caméras à des citoyens de la ville chinoise en les invitant à filmer leur quotidien dans cet épisode si particulier, témoignant de la naissance et progression de la plus mortelle pandémie du XXIe siècle. Avec l’aide de son associée Wang Fen dont des frères et sœurs vivent à Wuhan, l’artiste recueille les voix d’une population en première ligne du virus : pendant quatre mois, ces envoyés spéciaux lui livrent à distance le portrait d’une ville et d’un pays étouffés par cette catastrophe sanitaire, mais également par son marasme politique et médiatique.
Aujourd’hui installé en Europe, l’artiste ne cesse de poser sur son pays d’origine un regard explicitement critique. Le caractère volontiers polémique de ses œuvres, de ses séries photographiques menaçant les symboles et outils du pouvoir et sa dénonciation récurrente des politiques de la République populaire de Chine, lui vaudront d’être tabassé par ses forces de l’ordre, de voir son atelier détruit et même d’être placé en détention pendant deux mois. Cette fois-ci, à travers les yeux d’une douzaine de caméramans novices, Ai Weiwei va jusqu’à infiltrer l’unité de soins intensifs des hôpitaux chinois afin de faire éclore la réalité d’une situation préoccupante. La réaction militaire brutale déployée par le gouvernement à l’égard de la population, mais également son manque de transparence au sujet du virus et de ses victimes sont le cœur du propos de son documentaire, qu’il explicite textuellement sur son site : “La civilisation peut-elle survivre sans humanité ? Les nations peuvent-elles s’appuyer les unes sur les autres sans transparence ni confiance ?”, interroge l’artiste. Comme une réponse à ces questionnements existentiels, les soignants et médecins s’affirment alors dans Coronation comme les héros ayant permis au pays de traverser cette crise sans précédent. Un hommage engagé à découvrir sur Vimeo sur demande depuis le 21 août.
Le documentaire Coronation d’Ai Weiwei est disponible dans le monde entier via la plateforme Vimeo sur demande.