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“La Gifle”, une minisérie australienne entre “Festen” et “Desperate Housewives”
La minisérie australienne “La Gifle” (2011), adaptée du roman de Christos Tsiolkas, est à nouveau disponible sur Arte, qui la diffusait pour la première fois en 2013. L’occasion de redécouvrir, en huit épisodes, un soap opera sympathique qui commence sur une simple gifle administrée à un enfant.
Par Séraphine Bittard.
Tout commence par une simple gifle. Hugo, un enfant turbulent et hors de contrôle se la voit administrer par un adulte qui n’est pas son parent, le jour des quarante ans d’Hector, père de famille qui reçoit à cette occasion famille et amis autour d’un barbecue. C’est ce dérapage qui donne son nom, et son point de départ, à La Gifle. Créée par le cinéaste Tony Ayres à partir du roman du même nom de Christos Tsiolkas, cette minisérie australienne de 2011 nous emmène dans la banlieue de Melbourne pour décrypter l’effet boule de neige de cet acte discutable qui affectera tous les témoins de la scène. Chacun mettra dans cette gifle sa propre interprétation, selon ses convictions tantôt progressistes, tantôt sévères et conservatrices, tandis que se profile un procès contre le coupable. Mais si la série provoquait réellement, à sa sortie en 2011, un débat sur l’utilisation de la violence sur les enfants, la fameuse gifle est en fait un prétexte pour provoquer une sorte de crise de la quarantaine généralisée, et avec elle, le démantèlement d’un groupe dont les protagonistes seront analysés un à un. Un drame social – ou un soap opera, au choix – à redécouvrir avec Arte, qui diffuse La Gifle pour la première fois depuis 2013.
8 épisodes, 8 personnages et quelques dynamiques sociales
Avec son format original de minisérie – une seule saison –, La Gifle se glisse dans la peau de ses personnages en jetant, en 8 épisodes de 50 minutes, 8 tableaux de vie distincts. Histoires de couples, querelles de principes, problèmes au travail, gestion des beaux-parents, éducation des enfants… Avec un style épuré et un montage invisible, La Gifle dépeint un morceau de la société australienne en picorant ici et là quelques mini-intrigues simples mais efficaces qui lient les protagonistes entre eux. Autour d’une famille centrale – Hector, Aisha et leurs deux enfants – gravitent, d’un côté les grands-parents et cousins du mari, de l’autre, les deux meilleures amies de la femme, et leurs familles respectives – sans oublier la baby-sitter de 17 ans. À travers ce large éventail de personnages se dégageront des dynamiques sociales profondes : la question de la classe, les opinions politiques, la religion, l’immigration, la sexualité… et bien sûr, l’éducation, avec ou sans gifle.
Nous débuterons donc avec Hector, sa fête d’anniversaire, l’odeur du barbecue et le son du jazz. Ce genre musical qu’il affectionne particulièrement, couplé à 15 conversations simultanées, donnera l’illusion au spectateur de rentrer dans un presque-hommage à Woody Allen. Finalement, le premier épisode écartera rapidement cette hypothèse en recentrant le regard (et les oreilles) sur l’événement déclencheur que sera, on le sait à présent, la gifle. Si ce cadre initial habilement délimité peut rappeler le film Festen, de Thomas Vinterberg, dans lequel un dîner de famille tourne au cauchemar après la révélation de terribles secrets, les 7 épisodes restants auront bien le temps de contredire cette première impression. En passant, avec un commentateur masculin en voice over, par Anouk, Harry, Connie, Rosie, etc, le spectateur pensera plus à Desperate Housewives qu’à un film du Dogme95 ; l’accent américain supplanté par celui, rafraîchissant, de la banlieue de Melbourne.
Psychologie de comptoir assumée ou très discret second degré ?
Bien vite malheureusement, les choses se gâtent. Dès le deuxième épisode – qui se focalise sur un personnage féminin –, nous allons comprendre de quoi retourne la psychologie des protagonistes. Les hommes, profondément solitaires, sont de grossiers personnages qui parlent la bouche pleine et trompent leur épouse, quand les femmes sont des êtres grégaires, mièvres et nostalgiques qui possèdent des boîtes à souvenirs remplies de lettres manuscrites et de Polaroïds, des mères autoritaires et castratrices, ou bien des hystériques en recherche permanente d’attention. Et pour justifier un tel étalage de lieux communs, La Gifle s’attache scrupuleusement à nous gratifier d’une scène de sexe par épisode, qui placera parfaitement chacun de ses personnages sur l’échelle du désir et de la frustration : un homme infidèle sniffe sa cocaïne en plein acte, une working woman garde ses vêtements, un vieillard trouve le réconfort avec une prostituée… Mais cette autopsie psychologique au genre freudien s’acharne en réalité à détourer des protagonistes au caractère peu fascinant.
Serait-on alors en train de regarder un soap opera ? Cette question ne cessera d’envahir un visionnage souvent fastidieux : le quarantenaire en pleine crise qui louche sur la baby-sitter, celle-là même qui n’a qu’une idée en tête, perdre sa virginité, tandis que sa femme autoritaire n’attend que d’aller prendre un verre avec sa meilleure amie, qui écrit un livre sur sa jeunesse et sort avec un acteur beaucoup plus jeune qu’elle, pendant qu’un procès se prépare, opposant un homme violent et une femme hystérique… et ainsi de suite. Nous ne parlerons même pas ici des personnages secondaires. Le spectateur trouvera peut-être un soulagement dans la sympathique voix masculine qui rythme l’histoire, cherchant un second degré plus que nécessaire. Ou alors, tombera dans le piège de La Gifle : son écriture classique, l’universalité de ses protagonistes et son sujet encore actuel, parviennent malgré tout à nous tenir en haleine, et ce jusqu’à son issue finale.
La Gifle (2011) de Tony Ayres, disponible en streaming sur arte.tv.