23 sep 2022

Jean-Luc Godard’s passing: the scandals that forged the myth

Ce mardi 13 septembre, Jean-Luc Godard nous a quittés. À l’âge de 91 ans, il a décidé d’avoir recours au suicide assisté en Suisse où il résidait. Petit récit des moments forts qui ont façonné sa carrière.

Jean-Luc Godard n’a pas toujours été adulé : avant de s’inscrire au panthéon des plus illustres cinéastes français, par delà même l’hexagone, Jean-Luc Godard a choqué, fort de ses idées dont il ne s’est jamais détourné. Des années 1960 à aujourd’hui, retour en trois temps fort qui ont façonné son mythe.

 

 

Anna Karina sur le tournage du film Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard © Getty Images

Jean-Luc Godard n’a pas toujours été adulé : avant de s’inscrire au panthéon des plus illustres cinéastes français, par delà même l’hexagone, Jean-Luc Godard a choqué, fort de ses idées dont il ne s’est jamais détourné. Des années 1960 à aujourd’hui, retour en trois temps fort qui ont façonné son mythe.

 

1. Les années 60 : les films de Godard face à la censure

 

Au début des années 1960, la France est tourmentée. Entre tensions militaires et sociales avec la guerre d’Algérie (1954-1962) et le début d’une nouvelle République (depuis 1958), les films de Jean-Luc Godard, ainsi que ceux des réalisateurs de la Nouvelle Vague, très marqués politiquement, sont ainsi accueillis dans un climat peu propice à les diffuser “sans filtres”. En seulement un an, deux de ses films défraient  la chronique — et affolent l’opinion publique. En 1960, alors que son premier long-métrage À bout de souffle vient d’être interdit aux moins de 16 ans, Godard est en tournage pour Le Petit Soldat : ancrée dans le présent, l’histoire se déroule en 1958 pendant la guerre d’Algérie et choisit en personnage principal un déserteur, dénonçant a situation réelle sur le territoire ou encore la pratique de la torture. Trois problématiques qui poussent le ministre de l’Information Louis Terrenoire à interdire le film jusqu’en 1963, soit un an après la fin de la guerre — alors député, Jean-Marie Le Pen exigera même “l’expulsion du cinéaste suisse”.  Dès l’année d’après, un second film du réalisateur fait à nouveau l’objet de censures : initialement intitulé La femme mariée, le film met en scène une épouse qui entretient une relation adultère, mais dont la grossesse surprise met en péril la situation amoureuse, déchirée entre son mari et son amant. Présenté à la sélection officielle de la Mostra de Venise en 1964, le long-métrage est pourtant interdit en France par la Commission de classification des œuvres cinématographiques. D’abord pour son titre, qu’elle juge outrageux, mais aussi pour ses scènes érotiques, considérées comme trop explicites. Malgré le scandale médiatique que cette interdiction provoque, le film ne sera diffusé qu’après un nouveau montage de Godard, et le changement de “La” pour “Une femme mariée”. Un geste qui n’aura fait qu’accentuer le positionnement politique plus radical du réalisateur, jusqu’aux manifestations de mai 68 quatre ans plus tard, puis ses prises de position dans les années 1970. Il participe, entre autres, à la création du collectif cinématographique Dziga Vertov, destiné à produire des films militants d’orientation maoïste.

Jean-Luc Godard derrière sa caméra © Photo by team-press X/ullstein bild via Getty Images

2. Cannes et Godard : fuis moi je te suis, suis moi je te fuis

 

Actif depuis presque soixante ans, Jean-Luc Godard cumule de prestigieuses récompenses, tant pour sa carrière que ses films, de la Mostra de Venise, à la Berlinale, ou aux César… Mais, jusqu’en 2014, le Festival de Cannes est resté le grand absent du palmarès du cinéaste, ne le gratifiant de sa première Palme d’or qu’en 2018. Pourtant, dès la fin des années 50, Godard cherche absolument à se rendre sur la croisette, où des réalisateurs comme Truffaut présentent déjà leurs œuvres. Probablement du fait des censures dont certains de ses films feront l’objet, et sûrement à cause de ses prises de positions politiques en mai 1968. À cette époque, alors que des barricades s’érigent dans le Quartier latin, le tapis rouge est déroulé sur les marches du palais des Congrès cannois — mais les tensions débordent de la capitale et accompagnent Godard sur la côte méditerranéenne, où il se rend, soutenu par d’autres réalisateurs tels que Truffaut, Lelouch ou encore Polanski, pour demander l’arrêt du festival dont il estime qu’aucun des films sélectionnés ne dénonce la réalité ouvrière ou étudiante, qui bouillonne à ce moment dans la capitale. Face à l’absence de décision des organisateurs de la cérémonie, Godard et son équipe de cinéastes interrompent la projection du film de Carlos Saura, Peppermint frappé, en s’agrippant au rideau de la salle. Le lendemain, le Festival de Cannes est clôt — et le réalisateur n’y remettra plus les pieds pendant douze années. Et bien qu’il soit intégré dans sept sélections officielles à partir de 1980 et jusqu’en 2010, sa présence aux cérémonies ne fera pas l’unanimité et ne sera jamais récompensée. Entre les projections huées par les spectateurs (Sauve qui peut (la vie) en 1980, Passion en 1982, Éloge de l’amour en 2001) et les conférences de presse très animées, Jean-Luc Godard n’y est en effet jamais reçu en grandes pompes, à la différence des cérémonies internationales, où il reçoit dès 1982 un Lion d’or puis en 1987 un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière… Une reconnaissance française recherchée par le cinéaste à ses débuts et refusée par le festival, qui finira cependant par s’inverser au cours de la dernière décennie puisqu’en 2014, Godard refuse de se rendre au festival pour y recevoir le Prix du Jury pour son film Adieu au Langage. En 2018, il obtient tout de même la fameuse Palme d’or pour Le Livre d’image et l’ensemble de son œuvre : âgé de 87 ans, il ne sera pas présent non plus, si ce n’est via FaceTime. 

Anna Karina sur le tournage du film Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard © Getty Images

Jean-Luc Godard has not always been an acclaimed director. Before entering the pantheon of the greatest French filmmakers, even beyond France, Jean-Luc Godard used to shock people with ideas that characterized him throughout his life. Throwback to three key periods that have shaped the myth, from the 1960s to the present day.

 

 

The sixties: his films facing censorship

 

 

In the early 1960s, France was in turmoil. Between the military and social tensions caused by the Algerian War of Independence (1954-1962) and the beginning of a new Republic since 1958, the quite political films made by Jean-Luc Godard and the New Wave directors in general were welcomed in a climate that didn’t allow uncensored screenings. Within just a year, two of Godard films made the headlines and sent the public opinion into a tailspin. In 1960, he shot The Little Soldier, at a time when his first feature film, Breathless, had just been forbidden for people under 16. Set in 1958 during the Algerian war, the story has a deserter as the protagonist, and denounces what was really happening in the country, such as the use of torture. These three issues prompted the Minister of Information, Louis Terrenoire, to ban the film until 1963, a year after the end of the war. Jean-Marie Le Pen, another member of parliament, even demanded “the expulsion of the Swiss filmmaker” from France. The following year, an additional film made by the director was censored. Initially entitled The Married Woman, the film draws the portrait a wife in an adulterous relationship, torn between her husband and her lover, and whose surprise pregnancy jeopardizes her love situation. Presented in the official selection at the Venice Film Festival in 1964, the film was banned in France by the censorship board of the Commission for the Classification of Cinematographic Works. Objections first focused on the title, which was considered outrageous, and then moved on to the erotic scenes, that were considered too explicit. Despite the media scandal caused by this ban, the film couldn’t be shown unless Godard reedited it and changed the title from “The” to “A Married Woman”. A move that only accentuated the director’s radical political stance, emphasized four years later by the May 1968 events, and his public political stances in the 1970s. Among other projects, he participated in the creation of the film collective Dziga Vertov, designed to produce Maoist-orientated militant films.

Cannes and Godard: hard to get, hard to forget

 

 

With over sixty years in the industry, Jean-Luc Godard has been the recipient of multiple prestigious awards, both for his career and films, at the Venice Film Festival, the Berlinale, and the César. The Cannes Film Festival remained the great absentee of the filmmaker’s list of honors until 2014, probably because of its censored films and of his political stance in May 1968. He was awarded his first Palme d’Or in 2018. However, from the end of the 1950s onwards, Godard was looking to be on the Promenade de la Croisette, where directors like Truffaut were already presenting their work. At that time, while barricades were being erected in the Latin Quarter of Paris, the red carpet was rolled out on the steps of the Palais des Congrès in Cannes. However, tensions spilled over from the capital to reach the Mediterranean coast, where Godard went, with the support of other directors like Truffaut, Lelouch, and Polanski, to demand the cessation of the festival, as none of the films selected denounced the working class’ or student’s actual growing rage. Faced with a lack of answer from the organizers, Godard and his team of filmmakers grabbed onto a curtain, thus interrupting the screening of Carlos Saura’s film Peppermint frappé. The following day, the Cannes Festival was closed, and the director would not be invited for another twelve years. Although he was included in seven official selections from 1980 to 2010, his presence at the ceremony was not unanimous and was never rewarded. Between screenings booed by spectators, such as Sauve qui peut (la vie) in 1980, Passion in 1982, or In Praise of Love in 2001, and heated press conferences, Jean- Luc Godard has never been well-received in France, as opposed to international ceremonies, where he received a Golden Lion in 1982 and an honorary César in 1987 for his entire career… A French recognition sought by the filmmaker at his debut but rejected by the festival, which will end up taking a different turn in 2014 when Godard refused to attend the ceremony to receive the Jury Prize for his film Goodbye to Language. In 2018, he was awarded the famous Palme d’Or for the film The Picture Book and for his entire body of work at the age of 87. He didn’t attend the ceremony in person either, but via FaceTime.

Jean-Luc Godard behind his camera © Photo by team-press X/ullstein bild via Getty Images.