2 sept 2020

Faka, the queer duo ruling over South Africa

Les membres du duo Faka s'imposent comme les figures de proue de la culture queer en Afrique du sud. En talons hauts, Desire Marea et Fela Gucci portent haut l’étendard du “kwaito”, rap africain dilué dans une house post-apartheid.

Au cœur de la végétation assoiffée de Johannesburg, un étrange duo se déhanche et enchaîne les poses de mannequin, juché sur des talons hauts. Des pantalons de skaï rouge vif enserrent les cuisses de Desire Marea et Fela Gucci et des gants de soie blancs dissimulent leurs mains qui ondulent délicatement comme le voguing le préconise. La vidéo Uyang’khumbula est signée Faka, projet musical fondé en 2010. Au même titre que le kwaito, rap aux sonorités africaines dilué dans une house post-apartheid, Faka s’est extirpé de l’enfer des townships d’Afrique du Sud.

Dans les années 90, le kwaito – “colère” en afrikaans – devient le moyen d’expression privilégié des populations noires sud-africaines. Tandis que l’apartheid déchire le pays, ce mouvement musical et chorégraphique canalise leur violence. Mais Nelson Mandela, après vingt ans d’emprisonnement, appelle à l’apaisement et tend à pacifier puis à dépolitiser le kwaito et ses boîtes à rythmes furieuses. 

 

Une quinzaine d’années plus tard, le duo Faka hurle sa soif de liberté sur… du kwaito. Ou plutôt son héritier, le gqom (“frapper” en zoulou), genre musical des années 2010 plus minimaliste que les morceaux de house sud-africains. Rouge à lèvres de rigueur, nuée de paillettes au bas des yeux, Desire Marea et Fela Gucci condensent l’atmosphère suffocante et sensuelle des nightclubs gay dans leurs collages sonores. Entre performances psychédéliques et chansons d’amour, ils se livrent à une messe langoureuse et organisent même leurs propres soirées à Johannesburg : les Cunty Power…

Adoubés depuis longtemps par le rappeur Mykki Blanco, les deux membres de Faka comptent parmi les modèles les plus fidèles de la photographe Kristin-Lee Moolman. Avec le styliste IB Kamara, elle présente ces performeurs queer en jumeaux dénudés tantôt en combi léopard ajourée (aux bons endroits), tantôt en crop-tops transparents et pantalons taille basse des années 90. Faka récuse à l'hétérocentrisme, un engagement flamboyant au cœur d’une Afrique du Sud post-apartheid qui revendique des valeurs ultra masculines. Ici, les identités sont soumises à des hiérarchies – raciales, genrées et sexuelles, qui prohibent toute prise de conscience, toute ambiguïté. On attendait notamment le duo au festival Loud & Proud de la Gaîté Lyrique à Paris, célébration des cultures queer… mais aucun visa ne leur a été délivré.