Pétard mouillé ou folle épopée ? Notre critique du film Joker: Folie à deux avec Lady Gaga
Les photos et la bande-annonce du film Joker : Folie à deux, avec Lady Gaga et Joaquin Phoenix, donnaient très envie de voir cette comédie musicale déjantée prévue pour une sortie au cinéma ce mercredi 2 octobre 2024. Mais la suite du Joker est-elle aussi dingue que son prédécesseur ?
par Violaine Schütz.
et Elliot Mawas.
Le film Joker, succès inattendu de 2019
Avec plus d’un milliard de dollars engrangés au box-office mondial, un Lion d’Or à la Mostra de Venise et 11 nominations aux Oscars (Joaquin Phoenix a remporté l’Oscar du meilleur acteur), le film Joker (2019) de Todd Phillips, a été triomphe. Et ce succès était amplement mérité.
Ce long-métrage scorsesien, débridé et sauvage, qui ressemblait davantage à une critique sociale ou à un thriller psychologique qu’aux films classiques de super-héros, dressait le portrait de l’emblématique ennemi juré de Batman : Arthur Fleck, incarné par l’acteur Joaquin Phoenix.
Cet homme méprisé par la société devenait un criminel sans concession qui terrorisait ses semblables, punissait ceux qui l’avaient humilié, et tentait de restaurer son estime de soi. Un sujet inépuisable, comme en témoigne le The Batman de Matt Reeves, avec Robert Pattinson, sorti en 2022. Le beau film, très sombre, prouvait une nouvelle fois que la mythologie de l’homme chauve-souris n’a pas fini d’inspirer notre imaginaire collectif.
Joker : Folie à deux, une comédie musicale osée présentée à la Mostra de Venise
Mais après un tel succès (qui pouvait être perçu comme malsain tant il fut salué par les incels), qu’est-ce que le réalisateur Todd Phillips (Very Bad Trip) pouvait dire de plus dans la suite du blockbuster intitulée Joker : Folie à deux, qui sort au cinéma le 2 octobre 2024 après avoir été présentée à la Mostra de Venise ?
Todd Phillips ose un parti pris fou : mélanger trois genres cinématographiques à la mode : le film de procès, la rom-com et la comédie musicale. Ainsi, les séquences chantées sont omniprésentes dans le long-métrage, ce qui n’est pas forcément adapté à un propos aussi noir.
Dans cet opus, le vilain clown et héros vengeur qui, après avoir été martyrisé par une société injuste devient bourreau, n’est plus le seul à semer le chaos à Gotham. Harley Quinn, incarnée par la chanteuse Lady Gaga, tient un rôle majeur dans cette aventure…
Lady Gaga et Joaquin Phoenix : deux bons acteurs mais peu d’alchimie
Si le choix de la pop star pleine de panache, acclamée pour sa performance dans A Star Is Born (2018), semblait judicieux pour redonner vie à ce personnage culte déjà joué avec brio par l’actrice Margot Robbie. Sur le papier, elle avait la folie nécessaire pour insuffler une nouvelle dimension, anarchiste et très cabaret, à la figure de comics. Mais le résultat n’est pas toujours à la hauteur des espérances.
Certes, la théâtrale Lady Gaga a folle allure dans les oripeaux punk de la très dérangée Harley Quinn mais on a du mal à oublier la Margot Robbie déjantée, badass et fantasque des deux Suicide Squad (2016 et 2021) et de Birds of Prey (2020).
Mais surtout, l’alchimie n’est pas manifeste entre la mystérieuse amoureuse du Joker et celui qu’elle rencontre dans un asile lors d’un cours de chants entre internés : Arthur Fleck. On espérait un beau duo d’êtres torturés et flamboyants pris dans l’étau d’une relation toxique et sanglante. Mais leur relation semble bien trop factice pour émouvoir, troubler ou fasciner. Est-ce parce que le premier volet avait été accusé de romantiser les tueurs en série que Todd Phillips a décidé de rendre cette idylle glaciale ?
Un film encore plus sombre que le premier Joker ?
Tout n’est cependant pas à jeter dans ce nouveau volet du Joker. La psychologie du personnage principal est toujours finement étudiée, notamment grâce au charisme toujours spectaculaire de Joaquin Phoenix, anti-héros bipolaire ébranlé par la société et les maltraitances de sa mère. Amaigri, presque décharné, il est stupéfiant dans les scènes de prison et celles de procès, incarnant à la perfection la figure du marginal perpétuellement rejeté, victime de la fureur des matons et peu à peu délaissé par ses fans perturbés qui préféraient le dangereux Joker au perturbé, stupide et renfermé Arthur Fleck.
Le réalisateur explore également avec une certaine bravoure la “Folie à deux”, une situation clinique dans laquelle une personne, au contact prolongé d’un individu délirant, va finir par adopter le même comportement. Tout comme il se penche en détails sur le dédoublement d’Arthur Fleck. Même si beaucoup de séquences sont des redites du premier Joker… Et que la critique de la société du spectacle ressemble quant à elle à la dissertation bancale d’un étudiant de première année de Fac de sociologie.
On saluera au final, surtout, l’esthétique sombre et ambitieuse de ce Joker : Folie à deux qui emprunte de temps à temps aux couleurs chatoyantes de Broadway, des émissions TV des 60’s et à l’univers du cirque, du cartoon et du burlesque pour créer des respirations dans la pénombre de la psyché humaine. Des parenthèses oniriques salutaires dans un film qui laisse peu de place à l’espoir.
Joker : Folie à deux (2024) de Todd Phillips, avec Lady Gaga et Joaquin Phoenix, au cinéma le 2 octobre 2024.