Monsieur Aznavour avec Tahar Rahim est-il le meilleur biopic de l’année ?
Dans la flopée des biopics plus ou moins réussis qui ont été présentés ces derniers mois dans les salles obscures, le nouveau film de Mehdi Idir et Grand Corps Malade intitulé Monsieur Aznavour, au cinéma ce mercredi 23 octobre 2024, se démarque par l’excellence de son acteur principal Tahar Rahim dans le rôle de l’incontournable légende Charles Aznavour.
par Nathan Merchadier.
Que vaut le film Monsieur Aznavour de Mehdi Idir et Grand Corps Malade ?
Après avoir réalisé la comédie humaniste Patients (2016) ou encore La Vie Scolaire (2019), le réalisateur Mehdi Idir retrouve son ami slameur Grand Corps Malade pour s’attaquer, cette fois-ci, à un monument de la chanson française : Charles Aznavour. Et si le biopic est un genre cinématographique souvent périlleux (Bob Marley : One love, Back to Black), les deux artistes, parviennent à faire renaître le showman à la carrière flamboyante.
Charles Aznavour, chanteur arménien né en 1924 et décédé en 2018, était un fils de réfugiés d’origine modeste, à qui l’on avait prédit qu’il ne réussirait pas dans la musique. Mais il est devenu un vrai un monument de la chanson, récemment repris par Aya Nakamura lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Dès la scène inaugurale de ce film aussi émouvant que juste, les deux réalisateurs dépeignent l’ambiance bigarrée d’une soirée dans le restaurant de la famille Aznavourian, réfugiée en France dans l’attente d’un visa pour partir aux États-Unis, témoignant du mode de vie bohème dans lequel la futur star de la chanson a passé les plus jeunes années de sa vie.
Puis, tout au long de ce biopic, on (re)découvre les différentes étapes qui ont mené au succès l’auteur des chansons Hier encore (1964) et Emmenez-moi (1967), de ses débuts timides sur les planches des théâtres parisiens jusqu’aux aux salles remplies de Montréal et de New York.
Un biopic réussi qui ressuscite un mythe de la chanson française
Par plusieurs aspects, ce film très attendu piloté par Mehdi Idir et Grand Corps Malade avec l’aide de la famille Aznavour, aurait pu tourner au long-métrage trop linéaire et sans substance, brossant le portrait fade façon Wikipedia d’un artiste dont la carrière triomphale a transcendé les frontières et les époques.
Mais durant plus de cent-vingt minutes, le biopic se déploie au contraire au gré d’une narration fluide, laissant apparaître des personnages secondaires plus que convaincants. On retrouve ainsi l’acteur césarisé Bastien Bouillon, dans le rôle du dandy Pierre Roche, compositeur et compagnon de route de Charles Aznavour à l’aube de sa carrière, tandis que de son côté, Marie-Julie Baup (Jalouse, L’Esprit de famille) incarne à merveille Édith Piaf, personnage décisif dans la vie d’Aznavour et soutien de la première heure du Franco-arménien avec qui elle nouera une relation complexe et touchante.
La transformation physique impressionnante de Tahar Rahim dans Monsieur Aznavour
Mais le film vaut surtout la peine d’être vu pour la performance magistrale de l’acteur Tahir Rahim qui réussit à capter chacune des mimiques et des traits de caractères de celui que l’on surnommait le “Frank Sinatra français”.
De son physique qu’il réussit à approcher à l’aide d’un travail monumental autour des micro-prothèses et du maquillage (qui nécessitait quatre heures de travail chaque matin, ndlr) à sa voix éraillée – l’acteur chante la quasi-totalité des chansons dans le film – qui semble avoir toujours fait partie de son lui, l’acteur révélé dans Un prophète (2009) impressionne par la justesse de son jeu.
Parmi les scènes les plus réussies, on en retiendra une, très touchante, qui relate la genèse de la chanson Comme ils disent (1972), inspirée à Charles Aznavour suite à la rencontre d’un travesti dans le bouillonnant Quartier Latin à Paris. À travers ce titre engagé, le chanteur s’attaquait à l’homophobie il y a plus de cinquante ans déjà…
Un miroir entre deux artistes majeurs
Ce qui saute enfin aux yeux en découvrant Monsieur Aznavour (2024), ce sont aussi les similitudes que l’on peut déceler entre le parcours de Charles Aznavour, qui a été victime d’insultes racistes à ses débuts, et la carrière de Tahar Rahim, qui a également lutté pour échapper aux préjugés.
À plusieurs égards, la motivation à toute épreuve du protégé d’Édith Piaf rappelle les combats menés par l’acteur franco-algérien originaire de Belfort pour se défaire de certains rôles qui lui ont souvent été proposés et qui auraient pu lui coller à la peau, de ses premiers pas dans la série La Commune (2007) au succès mondial du programme Le Serpent (2021) diffusé sur Netflix.
Au micro de Konbini, l’acteur déclarait en 2022 à ce sujet : “Pendant un moment, on me proposait pas mal de rôles de terroristes qui ne poussaient pas à une réflexion qui aurait pu faire bouger les choses. En tant que comédien, si tu commences à accepter ces rôles-là, tu deviens vite étiqueté et je n’allais pas griller mes cartouches de cette manière. Le travail et la patience, c’est vraiment le secret de la réussite, quel que soit le travail.”
Alors que Tahar Rahim s’est récemment vu ouvrir les portes d’Hollywood en intégrant le casting prestigieux de la production Marvel Madame Web (2024) aux côtés de Dakota Johnson et Sydney Sweeney, reste à savoir s’il réussira à se maintenir “en haut de l’affiche” comme son alter ego chanteur. Une chose est sûre, avec Monsieur Aznavour, Mehdi Idir et Grand Corps Malade lui offrent l’une de ses plus belles partitions…
Monsieur Aznavour (2024) de Mehdi Idir et Grand Corps Malade, avec Tahar Rahim et Bastien Bouillon, au cinéma le 23 octobre 2024.