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“Le Serpent” avec Tahar Rahim, un trip Netflix en demi-teinte
Les histoires criminelles ne cessent de hanter Netflix. Après le succès de “Tiger King” et du documentaire sur l’affaire Grégory, la plateforme propose cette fois une fiction sur un serial killer français. Dans la mini-série “Le Serpent”, Tahar Rahim incarne Charles Sobhraj, un escroc et tueur en série qui a semé la terreur dans l’Asie psychédélique des seventies. Que penser de cette mue à contre-emploi ?
Par Violaine Schütz.
Au commencement du Serpent, se trouve un matériau fictionnel des plus spectaculaires. La mini-série de huit épisodes produite par la BBC et diffusée sur Netflix, met en scène l’histoire de l’Indo-Vietnamien Charles Sobhraj né en 1944 à Saïgon, qui s’installera un temps en France (où il obtiendra la nationalité du pays). Ce tueur en série moins connu que ces homologues américains était un escroc et un séducteur qui aurait assassiné de nombreux touristes sur le “Hippie Trail” asiatique dans les années 1970. Se faisant passer pour un vendeur de diamants, il s’attaquait aux backpackers en usant de son charme, de sa malice et de diverses drogues et somnifères. On l’appelait “le serpent” justement car il manipulait ses victimes, arrivait à filer entre les mains de la police et à s’évader de multiples prisons… En 1971, il organisait par exemple un vol dans la bijouterie d’un hôtel de New Delhi en flirtant avec une danseuse américaine, Gloria Mandelik, logeant au-dessus de la boutique. Toujours vivant, il est, à 77 ans, incarcéré au Népal et accorde de temps à autres des interviews à des journalistes fascinés par les moindres détails de son histoire.
Une mue spectaculaire
Pour incarner celui qu’on surnommait également “le Cobra” ou encore le “Bikini Killer”, il fallait un acteur versatile et charismatique. La mue de Tahar Rahim, plus connu pour ses rôles de personnages attachants, en grand méchant loup est la meilleure idée du Serpent. L’acteur s’est littéralement métamorphosé pour se lover dans la peau de cet homme aux actes glaçants. Rasage précis, look 70’s ultra kitsch, coupe de cheveux façon Bruce Lee et maquillage stupéfiant, on peine à reconnaître celui qui fut révélé par Jacques Audiard dans Un prophète en 2009. Sans compter les prothèses faciales qui finissent par semer le trouble. Tahar Rahim est d’ailleurs en train de créer l’émoi parmi la presse hollywoodienne grâce à cette série mais surtout à sa prestation dans le film Désigné Coupable avec Jodie Foster. Le Français aurait lu, fasciné, alors qu’il était adolescent, La Trace du serpent de Thomas Thompson, contant la trajectoire du serial killer et inspirant le scénario de la production BBC/Netflix. Lorsqu’on le voit convaincre de jeunes hippies de lui acheter – pour ensuite les revendre – des pierres précieuses (avant de les droguer et de leur voler leur passeport), on succombe sans mal, comme ses victimes, à ses talents de beau parleur et à son aura mystérieuse.
Un trip en demi-teinte
A ses côtés, les Britanniques Jenna Coleman, qui incarne sa compagne Marie-Andrée Leclerc et Billy Howle, qui joue le diplomate néerlandais Herman Knippenberg traquant le Serpent, manquent de relief. Mais ce n’est pas la seule déception de cette production ambitieuse. Le décor idyllique, soit l’Inde, la Thaïlande et le Népal des années 1970, est planté avec une certaine splendeur mais recèle de nombreux clichés. Il y a cette jeune fille en tunique fleurie qui vient faire sa retraite dans un monastère bouddhiste ou ce couple très candide dont les caractères possèdent peu d’épaisseur. Trop peu de travail a été réalisé autour de la psyché des personnages, délaissés au profit des costumes et des pool parties sublimes ainsi que d’une bande-son vintage envoûtante. On sent presque les effluves du patchouli et de l’encens… Mais on ne sait presque rien de ses victimes au destin tragique. Que se passe-t-il dans la tête de ces hippies en quête de sens, de spiritualité ou de sensations fortes ? Pourquoi ont-il fui un temps la société de consommation occidentale ? Et qu’est-ce qui explique leurs meurtres sordides outre le goût du luxe du Serpent ? Dans ce trip esthétisant, l’accent est avant tout mis sur l’atmosphère. Et le voyage qui aurait pu être totalement hypnotique nous laisse souvent au bord de la route avec son traitement en surface des événements et ses détours temporels incessants. On pense beaucoup au Once Upon A Time… in Hollywood de Tarantino. Avec sa musique soignée, son casting exceptionnel et ses looks psychédéliques déments, le réalisateur parvenait à nous immerger dans une histoire criminelle pourtant déjà vue et revue (Charles Manson et Sharon Tate) qui signait la fin d’une époque. Ici, le Serpent nous embarque avec son regard perçant mais sa cavale infernale aurait pu contenir bien plus de venin en s’attardant sur les tréfonds de l’esprit humain.
Le Serpent de Richard Warlow et Toby Finlay avec Tahar Rahim, disponible sur Netflix.