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Predator : que vaut vraiment le nouveau film avec Elle Fanning ?
Avec Predator Badlands, la franchise culte intiée par John McTiernan en 1987 laisse place à un spectacle numérique sans âme. Trois ans après son audacieux Prey, le cinéaste américain Dan Trachtenberg propose un long-métrage SF maladroit et sans réelles idées qui épuise toutes les recettes hollywoodienne. La présence de la talentueuse Elle Fanning ne sauve malheureusement pas le projet.
par Alexis Thibault.
Predator, un film de science-fiction culte avec Arnold Schwarzenegger
Au commencement, Predator (1987) cristallise l’alliance triomphante du “film musclé” de l’ère Reagan et du long-métrage de jungle hanté par la guerre du Vietnam. Une escouade surarmée menée par Arnold Schwarzenegger s’enfonce dans un théâtre végétal qui la dépouille, jusqu’à révéler la nudité d’un chasseur… devenu proie. Sans surprise, le réalisateur de ce film de science-fiction, John McTiernan, expliquera à l’époque qu’il compte “prendre à rebours” la fascination pour la puissance musculaire et les gros calibres au profit d’une satire de la virilité.
La créature devait initialement être incarnée par Jean-Claude Van Damme, avant que le projet n’évolue vers un autre design. Issu d’une civilisation de chasseurs rituels, le monstre, dissimulé par un masque, allie intelligence stratégique et arsenal futuriste. Au programme : vision thermique, camouflage optique, canon à plasma, marqueur laser iconique en forme de triangle et collection de trophées humains.
À sa sortie, Predator engrange plus de 98 millions de dollars de recettes pour un budget d’environ 15 millions. D’abord reçu avec réserve, on salue désormais sa mise en scène et son sous-texte sur la masculinité. Il n’en fallait pas moins pour qu’Hollywood s’emploie à essorer la franchise. On compte désormais huit opus, prolongeant, à travers les décennies, la légende du chasseur invisible.
Vers un renouvellement de la franchise avec Alien et Prey
Avec Alien vs. Predator (2004) réalisé par Paul W. S. Anderson, la saga quitte enfin la jungle et le désert pour un décor glacial : une pyramide enfouie sous l’Antarctique où deux mythes du cinéma s’affrontent. Le film, plus conceptuel que terrifiant, introduit la dimension mythologique du Predator, désormais présenté comme un dieu vénéré par des civilisations anciennes.
Le long-métrage Prey (2022), à l’inverse, quitte la surenchère au profit du geste primal. Le cinéaste Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane) y redonne au mythe sa respiration organique, ancrant la chasse dans la nature et le silence. En confiant le rôle principal à une héroïne issue du peuple Comanche, il réinscrit l’extraterrestre dans une histoire de survie et d’émancipation, en 1719, renouant avec la tension du premier film.
Et cela fait sens : le Predator incarne une hybridation terrifiante entre technologie et sauvagerie primitive. Son arsenal en fait un chasseur absolu, où l’ingéniosité guerrière se confond avec la férocité instinctive. Loin d’être un simple monstre, il représente une hyperbole de la logique prédatrice occidentale : rationaliser la mort, la mesurer, la collectionner. Il est le miroir de l’homme post-industriel, celui qui fait de la chasse un spectacle et de la proie un objet esthétique…
Que vaut Predator: Badlands, le nouveau film avec Elle Fanning ?
Mais les franchises ont-elles forcément besoin d’un rafraîchissement ? En salles ce mercredi 5 novembre 2025, le nouveau Predator: Badlands de Dan Trachtenberg tente de ranimer la mythologie avec un jeune apprenti banni de son clan pour sa faiblesse. Forcé à l’exil par son propre père, il trouve une improbable alliée en la personne du cyborg Thia (Elle Fanning). Ensemble, ils entreprennent alors un voyage à travers des territoires hostiles, en quête de “l’adversaire ultime”. Sur le papier, le geste est noble. Il s’agit de: déplacer la violence vers une quête existentielle, en récit d’apprentissage. Mais à l’écran, cette intention s’épuise rapidement.
L’univers est lissé, les dialogues semblent calibrés pour un public adolescent. Et la violence autrefois viscérale, devient ici décorative, presque ludique. Le Predator – dont le credo a toujours été “Je chasse seul” – apprend la tolérance, l’amitié et la valeur du travail d’équipe. Et chaque rugissement semble aussitôt étouffé par une morale. D’ailleurs, le film semble vouloir être tout à la fois. On pense à Avatar (2009) pour son vaste décor ou à King Kong (2005) de Peter Jackson pour sa faune et sa flore diaboliques. Mais aussi ) un jeu vidéo pour ses mécaniques (entre action pure et infiltration), les derniers Star Wars pour leur mise en scène standardisée, et un improbable buddy movie à la Shrek pour l’humour bavard d’un androïde empathique. Le résultat, saturé de clins d’œil et d’effets, perd toute substance.
Le Predator n’est plus un mythe, mais une silhouette marketing. Ainsi, Badlands échoue là où Prey brillait. Il oublie que la force du personnage tient dans son mystère, dans ce qu’il révèle de nous quand il nous observe. Ici, il ne regarde plus rien. Et c’est peut-être le plus triste des constats.
Predator: Badlands de Dan Trachtenberg, au cinéma le 5 novembre 2025.
