5 fév 2025

Que vaut vraiment Presence, le film de fantômes de Steven Soderbergh ?

Passé maître dans l’art du blockbuster cool et des productions déjantées, Steven Soderbergh revient avec Presence, un long-métrage qui met cette fois le spectateur dans la peau d’un fantôme qui hante la nouvelle demeure d’une famille américaine lambda. Tourné à la première personne, le film avec Lucy Liu et une apparition de Julia Fox est en salle aujourd’hui.

Steven Soderbergh, un réalisateur amoureux des concepts

Un gang d’escrocs qui écume les casinos, la folle histoire d’Ernesto “Che” Guevara, l’affaire des Panama Papers, les danses érotiques de stripteaseurs… Steven Soderbergh est définitivement un cinéaste avide d’expériences. Palme d’or à Cannes en 1989 avec son premier long-métrage Sexe, mensonges et vidéos, et oscarisé pour Traffic en 2001, l’Américain revient aujourd’hui avec un nouveau projet : Presence. Sélectionné à Sundance et à Toronto, ce long-métrage en huis clos porté par la jeune actrice canadienne Callina Liang et l’Américaine Lucy Liu (avec une très courte apparition de Julia Fox) nous plonge dans le quotidien d’une famille Américaine qui s’offre la maison de ses rêves. Problème : une mystérieuse présence hante les lieux…

En 2018, Steven Soderberg présentait Paranoïa qui, dans la veine du Détour de Michel Gondry, court-métrage commandé par Apple, avait été tourné en une dizaine de jours avec un iPhone 7 Plus et l’application Filmic Pro. Une technologie qui nécessitait cependant de retravailler la profondeur de champ et de prêter une attention toute particulière aux vibrations du téléphone. On y suivait une jeune femme enfermée dans une institution psychiatrique qui y reconnaîssait son stalker et tentait alors désespérément de – se  – convaincre qu’elle n’était pas elle-même devenue folle. Cette fois, le cinéaste abreuvé par le Nouvel Hollywood opte, avec Presence, pour la caméra subjective et glisse le spectateur dans la peau du fantôme…

La bande-annonce de Presence (2025) de Steven Soderbergh.

Un concept intéressant qui n’apporte finalement pas grand chose

Avec Paranoïa, Steven Soderbergh privilégiait déjà l’intensité plutôt que l’horreur, l’inconfort plutôt que la violence… Un changement de registre radical dans son cinéma et, surtout, un thriller à petit budget : seulement 1,2 millions de dollars, bien loin des 85 millions du troisième épisode de la saga Ocean en 2007. Avec un budget ridicule, un téléphone portable et l’insolence qui lui sied, Steven Soderbergh proposait alors un calvaire psychiatrique qui, finalement, s’inscrivait dans la lignée de sa filmographie tortueuse. Mais cette fois, tout porte à croire qu’il rate le coche.

Le scénario de David Koepp (Jurassic Park, La Guerre des mondes, Anges et démons) ne mène nulle part et se contente de précipiter les choses dans le dernier acte tandis que le concept initial du long-métrage – proposer un film de fantômes en caméra subjective –, ne permet ni de creuser la psychologie des personnages, ni d’opter pour des plans judicieux.

Oui, nous sommes bel et bien le fantôme invisible (et a priori menaçant) dans Présence. Mais qu’apporte réellement ce choix à la narration ? Rien. Car ici le spectre n’est ni vraiment une proie, ni vraiment un prédateur. Contrairement à ce que laissait présager la bande-annonce, l‘œuvre n’est ni vraiment sinistre, ni vraiment jubilatoire et ne renouvelle absolument pas le genre. Le spectateur enfile le costume… d’un autre spectateur pour assister à un drame familial plutôt consensuel sur fond de dépression adolescente. En résulte un film semblable à l’épisode spécial d’une série d’anthologie moyenne dont le concept devient lassant au bout d’une vingtaine de minutes…

Presence (2025) de Steven Soderbergh, actuellement au cinéma.