“Paranoïa”, le nouveau délire anxiogène de Steven Soderbergh tourné à l’iPhone.
Passé maître dans l’art du blockbuster cool et des productions déjantées, Steven Soderbergh revient avec “Paranoïa”, une incursion anxiogène dans l’univers des hôpitaux psychiatriques. Il a réalisé le film avec un iPhone en une dizaine de jours.
Par Alexis Thibault.
Un gang d’escrocs qui écume les casinos, la folle histoire d’Ernesto “Che” Guevara, les danses érotiques de stripteaseurs… Steven Soderbergh est définitivement un homme d’expérience qui aime expérimenter. Palme d’or à Cannes en 1989 avec son premier long-métrage Sexe, mensonges et vidéos, et oscarisé pour Traffic en 2001, l’Américain revient aujourd’hui avec un nouveau projet : Paranoïa. Persuadée d’être victime de harcèlement, une jeune femme se retrouve enfermée dans une institution psychiatrique et y reconnaît son stalker. Elle tente alors désespérément de – se – convaincre qu’elle n’est pas devenue folle. Si le synopsis n’est pas des plus originaux, l’interêt réside surtout dans ses moyens de productions. Dans la veine du Détour de Michel Gondry, court-métrage commandé par Apple, Paranoïa a été tourné en une dizaine de jours avec un iPhone 7 Plus et l’application Filmic Pro. Une technologie qui nécessite cependant de retravailler la profondeur de champ et de prêter une attention toute particulière aux vibrations du téléphone.
Abreuvé par le Nouvel Hollywood, le réalisateur cérébral s’est inspiré de différents films cultes, du Répulsion de Roman Polanski au Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman en passant par l’angoisse hitchcockienne et les débuts de Brian de Palma.
Deux ans après le délirant Logan Lucky mené par Channing Tatum, Adam Driver et Daniel Craig, le cinéaste de 55 ans passé maître dans l’art du blockbuster cool s’essaye donc au film de genre. Et pour Paranoïa, il privilégie l’intensité plutôt que l’horreur, l’inconfort plutôt que la violence… Un changement de registre radical et, surtout, un thriller à petit budget : seulement 1,2 millions de dollars, bien loin des 85 millions du troisième épisode de la saga Ocean en 2007. En guise de tête d’affiche, Steven Soderbergh a choisi Claire Foy, actrice auréolée de succès grâce à la série The Crown qui a raflé le Golden Globe de la meilleure actrice dans une série dramatique en 2017. Touché par le discours de la Britannique de 34 ans, le réalisateur l’a immédiatement invité à pénétrer dans les entrailles du Summit Park Hospital de New York, véritable hôpital désaffecté transformé en Highland Creek dans le long-métrage. Abreuvé par le Nouvel Hollywood, ce mouvement cinématographique inscrit dans la contre-culture qui s’étend de 1960 à 1980, le réalisateur prolifique et cérébral s’est inspiré de différents films cultes, du Répulsion (1965) de Roman Polanski au Vol au dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman en passant par l’angoisse hitchcockienne et les débuts de Brian de Palma.
C’est donc avec un budget ridicule, un téléphone portable et l’insolence qui lui sied que Steven Soderbergh propose un calvaire psychiatrique qui, finalement, s’inscrit dans la lignée de sa filmographie tortueuse. Revenu au grand écran après sa série The Knick avec Clive Owen, il signe un long-métrage anxiogène sans concession et braque son projecteur sponsorisé par Steve Jobs pour la deuxième fois sur le marché des assurances maladie américaines après Effets secondaires en 2013.