Rencontre avec Mallory Wanecque, révélation fracassante du film L’Amour ouf
À seulement 18 ans, la Française Mallory Wanecque, révélée par le film Les Pires, est l’un des plus beaux espoirs du cinéma hexagonal. Alors qu’elle est à l’affiche du film événement L’Amour ouf, aux côtés d’Adèle Exarchopoulos, rencontre avec une actrice qui crève l’écran à chacune de ses apparitions et épate par sa fraîcheur.
propos recueillis par Violaine Schütz.
L’interview de Mallory Wanecque, star du film L’Amour ouf
Numéro : Quand on vous a proposé le film L’Amour ouf, qu’est ce qui vous a le plus touchée dans ce projet ?
Mallory Wanecque : Tout m’a touchée. La manière d’écrire de Gilles (Lellouche) d’abord, qui est très explicite. Tu comprends tout de suite ce qu’il veut transmettre : l’amour, la tendresse mais aussi la violence, la cassure, bref, le premier amour. Je me suis tout de suite identifiée à toutes ces émotions. Je suis une grande amoureuse de l’amour et je suis rapidement tombée amoureuse de l’amour fou qui unit Jackie et Clotaire, de cette envie de donner de l’amour. J’aime aussi le fait que l’histoire soit intergénérationnelle. On y dépeint aussi la relation avec le père en plus de la relation amoureuse avec Clotaire (joué par Malik Frikah). Ce sont toutes ces formes d’amour que Gilles voulait représenter.
Avez-vous des points communs avec le personnage de Jackie, l’héroïne de L’Amour ouf ?
J’avoue que j’ai plus de points communs avec Clotaire et Malik s’identifie plus à Jackie. Je me reconnais dans l’impulsivité et la manière de se révolter de Clotaire, mais Jackie possède une vraie force en raison de sa cassure. Je partage avec Jacky cette force, ce côté observateur et son rejet de la violence. Donc, je dirais qu’au final, je m’identifie aux deux.
Le début du film se déroule dans les années 80. Comment avez-vous réussi à vous plonger dans l’ambiance de cette période que vous n’avez pas connue ?
Il y a eu des séances de travail, en amont, pour ne pas sortir des “wesh” ou des “frère” pendant les prises. J’aurais tellement kiffé vivre dans ces années-là, les eighties, les nineties, le début des années 2000 (l’époque de ma grande sœur). Sans les téléphones, quand tout le monde se connaissait… Ma mère et ma grand-mère m’ont beaucoup parlé de ces périodes-là, avant même que je tourne dans ce film. Elles m’ont raconté de multiples anecdotes sur la façon dont le monde fonctionnait quand elles étaient jeunes et dont les gens pensaient.
“Depuis la première fois où je l’ai rencontrée, Adèle Exarchopoulos est un amour.” Mallory Wanecque
Vous jouez le rôle d’Adèle Exarchopoulos adolescente dans le film et une grande complicité vous unissait sur le tapis rouge, lors du dernier Festival de Cannes. On vous a beaucoup comparée à elle depuis vos débuts…
Complètement ! Depuis mon premier Festival de Cannes avec le film Les Pires (2022), on n’arrête pas de me parler d’Adèle. Les réalisatrices des Pires m’avaient même demandé de regarder La Vie d’Adèle, en plus de Shéhérazade, pour préparer le film et m’en inspirer. Je n’aurais alors jamais pu imaginer qu’un jour, je jouerais le même personnage qu’elle dans sa version ado. En tant que femme et en tant qu’actrice, c’est la première femme qui m’a inspirée. Peu après ça, elle m’a envoyé un message sur Instagram pour me proposer que l’on se rencontre en me disant : “Il faut absolument qu’on se parle parce qu’on arrête pas de me parler de toi !”. Un mois plus tard, on apprenait qu’on allait tourner un film ensemble. J’étais super contente.
Joue-t-elle le rôle de grande sœur avec vous ?
Depuis la première fois où je l’ai rencontrée, Adèle est un amour. J’ai l’impression qu’elle fait partie de moi, de ma famille. C’est un mélange entre ma mère, ma tante, ma petite sœur et moi. On a aussi à peu près le même parcours et on dégage un peu la même chose. Évidemment qu’elle m’a donné des conseils, m’expliquant comment me protéger et bien s’entourer. Et en me disant que le principal, c’est que je kiffe.
J’ai aussi entendu dire qu’elle vous donnait des conseils sur vos tenues…
Oui, notamment pour des tenues red carpet, concernant le choix d’une robe. Aujourd’hui, pour la journée promo du film, je lui ai envoyé une petite photo de ma tenue en lui demandant si ça allait. Et j’ai ajouté : “Et toi, tu as habillée comment ?”. Pour des shootings photo, je lui demande si mes tenues sont trop osées ou too much. J’aime quand c’est trop (rires). Mais parfois, elle me réponds : “Non, mais, ma chérie, je pense qu’il faudrait que tu calmes un peu”. Bref, heureusement qu’elle est là.
“On peut encore trouver des vidéos de moi en train de danser du modern jazz sur Internet, si vous cherchez. Mais franchement, vous n’êtes pas obligée (rires).” Mallory Wanecque
Comment avez-vous préparé la longue scène de danse du film ?
Quand j’étais plus jeune, pendant sept ans, j’ai fait de la danse, dans une association. Du modern jazz et un peu de hip-hop. On peut encore trouver des vidéos de moi en train de danser du modern jazz sur Internet, si vous cherchez. Mais franchement, vous n’êtes pas obligée (rires). Et j’aime la musique et la danse. Quand je sors de ma salle de bain ou que je fais la cuisine, je danse. Pour cette scène de L’Amour ouf, on s’est entraînés pendant deux semaines, dans le Sud, avec Malik (Frikah). Mais comme il est champion du monde de breakdance, il n’avait pas vraiment besoin d’entraînement. Il nous faisait des saltos en deux-deux alors que pour moi, même si j’ai fait de la danse, ce n’était pas aussi facile. On s’est entraînés, aussi, avec Adèle (Exarchopoulos) et François (Civil). Et puis, ce n’était pas vraiment de la danse, plutôt des mouvements du corps. Donc c’était trop cool. J’ai pris beaucoup de plaisir à partager ça avec (La)Horde et à apprendre la chorégraphie.
Il y a une scène d’intimité dans la nature, entre Malik Frikak et vous. Était-ce difficile à aborder ? Avez-vous bénéficié de l’aide d’un coordinateur d’intimité ?
Non, il n’y a pas eu de coordinateur d’intimité. De toute façon, sur chaque film, il s’agit d’un travail en amont à effectuer. Avec Malik, on a beaucoup parlé de la scène. On a expliqué les choses sur lesquelles on était d’accord ou pas. Après, Gilles (Lellouche) est aussi acteur, donc il sait très bien ce qu’on peut ressentir dans ce genre de séquences… Je pense qu’il n’aime pas non plus les scènes d’amour et je savais très bien qu’il serait bienveillant et ne voudrait pas tourner un porno. Au final, j’étais super à l’aise car j’avais ultra confiance en Malik, qui n’est pas non plus quelqu’un de très à l’aise avec ces scènes. On se protégeait l’un l’autre. Et tout était hyper chorégraphié et carré. Après, c’est vrai que passer toute sa journée à embrasser quelqu’un devant une caméra, ce n’est pas un plaisir.
Comment était-ce d’être dirigée par Gilles Lellouche ?
Un énorme plaisir parce que c’est quelqu’un d’hyper précis, qui sait ce qu’il veut faire. Tu arrives sur le tournage et tu ne fais d’heure sup parce que tout est fluide. Tu comprends tout ce qu’il dit car il s’exprime très bien et trouve les mots exacts, mais aussi parce qu’il est acteur. Ce me faisait très plaisir, c’était quand, le matin, il mettait une chanson à fond. Ça permettait de bien démarrer la journée et de se repérer sur le plateau grâce à la musique. Et puis, c’est un grand enfant. À chaque prise, il saute partout ! Le Graal d’un acteur, c’est de voir le réalisateur content de ses acteurs. S’il a tourné le film dont il avait envie, c’est tout ce qui importe. Son équipe – la même que sur Le Grand Bain, était géniale aussi. Ça puait l’amour. Tout le monde avait envie de tourner le film dont Gilles avait envie.
“J’ai été repérée à la sortie de mon collège alors que je venais de m’embrouillais avec une fille et que j’étais ni coiffée, ni maquillée.” Mallory Wanecque
Votre famille n’a rien à voir avec le cinéma et vous n’aviez jamais pris de cours de comédie avant d’être repérée lors d’un casting sauvage dans la région de Valenciennes…
Oui, tout à fait, j’avais 14 ans, et j’étais en classe de quatrième. C’était à la sortie de mon collège, à Anzin. Même pas à Valenciennes. Une plus petite ville encore et un petit collège. Et ce n’était pas le plus beau collège ! Je parlais fort parce que je venais de m’embrouiller avec une fille, juste avant. J’étais en train de raconter l’histoire à mes copines et il y avait un effet de groupe autour de moi. Tout le monde parlait fort. Je partais, un peu vénère avec ma sœur à la main. Je n’étais pas maquillée, pas coiffée, mal habillée. Je venais de tomber dans la boue, donc j’avais noué mon écharpe autour de ma taille et mon gros sac à dos était bien gonflé.
Une vraie scène de film…
Oui, en plus, l’une de mes copines était super belle et hyper bien coiffée. Et là, des directrices de casting m’arrêtent pour me demander si je veux passer un casting pour jouer dans un film. J’étais tellement prise par l’euphorie de la dispute et ça me semblait si imaginable, que je n’ai pas réalisé ce qui se passait. “Qui va venir me chercher en face de mon collège ?”. Au début, je n’y crois pas trop mais je leur laisse quand même mon numéro. Finalement, je passe plusieurs castings pour un second rôle et finalement, je suis prise pour le rôle principal dans le film Les Pires. Et après ça, tout ça enchaîne.
Est-ce que vos parents vous conseillent sur vos rôles ?
Non, mais mes parents m’accompagnent beaucoup. Je ne serais pas là sans eux. Je leur dois la vie, bien sûr, mais aussi ma carrière tant ils sont présents. Ils essaient de me protéger au max, mais ils ne me donnent pas d’ordre en me disant : “Ça, tu ne fais pas.” Ils me conseillent simplement en me disant : “Ça, on trouve ça moins bien ou, ça, on trouve ça mieux. Mais c’est juste notre avis. Tu fais ce que tu veux.”
“Dans Titanic, ils se connaissent depuis 24 heures et c’est l’amour fou : chacun peut mourir pour l’autre. Je trouve ça trop beau.” Mallory Wanecque
Vous vous êtes inscrite, après avoir débuté dans le cinéma, au Cours Florent…
Oui, mais ce n’est plus d’actualité. J’ai fait une année et j’ai appris beaucoup de choses sur le jeu d’acteur. Mais je me suis aperçue que le théâtre, ce n’est pas mon truc. Devant une caméra, ce que l’on nous demande est plus minimaliste. Au théâtre, il faut parler fort, faire de grands gestes. Et puis l’impro, ce n’est pas mon dada. Par contre, ce que j’ai kiffé dans le théâtre, c’est que l’on crée une scène ensemble, que l’on révise ensuite, entre midi et deux, sur les trottoirs. Les gens nous prennent pour des fous ! Puis on se rejoint dans des bars et on parle de la scène et on la refait. C’est la même scène qui dure toute l’année : tu la révises et tu essaies de l’améliorer. Alors que sur un tournage, ça dure deux mois et après, les gens reviennent à leur vie normale. Le côté troupe est encore plus exacerbé au théâtre.
Avec le film Les Pires, vous êtes passée du collège au Festival de Cannes et aux César. Comment l’avez-vous vécu ?
J’avais 15 ans et, pour moi, ce n’était que du kiff. À aucun moment, je ne me suis mis la pression. Je me suis dit : “Écoute, soit ça passe, soit ça casse. Je prends ce qui est à prendre et je dis ce que j’ai à dire et puis après, voilà.” Mais pour le Festival de Cannes avec L’Amour ouf, je me suis quand même mis un peu plus de pression, car je savais que les choses devenaient plus sérieuses et que j’avais grandi. Je vois plus de films et je commence à connaître un peu mieux ce milieu… Je sais qui est Marion Cotillard alors que je ne la connaissais pas avant de faire du cinéma. Mais je voyais qui étaient Alain Chabat et Benoît Poelvoorde.
Quelle était votre culture cinématographique avant de devenir actrice ?
Je regardais les Marvel, des dessins animés et je connaissais les grands classiques.
Avez-vous un film fétiche ?
Oui, Titanic pour les plans, l’image, le message transmis par les acteurs et l’histoire d’amour. Ils se connaissent depuis 24 heures et c’est l’amour fou : chacun peut mourir pour l’autre. Je trouve ça trop beau.
“On me propose toujours des rôles de prisonnière, de militaire, ce que j’adore, mais aussi de plus en plus des rôles de princesse.” Mallory Wanecque
Est-ce qu’il y a des réalisateurs avec qui vous aimeriez tourner ?
J’aimerais tourner avec le plus de personnes possible. Tout comme il n’y a pas d’actrice en particulier à qui je voudrais ressembler, il n’y a pas de réalisateur avec lequel je voudrais absolument travailler parce que je veux travailler avec le maximum de gens. Je suis ouverte à plein d’expériences différentes. Je veux autant tourner des films d’action que des films d’auteur ou des drames. Et puis chaque histoire est bonne à défendre. Je pense que chaque réalisateur qui tourne un film a pris du temps, notamment sur le scénario. Tu ne pas réaliser un film si ça n’a pas un minimum de sens pour toi.
Jusqu’à présent, j’ai l’impression que vous avez joué des rôles proches de l’image que vous renvoyez...
Oui tout à fait. J’ai fait ce que je savais faire jusqu’ici. On m’a repérée pour jouer dans Les Pires pour ce que j’étais. Je renvoie une image de jeune fille dure et « garçon manqué” alors c’est normal que les réalisateurs se projettent dessus. Jackie dans L’Amouf ouf est le rôle qui s’éloigne le plus de moi. Après j’ai très envie de jouer les princesses. On me propose toujours des rôles de prisonnière, de militaire, ce que j’adore, mais aussi de plus en plus des rôles de princesse. J’ai même passé un casting pour jouer Marie-Antoinette.
Quels sont vos projets ?
Je viens de finir le tournage, à Marseille, d’un film intitulé Le Gang des Amazones, réalisé par Melissa Drigeard, avec Izïa Higelin, Lyna Khoudri, Laura Felpin et Kenza Fortas. On joue des mamans au foyer qui braquent des banques. C’est trop kiffant de tourner un film de braqueuse, de jouer avec des armes… J’ai joué dans un film appellé Rapaces, réalisé par Peter Dourountzis, avec Sami Bouajila. Je joue la fille d’un enquêteur qui l’aide à enquêter sur un féminicide qui s’est réellement passé en 2022.
“Petite, j’habillais et maquillais mes petites sœurs, comme des Barbie. On faisait des défilés sur mon armoire.” Mallory Wanecque
On vous a vue à un défilé Miu Miu et vous avez été habillée par Dior pour de nombreux tapis rouges.
Oui, je commence à être invitée à des défilés et à travailler avec des maisons et des marques telles que Dior, Miu Miu, Claudie Pierlot et Adidas. Petit à petit, la mode m’approche. Et ça tombe bien car j’aime m’habiller, me trouver belle, me regarder dans la glace. J’aime ce que la mode peut raconter et l’image que l’on peut donner à travers un outfit. Avant le cinéma, j’aimais déjà ça, d’ailleurs. Petite, j’habillais et maquillais mes petites sœurs, comme des Barbie. On faisait des défilés sur mon armoire. On montait dessus et je disais : “Alors là, tu fais la sportive, puis la princesse, puis fais le streetwear…”
Quels sont, pour l’instant, vos meilleurs souvenirs de cinéma ?
Il y en a plein. Mais je me souviendrai toute ma vie des deux standing ovations au Festival de Cannes pour Les Pires et pour L’Amour ouf. La sensation que l’on éprouve quand les gens se lèvent et vous regardent en pleurant et en applaudissant à la fin d’un film est folle. On a envie de leur dire : “Mais c’est moi qui vous remercie”. On a l’impression d’avoir, durant une ou deux heures, changé la vie de personne. Et c’est tout ce que je veux, que les gens ressentent ce que j’ai ressenti quand je suis sortie de la salle d’un film que j’ai tourné. En voyant L’Amour ouf, on a envie d’aimer sa famille, son mec, son ex, son ami. Tu as envie d’appeler tout le monde pour leur dire : Je vous aime.
L’Amour ouf (2024) de Gilles Lellouche, avec Adèle Exarchopoulos et Mallory Wanecque, actuellement au cinéma.