19 mar 2025

Expo : les secrets de tournage des films de Wes Anderson dévoilés

Jusqu’au 27 juillet 2025, la Cinémathèque française inaugure la première exposition rétrospective consacrée au travail de Wes Anderson. Entre les murs de l’institution, les costumes, maquettes, photographies et décors de ses films se dévoilent aux yeux des plus curieux. L’occasion de se plonger dans les secrets de tournage et de fabrication qui se cachent derrières trois long-métrages incontournables du cinéaste américain.

Bottle Rocket : le quotidien déstructuré de Wes Anderson et son amitié avec Owen Wilson

Projectionniste pour le ciné-club de l’Université du Texas à Austin, où il est étudiant, Wes Anderson organise, une nuit, à 2h du matin, une projection des deux premiers volets du Parrain (1972). Dans la salle, seules deux personnes sont présentes : lui-même, et un certain Owen Wilson… À partir de cette rencontre, les deux élèves tissent des liens d’amitié, renforcés par leur passion commune pour le cinéma. Au point de décider d’écrire ensemble le scénario du tout premier film du futur réalisateur : Bottle Rocket (1996). Dans un premier temps, le projet est imaginé comme un court métrage tourné en noir et blanc, et présenté au prestigieux festival de Sundance. Il séduit alors le réalisateur James L. Brooks (producteur des Simpson), qui les incite à transformer le court en long.

Dans ce polar déjanté au sein duquel l’acteur Owen Wilson tient le rôle principal, on suit les péripéties d’une bande de jeunes étudiants s’improvisant cambrioleurs, mais débordés par leurs ambitions. De scènes loufoques en dialogues farfelus, le film façonne les premières caratéristiques d’un héros anticonformiste, qui deviendra la signature de Wes Anderson. Adoré par Martin Scorsese à sa sortie en 1996 – qui le décrit alors comme l’un de ses films favoris –, Bottle Rocket s’inspire de la vie déstructurée des deux comparses, Owen Wilson et Wes Anderson, alors simples étudiants rêvant du succès hollywoodien.

Sur les murs de la Cinémathèque, à Paris, où se tient actuellement une exposition dédiée à Wes Anderson, des esquisses et des brouillons des plans séquences du long-métrage témoignent des péripéties et de l’imaginaire débordant de deux jeunes élèves, prêts à tout pour tourner leur premier film. L’un en tant que réalisateur, l’autre en tant qu’acteur. Un quotidien qui nourrit ce scénario entre fiction et autobiographie, et pose les premières fondations de leurs carrières respectives, marquées par leur collaboration prolifique sur près de vingt ans.

Vrai train, voyage en Inde… La folle histoire du film À bord du Darjeeling Limited

Au début des années 2000, Wes Anderson, Roman Coppola et Jason Schwartzman embarquent pour un voyage en Inde. Un séjour initiatique, ponctué de nombreux trajets en bus et en train, qui inspire au trio le film À bord du Darjeeling Limited, sorti en 2007. Si le réalisateur américain avait déjà dans ses notes depuis longtemps l’idée de tourner un long-métrage dans un train – en particulier après la découverte du film Le Fleuve de Jean Renoir (1951) –, cette expédition indienne nourrit la plupart des dialogues et des scènes. Celles-ci sont jouées sur le grand écran par Jason Schwartzman, Owen Wilson et Adrien Brody, trois frères en quête de réponses et de leur mère réfugiée dans un monastère himalayen. Et qui font ainsi écho à la bande d’amis de Wes Anderson, alors à la recherche d’inspirations.…

Le voyage a fait remonter à la surface nos expériences individuelles, que nous avons essayé de refléter à travers les personnages qui se dévoilent dans le film.” explique Roman Coppola au sein du catalogue de l’exposition dédiée au réalisateur à la Cinémathèque. “Notre mentalité était de dire ‘oui’ à tout : si nous voyions la porte d’un temple entrouverte, ‘Allons jeter un œil à l’intérieur!’. S’il y a un chemin menant dans une direction qui pourrait être intéressante, ‘Empruntons-le !’”. Autant de décisions fortuites et de moments insolites, qui se sont retrouvés dans le scenario ponctué d’embûches et de détours d’À bord du Darjeeling Limited.

Au point d’infuser les dialogues du long-métrage : enfermés dans un bus ou un train, Wes Anderson et Roman Coppola improvisent les futurs rôles du film et imaginent les bases des répliques loufoques et philosophiques prononcées plus tard par Schwartzman, Wilson ou Brody. Jusqu’aux décors du film, tourné non pas avec une maquette mais dans un vrai train indien sur rails… Et en mouvement ! L’étroitesse des wagons compliquait d’ailleurs le tournage, rendu possible grâce à un ingénieux système de trappes coulissantes.

The Grand Budapest Hotel, entre récit personnel et décor grandiose

Alors que sa carrière explose à Hollywood au cours de ces deux dernières décennies, Wes Anderson fait de nombreux séjours à Paris, où il s’est aujourd’hui installé. Fasciné par l’histoire et par l’architecture du continent européen, le réalisateur américain sillone l’Europe à la recherche d’inspirations. Dans ses carnets, les premières ébauches du film The Grand Budapest Hotel (2014) prennent forme au gré des grands hôtels, palais et châteaux qu’ils croisent au cours de ses voyages. Il décide alors que son prochain long-métrage sera tourné au sein de l’un deux.

L’histoire du film, un brin nébuleuse, raconte les aventures dramatiques – mais également comiques – du concierge d’un spendlide hôtel situé dans le pays imaginaire de Zubrowka, alors en proie à la montée du fascisme dans les années 30. De ce long-métrage au succès retentissant, les spectateurs retiennent surtout l’esthétique fantaisiste de ce bâtiment rose bonbon. Et en particulier de son décor désuet ponctué de couleurs vives, de grands tapis de velours et de lustres étincelants. Typiquement andersonien, cet imaginaire visuel entre réalisme et fiction ne prend néanmoins pas place dans un vrai palace, comme le souhaitait à l’origine Wes Anderson. Faute d’endroit correspondant parfaitement à l’imagination du réalisateur américain, c’est finalement au sein d’un ancien centre commercial de Görlitz (en Allemagne) que le tournage aura lieu, totalement transformé pour l’occasion.

La mise en scène et l’architecture puisent dans la collection de cartes postales de palaces européens conservés dans la Bibliothèque du Congrès des États-Unis (certaines apparaissent même à l’écran). Mais ici, ni la façade extérieure, ni le paysage alentour sont réels. En toile de fond, la forêt est en réalité composée de peintures de l’artiste Michael Lenz réalisées spécialement pour le film. Tandis que le Grand Budapest Hotel est, à l’image du château d’Harry Potter, une immense maquette, exposée à la Cinémathèque française ce printemps. Le tout façonnant un univers artificiel et fantaisiste reconnaissable entre mille, et depuis entré dans les incontournables du Septième art.

“Wes Anderson, l’exposition”, exposition jusqu’au 27 juillet 2025, à La Cinémathèque française, Paris 12e.