Les multiples vies de Mick Jagger au cinéma : de Godard à Jodorowsky
D’Alejandro Jodorowsky à Jean-Luc Godard, les plus grands cinéastes du XXe siècle ont courtisé Mick Jagger, star mondiale et sensuelle d’un rock ’n’ roll ravageur. De la fin des années 1960 aux années 2000, le chanteur des Rolling Stones est apparu dans une douzaine de long-métrages et documentaires, déroulant un répertoire allant du gangster au marchand d’art véreux. En 2020, il est à l’affiche d’un nouveau thriller aux côtés de Claes Bang et Donald Sutherland, “The Burnt Orange Heresy”, réalisé par Giuseppe Capotondi.
Par Camille Moulin.
Avec ses longs cheveux ondulés et ses lèvres pulpeuses, l'allure androgyne de Mick Jagger aura tout autant convaincu les groupies que le cinéma d'auteur. Alors qu’il est déjà, à 26 ans, un chanteur mondialement connu, Jean-Luc Godard l’approche en premier en 1968 et propose aux Rolling Stones de figurer dans un documentaire expérimental intitulé One + One ou Sympathy for the Devil. Construit en deux parties distinctes, création versus destruction, le documentaire met en scène le groupe anglais lors d’une répétition de leur chanson Sympathy for the Devil. Mick Jagger, alors âgé de 26 ans, mène et dirige les autres musiciens et perce l’écran de son assurance, s’assumant comme le véritable leader du groupe.
Mais ce sont deux jeunes réalisateurs qui lui offrent son premier rôle dans un film de fiction. En 1968, Donald Cammell et Nicolas Roeg offrent au chanteur le rôle d’une rock star acceptant de cacher un vieil ami meurtrier. Au fil d’une intrigue psychédélique, Mick Jagger apparait plus impudique que jamais, prenant son bain en compagnie de deux belles et jeunes femmes, une scène jugée beaucoup trop osée pour l’époque. Deux ans après le tournage, la Warner Bros accepte enfin de diffuser ce film auparavant jugé trop violent et obscène, qui reçoit alors un accueil mitigé. Comme un bon vin se bonifiant avec le temps, Performance est aujourd'hui considéré comme l’un des films les plus novateurs du cinéma britannique des années 1970. Fort de cette expérience, Mick Jagger incarne un an plus tard, en 1971, le célèbre gangster australien Ned Kelly dans un biopic du même nom, signé Tony Richardson.
Après ces deux premiers rôle remarqués s’enchaînent les propositions, mais la malchance ou le hasard empêchent le chanteur de les accepter. En 1975, Mick Jagger est auditionné pour l’adaptation mythique du Rocky Horror Show, mais le rôle revient finalement à Tim Curry, incarnant déjà le personnage au théâtre. Dans un casting insensé, aux côtés d’Orson Welles et de Salvador Dalí, il est choisi par le réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky pour son adaptation du roman de science fiction Dune. Jugé trop audacieux et ésotérique pour être financé, le film ne verra jamais le jour. Autre déception, à la fin des années 1970, Werner Herzog le choisit comme acteur dans son film Fitzcarraldo, mais le tournage doit être décalé et lors de sa reprise, les Stones sont en tournée. Son personnage est alors supprimé et ses scènes coupées.
Après une décennie à n’apparaître que dans des documentaires, les années 90 lui sont plus bénéfiques et lui permettent de tourner dans trois films notables : Freejack de Geoff Murphy (1992), puis Bent de Sean Matthias (1997) et L’Homme d’Elysian Fields de George Hickenlooper (2001), dans lesquels il donne la réplique à des acteurs aussi reconnus que Rachel Weisz, Ian McKellen, Clive Owen ou Anthony Hopkins.
Moins connu que sa carrière d’acteur, Mick Jagger est également producteur, et lance en 1995 sa propre société de production, Jagger Films, qui finance plusieurs films et séries, dont Enigma, de Michael Apted avec Kate Winslet, un documentaire sur lui même, Being Mick (2001), ou encore la série HBO The Vinyl (2016). Alors que le chanteur n’a plus tourné depuis 2001, Keith Richards et Johnny Depp tentent, sans succès, de convaincre de le convaincre de participer au quatrième volet de la saga Pirates des Caraïbes. Mais, preuve qu’il sélectionne rigoureusement ses rôles, c’est finalement en 2020 que Mick Jagger fait son grand retour au cinéma dans un thriller de Giuseppe Capotondi, The Burnt Orange Heresy, aux côtés de Claes Bang et Donald Sutherland. Critique d’art tout aussi véreux que peu scrupuleux, son personnage, Joseph Cassidy, cherche à s’approprier l’oeuvre d’un peintre à la retraite.
The Burnt Orange Heresy, de Giuseppe Capotond, date de sortie encore inconnue.