20 déc 2024

Rencontre avec Mélanie Laurent et Guillaume Canet, le couple royal du film Le Déluge

Dans le film historique Le Déluge, au cinéma ce mercredi 25 décembre, le réalisateur italien Gianluca Jodice dévoile une relecture captivante des derniers jours de la monarchie française. L’actrice et réalisatrice Mélanie Laurent illumine l’écran dans le rôle d’une Marie-Antoinette tourmentée, tandis que Guillaume Canet offre sa sensibilité à un Louis XVI déchiré entre pouvoir et déclin. À l’occasion de la sortie de cette fresque magistrale, Numéro a rencontré ces deux figures incontournables du cinéma français afin d’évoquer leur complicité à l’écran, leurs choix artistiques audacieux et leur double vie de comédiens-réalisateurs.

propos recueillis par Nathan Merchadier.

La bande-annonce du film Le Déluge (2024).

L’interview de Mélanie Laurent et Guillaume Canet

Numéro : Qu’est-ce qui vous a séduit dans le film Le Déluge (2024) ?

Mélanie Laurent : En premier lieu, le scénario était très puissant et très beau, ce qui n’est pas toujours le cas. Ce film évoque aussi une page de l’histoire plutôt méconnue (le moment où Louis XVI et Marie-Antoinette sont arrêtés et conduits au donjon de la tour du Temple, à Paris, en 1792, ndlr) portée par des personnages complexes ayant de grandes responsabilités. Cela fait partie des projets excitants que l’on rencontre parfois dans une vie d’acteur. 

Guillaume Canet : Pour ma part, j’étais très intéressé à l’idée de me plonger dans cette partie de l’histoire que je ne connaissais pas en détail. Cela m’a permis de découvrir le personnage du roi, avec ses problèmes psychologiques, sa timidité, son bégaiement et sa position vis-à-vis des femmes. J’ai aussi voulu explorer son incapacité totale à gouverner mais aussi sa désillusion et son lent cheminement vers la déchéance. À la fin du film, il prend conscience qu’il n’a qu’un statut d’homme et non pas de dieu. Ce sont des émotions passionnantes à retranscrire à l’écran.

Pour vous immerger dans cette période si singulière de notre Histoire, avez-vous lu des livres ou regardé des films d’époque ? 

Mélanie Laurent : J’avais la biographie de Marie-Antoinette (1932) de Stefan Zweig comme livre de chevet.

Guillaume Canet : J’ai lu le Journal de Cléry rédigé par le valet de chambre de Louis XVI. Cet ouvrage m’a paru très intéressant car il raconte sa complicité et son temps passé avec lui dans la tour du Temple. On y découvre certains détails et des situations très surprenantes sur leur relation.

Mélanie Laurent et Guillaume Canet pour Numéro.com © Nathan Merchadier.

Dans le film, un accent particulier est mis sur les costumes et sur le maquillage. Ces éléments vous ont-ils aidés à incarner Louis XVI et Marie-Antoinette ?

Guillaume Canet : Au départ, le maquillage m’a fait peur car j’appréhendais qu’il ne devienne un élément trop présent et trop factice. Puis j’ai découvert que cela allait m’aider à exprimer le rapport à la sidération de ce personnage et son côté inexpressif. 

Mélanie Laurent : Je me suis sentie chanceuse en voyant que Guillaume devait passer quatre heures à se faire maquiller tous les jours [rires]. Nous avons vécu des situations opposées au sujet du maquillage car à la fin du film, je n’avais plus que cinq minutes de préparation. Ce sont toutefois des éléments qui influencent énormément notre corporalité et notre démarche en tant qu’acteurs. Cela nous aide à nous plonger dans nos personnages. Nous n’avons ensuite plus qu’à être nous-même. 

“En tant qu’acteurs, lorsque l’on est guidé par la vision d’un réalisateur, c’est très excitant. Le pire pour nous, c’est quand il n’y en a pas.” Mélanie Laurent

Il y a également quelque chose de très théâtral dans la mise en scène et les dialogues…

Guillaume Canet : Le fait que le film ait été écrit en trois actes et tourné dans des décors somptueux a contribué à renforcer l’aspect théâtral de nos personnages et de certains passages. Dans la mise en scène du lever et du coucher du roi, il y a aussi des éléments qui reprennent des codes du théâtre. 

Mélanie Laurent : Nous avons effectivement ressenti cette théâtralité par le biais des décors car le film a pratiquement été tourné dans l’ordre du récit. Les grandes pièces luxueuses dans lesquelles nous avons évolué au départ ont progressivement disparu du quotidien du couple royal. Après avoir pris de la distance, le regard du réalisateur est devenu très proche et très intime. C’est génial, pour un réalisateur, d’avoir des idées aussi radicales et de réussir à s’y tenir. En tant qu’acteurs, lorsque l’on est guidé par la vision d’un cinéaste, c’est très excitant. Le pire pour nous, c’est quand il n’y en a pas car on ne peut pas faire ça à leur place. 

Guillaume Canet et Mélanie Laurent dans le film Le Déluge (2024) © Fabio Lovino.

Pourriez-vous nous parler de la relation qui lie les deux personnages dans Le Déluge ? 

Mélanie Laurent : De ce que j’avais lu chez Stefan Zweig, il y avait beaucoup d’amour et de tendresse dans cette union, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les autres couples de la royauté. Cela était touchant car il n’y a pas vraiment de haine entre eux. On perçoit seulement une grande incompréhension qui peut être liée au fait qu’ils sont très différents. C’est rare de voir cela dans les films historiques. 

Vous vous donnez la réplique dans ce film après avoir joué dans Mon garçon en 2017. Comment se sont passées vos retrouvailles à l’écran ? 

Guillaume Canet : C’était génial de tourner ce film car dans Mon garçon, nous nous sommes croisés dans une seule scène et la manière dont le long-métrage était tourné était assez spéciale. Là, nous avons eu la chance d’avoir plus de temps pour partager des moments ensemble, même si nous étions aussi souvent chacun de notre côté.

Guillaume Canet et Mélanie Laurent dans le film Le Déluge (2024) © Fabio Lovino.

“La seule question que je me pose [avant d’accepter un projet] est de savoir si je vais avoir envie de revoir le film après sa sortie.” Guillaume Canet

Vous êtes tous les deux réalisateurs. Comment cette casquette impacte vos envies d’acteurs ? 

Guillaume Canet : Mon envie de tourner dans un film est toujours liée au fait de vouloir le découvrir au cinéma. Tout doit partir d’un certain désir et d’une envie de raconter une histoire. En tant qu’acteur, j’aime l’idée de me laisser embarquer par un metteur en scène. La seule question que je me pose alors, c’est de savoir si je vais avoir envie de revoir le film après sa sortie. Sinon, j’ai l’impression que cela pourrait être égoïste et assez dangereux d’avoir envie de jouer dans un film seulement parce qu’un personnage est intéressant pour moi. Si le long-métrage ne tient pas debout, on va perdre beaucoup d’énergie à tourner quelque chose que personne n’ira voir…

Mélanie Laurent : Je me rends compte qu’il y a des phases pendant lesquelles j’ai profondément envie d’écrire des scénarios. Parfois, je n’aurais que des désirs de metteur en scène et à un autre moment, ils se transformeront en désirs d’actrices. Depuis peu, j’ai seulement envie d’avoir un metteur en scène qui va me diriger. C’est rassurant de se dire qu’il y a beaucoup d’instinct dans les choix d’un réalisateur, même s’ils sont parfois très réfléchis. Je pense surtout que j’ai constamment besoin d’être surprise.

Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

Guillaume Canet : Il y a Ad Vitam, qui sortira le 10 janvier 2025 sur Netflix et dont je suis très fier. C’est une histoire d’amour dans le milieu du GIGN. Et je vais également réaliser mon prochain film au mois de février prochain. 

Mélanie Laurent : Je serais prochainement dans Qui brille au combat, le premier film de l’actrice Joséphine Japy aux côtés d’Angelina Woreth et de Pierre-Yves Cardinal. J’ai aussi tourné dans une série pour Apple TV+ avec Benoît Magimel et j’ai quelques projets d’écriture. Mais ce n’est pas pour tout de suite car en ce moment, j’ai décidé de vivre…  

Le Déluge de Gianluca Jodice, avec Mélanie Laurent, Guillaume Canet et Hugo Dillon, au cinéma le 25 décembre 2024.