23 avr 2025

Pourquoi le cinéma français ne pourra plus se passer de Kim Higelin ?

À chaque nouveau rôle, Kim Higelin impose un peu plus une présence singulière et instinctive sur le grand écran. Cette semaine, elle brille à l’affiche du film Alterlove aux côtés de Victor Poirier, une comédie romantique signée Jonathan Thaïeb. L’occasion pour Numéro de rencontrer cette jeune actrice dont la carrière ne cesse de prendre de l’ampleur.

  • propos recueillis par Nathan Merchadier.

  • La bande-annonce du film Alterlove (2025).

    Kim Higelin, une jeune actrice qu’il faut connaître

    Révélée dans le drame poignant Le Consentement (2023), qui lui vaut de compter parmi les Révélations des César en 2025, Kim Higelin impose peu à peu sa présence singulière et son visage angélique dans le paysage du cinéma français. Loin de se reposer sur les lauriers de son succès, l’actrice âgée de 24 ans enchaîne les projets avec détermination.

    Ce mercredi 23 avril 2025, elle est à l’affiche du film Alterlove de Jonathan Taïeb, une comédie romantique dans la nuit parisienne. Dans le rôle de Jade, une jeune femme sensible et en quête de repères, elle confirme son talent pour incarner des personnages denses et complexes.

    Loin des étiquettes, et notamment celle de “nepo-baby” qui lui a longtemps été attribuée, l’actrice trace sa route et nous réserve quelques beaux projets. Du film de genre Species, où elle donnera la réplique à Sami Outalbali et Karin Viard au film Que ma volonté soit faite, dans lequel elle incarnera une mère stripteaseuse aux côtés d’Élodie Bouchez et Éric Ruf. Une chose est certaine, Kim Higelin semble déjà promise à un avenir radieux… Rencontre.

    L’interview de l’actrice Kim Higelin

    Numéro : Qu’est-ce qui vous a convaincue de rejoindre le casting du film Alterlove ?

    Kim Higelin : C’est surtout le réalisateur du film qui m’a convaicu. Jonathan Taïeb m’a contacté le jour où j’ai été nommée aux César. Le lendemain matin, quand je me suis rendue à notre rendez-vous, il avait commandé du champagne et des croissants. J’ai été surprise mais aussi très vraiment excitée de faire le film avec lui.

    Comment s’est déroulé le tournage ?

    Nous avons tourné dans l’ordre chronologique et c’est un processus très rare. Comme le pari était de réaliser le film en dix jours, et avec très peu de moyens, Jonathan avait une certaine liberté pour diriger ses équipes.

    Comment décririez-vous le personnage de Jade que vous interprétez ? 

    C’est un personnage qui a tendance à imposer sa forte personnalité aux gens qui l’entourent. Elle est dans un rapport de séduction permanent, et qui s’étiole au fur et à mesure du film. Mais ça cache quelque chose de très fragile. C’est précisément cela que je trouve très joli chez elle.

    Malgré tout, on me réduit souvent à “la petite-fille de”. (…) C’est dur, mais j’essaie de me concentrer sur mon parcours, d’avancer.” Kim Higelin

    Comment avez-vous travaillé avec Victor Poirier, votre partenaire dans le film ?

    C’est un comédien sublime, et sa technique de jeu très impressionnante. À l’écran, notre rencontre a donné vie à quelque chose d’assez personnel et en même temps de très authentique.

    Il y a quelque chose de très spontané dans votre jeu. Comment avez-vous atteint ce degré de lâcher prise ?

    En général, je travaille la cohérence émotionnelle de mes personnages. Quand je répète mon texte, j’apprends d’abord une phrase, puis, je me concentre sur l’état émotionnel qu’elle me fait sentir. Je décortique ainsi la logique de mon personnage pour lui créer un système de pensée qui lui appartient.

    Un autre thème majeur du film me paraît être le dévoilement : progressivement, vos personnages révèlent leur véritable nature…

    J’ai abordé ce rôle de façon très méthodique. Pour moi, le dévoilement ne devait jamais être simultané entre les deux personnages. Quand il se montre vulnérable, elle reste en contrôle — et inversement. C’est ce jeu d’équilibre qui rend les scènes puissantes. Et puis, dans la vraie vie aussi, on se révèle à travers les autres. Certaines personnes — un amoureux, une amie — nous font découvrir des facettes de nous-mêmes que l’on ignorait. Mais en tant qu’actrice, apprendre à se dévoiler tout en gardant une part de mystère, c’est encore un vrai défi. Surtout quand on devient une figure publique : il faut doser ce que l’on montre et ce que l’on garde pour soi.

    Le Consentement était mon tout premier film, donc j’en garde un souvenir très précis. J’avais un vrai attachement à l’histoire de Vanessa Springora.” Kim Higelin

    À ce propos, était-ce difficile de grandir et d’évoluer dans une famille très médiatisée ?

    En réalité, j’ai très peu grandi avec la famille Higelin [elle est la petite-fille du chanteur Jacques Higelin et la nièce de la chanteuse et actrice Izïa Higelin, ndlr]. J’ai été élevée par ma mère, et c’est même pour cela que j’ai voulu changer de nom. Le terme “nepo baby”, je le vis très mal. C’est violent de se voir coller une étiquette et de devoir se justifier. Moi, je sais d’où je viens : j’ai payé mes cours, j’ai été serveuse et ma mère s’est sacrifiée pour que je puisse faire du théâtre. Malgré tout, on me réduit souvent à “la petite-fille de”. Même quand une interview est bienveillante, le titre efface mon prénom. Alors oui, c’est dur, mais j’essaie de me concentrer sur mon parcours, d’avancer. Et j’espère qu’un jour, on dira juste “Kim” et que ce sera suffisant.

    Dans quel contexte familial avez-vous grandi ?

    J’ai grandi au Pré-Saint-Gervais, avec ma mère, dans un cocon simple mais chaleureux. Elle est comportementaliste spécialisée dans la perte de poids. Durant mon enfance, je l’ai souvent accompagné lors de ses réunions, ce qui m’a marquée. Elle travaillait aussi comme serveuse le soir pour payer la maison. Mon père, je le voyais un week-end sur deux. Plus tard, je l’ai rejoint à Bastille pour le lycée. Finalement, c’était une enfance douce.

    En 2023, vous étiez à l’affiche du film Le Consentement. Quels souvenirs en gardez-vous ?

    C’était mon tout premier film, donc j’en garde forcément un souvenir très précis. J’ai appris à quel point ce métier demande une connexion profonde à soi. Mais au-delà du jeu, c’était un tournage très fort émotionnellement. J’ai un attachement profond à l’histoire de Vanessa Springora, à l’importance du message. Le porter à l’écran implique une responsabilité rare. Je pense que je ne revivrai jamais une expérience aussi intense.

    Aujourd’hui, quels sont les réalisateurs avec qui vous rêvez de tourner ?

    En France, je suis profondément admirative du travail de Mona Achache. Son film Little Girl Blue (2023) avec Marion Cotillard m’a bouleversée. J’aimerais aussi beaucoup collaborer un jour avec Nakache et Toledano — on avait même évoqué un projet ensemble. Ce sont des réalisateurs incroyablement généreux, qui aiment profondément le collectif et le travail d’équipe. Et je trouve que c’est rare et précieux dans ce milieu.

    Et du côté des acteurs ?

    Parmi les acteurs, j’ai une tendresse particulière pour Damien Bonnard. J’admire aussi beaucoup Karim Leklou. Son César cette année m’a fait sauter au plafond, j’étais tellement heureuse pour lui. Il est d’une sincérité rare, et dégage une forme de vérité qui me touche énormément. Et puis, bien sûr, il y a des femmes comme Leïla Bekhti, Géraldine Nakache ou Virginie Efira. Ce sont toutes des actrices qui allient puissance, nuance et humanité.

    Je crois qu’oser montrer son désir, avec honnêteté, c’est parfois ce qui fait la différence”. Kim Higelin

    Vous serez prochainement à l’affiche des films Que ma volonté soit faite et Solitaire… 

    J’ai plusieurs projets qui arrivent à la fin de l’année et j’en suis très fière. D’abord, j’ai tourné Earl Grey, un film réalisé par Ornella Pacchioni. C’est un long-métrage complètement barré et magnifique. Ensuite, je serai à l’affiche de Species, un film de genre réalisé par Marion Le Corroller, avec Sami Outalbali – que j’adore – et Karin Viard. À la fin de l’année, je vais tourner dans Solitaire, réalisé par Alexis et Diego Perrotte. Ce film raconte l’histoire d’une jeune femme en obésité morbide, obsédée par le corps des mannequins, qui avale un verre solitaire dans l’espoir de maigrir. C’est un long-métrage à la fois dur et très poétique. Et enfin, je vais jouer dans Que ma volonté soit faite, aux côtés d’Élodie Bouchez, Éric Ruf et Nemo Schiffman. Dans ce film, j’incarne une jeune maman stripteaseuse. C’est un rôle fort, complexe, très incarné.

    La diversité des personnages que vous incarnez est impressionnante. Comment choisissez-vous vos rôles ?

    Pour chacun de ces films, ce sont des personnages grâce auxquels j’explore des choses très différentes. Et c’est ce que je voulais : sortir des cases, aller chercher des identités fortes, surtout pas consensuelles. Je suis face à des comédiens que j’admire depuis toujours. Donc à chaque tournage, j’ai l’impression d’être cette petite fille qui rêvait de jouer, et qui se dit aujourd’hui : “waouh, c’est en train d’arriver”. C’est vertigineux, et c’est ce que j’aime dans ce métier.

    Lorsque l’on vous entend parler, vous semblez être animée par une immense passion. Jusqu’où seriez-vous prête à aller pour un rôle ?

    Je pense que ma plus grande limite, c’est ma timidité. Ce n’est pas vraiment de la pudeur, mais plutôt une inquiétude permanente : est-ce que je suis légitime ? Est-ce qu’on va bien m’accueillir ? Mais paradoxalement, pour un rôle, je peux aller très loin. Je me suis déjà fait noyer par un comédien, j’ai tourné dans une eau glaciale à quatre degrés sans broncher… Et récemment, j’ai dépassé toutes mes peurs pour décrocher un rôle de stripteaseuse. J’ai dit à la directrice de casting : “Je le veux. Si les réalisateurs ne sont pas convaincus, je reviens, je joue tout le scénario, je le connais par cœur.” Et finalement, ça a marché. Je crois qu’oser montrer son désir, avec honnêteté, c’est parfois ce qui fait la différence.

    Alterlove de Jonathan Taïeb, avec Kim Higelin et Victor Poirier, actuellement au cinéma.