19 sept 2024

Trash ou engagés : 5 films érotiques cultes à voir avant la sortie d’Emmanuelle

Cinquante ans après la sortie du film Emmanuelle de Just Jaeckin, adaptation du roman éponyme d’Emmanuelle Arsan, la cinéaste française Audrey Diwan propose sa propre version avec Noémie Merlant dans le rôle-titre. En attendant la sortie du long-métrage, le 25 septembre 2024, Numéro revient sur 5 films érotiques cultes, du trash de Virginie Despentes aux scènes endiablées des ballrooms de New York…

La bande-annonce d’Emmanuelle d’Audrey Diwan avec Noémie Merlant.

Audrey Diwan repense le film érotique culte Emmanuelle

Il s’agit certainement d’un des films érotiques français les plus célèbres… En 1974, Just Jaeckin réalise le film Emmanuelle, adaptation du roman éponyme d’Emanuelle Arsan et adaptation d’un scénario signé Jean-Louis Richard. Si la presse s’écharpe à la sortie du long-métrage, le succès sera pourtant au rendez-vous : cinquante millions de spectateurs à travers le monde et 112 100 000 $ engrangés au box-office.

Initialement, le film porté par l’actrice Sylvia Kristel aurait dû être censuré à plusieurs reprises par une commission. Mais le président de la République George Pompidou en exercice à l’époque disparaît la même année et Michel Guy, nouveau secrétaire d’État à la Culture se montre plus souple vis à vis de la censure potentielle des œuvres culturelles.

Cinquante ans plus tard, la réalisatrice Audrey Diwan propose sa propre adaptation d’Emmanuelle portée par l’actrice Noémie Merlant. Le synopsis : Emmanuelle, jeune femme qui vit de manière très libérée avec son mari multiplie les aventures lors d’un voyage à Hong-Kong. En attendant la sortie au cinéma de ce nouveau projet d la réalisatrice primée à la Mostra de Venise en 2021, Numéro revient sur cinq films érotiques cultes qui ont marqué l’histoire du cinéma.

Pink Narcissus de James Bidgood (1971).

1. Le plus kitsch : Pink Narcissus de James Bidgood (1971)

Clope au bec, regard dans le vide, Bobby Kendall s’abandonne au jazz de Kay Kyser, craché par un gramophone. Il fait sauter sa braguette, se jette sur son lit, caresse lentement son torse, puis son sexe, encore dissimulé par un caleçon blanc. Mais alors que la tension érotique s’élève, il s’interrompt. Il pivote sur le ventre et, face à un miroir, se contemple…

Fantasme narcissique pour les uns, manifeste de la culture queer pour les autres, le Pink Narcissus de James Bidgood est toujours resté une œuvre marginale. Né en 1933 à Madison dans le Wisconsin, le photographe est à l’avant-garde de l’esthétique gay en technicolor.

Celui qui influencera plus tard les artistes Pierre et Gilles réalise son plus grand projet en 1971. Tourné avec un budget dérisoire dans son propre appartement pendant plus de sept ans, Pink Narcissus, sorte de conte kitsch aux couleurs brûlantes, suit un jeune gigolo qui s’invente un monde dont il est le héros. Sous la pression des financiers, James Bidgood sort un long-métrage inachevé. Il ne signera finalement jamais ce film de son nom.

Un extrait du documentaire Arakimentari de Travis Klose (2003)

2. Le plus barré : Arakimentari de Travis Klose (2003)

Héros de la contre-culture japonaise, Nobuyoshi Araki parcourait les rues de Tokyo comme une rock star. Il arpentait les bars et les clubs de strip-tease, rencontrait des geishas et des prostituées, collaborait avec des magazines S&M et prenait des photos de la nature la plus suggestive.

Une langue sur un pénis flou et le sexe féminin dévoré par une mosaïque, comme un journal de voyage lascif, le livre Tokyo Lucky Hole (1997) condense les fantasmes du photographe en 800 clichés. Habitué des clubs les plus subversifs, Araki avait tout le temps d’immortaliser les jeunes femmes et leurs cris d’extase, les yeux révoltés des voyeurs et l’esprit libertaire d’une époque révolue.

En 2003, un documentaire de 85 minutes nous plonge dans la psyché du photographe légendaire. Le réalisateur Travis Klose a passé un mois à Tokyo avec Nobuyoshi Araki, une dynamo humaine. Arakimentari est le fruit de ses observations.

La bande-annonce du Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi (1999).

3. Le plus trash : Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi (1999)

Rendue célèbre grâce à l’immense succès rencontré par son personnage de Vernon Subutex, l’écrivaine Virginie Despentes a, dès ses débuts, fait irruption dans la littérature française par ses mots crus, sa radicalité et son propos volontairement trash.

En 1999, elle adapte son roman sulfureux Baise-moi au cinéma avec Coralie Trinh Thi. Le long-métrage crée la controverse. Dans ce road-movie où les scènes de sexe ne sont pas simulées, deux nanas explosives – une prostituée et une actrice X –, règlent leurs problèmes à coup de 9 mm.

Les uns affirment que Virginie Despentes filme le désespoir avec justesse : la pornographie sert le discours de son œuvre hyper réaliste sans être malsaine. D’autres verront au contraire en Baise-moi un revival hard et morbide de Thelma et Louise, condensé de subversion bas de gamme à grand renfort d’hémoglobine injustifiée.

Je, tu, il, elle de Chantal Akerman (1974).

4. Le plus vrai : Je, tu, il, elle de Chantal Akerman (1974)

Cloîtrée dans sa chambre minuscule, comme séquestrée par un plan fixe, Julie se gave de sucre en poudre et s’efforce de rédiger une lettre qu’elle ne finira jamais. Elle est le “Je” qui s’adresse au “Tu” invisible mentionnés dans le titre du film. Plus tard, elle quitte sa chambre et rencontre “Il” (Niels Arestrup), avant de tomber dans les bras d’“Elle (Claire Wauthion)…

C’est en 1974, à l’âge de 24 ans, que la jeune Chantal Ackerman se lance dans Je, tu, il, elle, récit sentimental troublé où elle démolit la narration à coups de monologue et de plans séquences. Un film en noir et blanc à la lenteur somptueuse. Parfois qualifié d’égocentrique – Akerman se glisse dans la peau du Je –, ce long-métrage en trois parties a été tourné en huit jours avec un budget d’à peine 7 000 euros. Ici, il est question de “rapports”, dans tous les sens du terme.

Si le cadrage et la lumière conversent, finalement, davantage que les personnages, Chantal Akerman s’impose comme une cinéaste du vrai qui fabrique “l’effet réel”. L’apogée du film : une scène de sexe lesbien intense où les respirations érotiques ont des allures de dialogue. Sur le lit défait, le roulé-boulé lamentable des deux femmes génère un effet de réalisme justement par son manque d’esthétisme.

Dans cette étreinte ardente, presque féroce, elles s’enlacent pour s’appartenir, bien loin des lolitas aux poses lascives. “Dire que Julie est homosexuelle serait l’enfermer là-dedans, et si la scène d’homosexualité est particulièrement violente, c’est que l’amour est violent, c’est tout. Je présente l’amour aussi simplement et naturellement que s’il s’agissait d’un rapport entre un homme et une femme, expliquait Chantal Akerman, qui s’est suicidée en 2015 à l’âge de 65 ans. Elle laisse derrière elle cet extraordinaire film expérimental, une révolution visuelle, et sexuelle.

5. Le plus en vogue : Kiki de Sara Jordenö (2016)

Peu importe ce qu’ils font, peu importe ce qu’ils disent, peu importe ce qu’ils pensent. Ils sont beaux. Évoquer le Vogue de Madonna et son “strike a pose” scandé en 1990 relève de l’évidence. Pour beaucoup, l’hommage de la pop star au voguing, cette fameuse danse imitant des poses de shooting mode, aura participé à démocratiser ce courant.

Même si, pour certains, citer Madonna relève de l’hérésie : sous couvert d’hommage, la chanteuse se serait en effet réapproprié la culture ballroom des seventies, née dans les bas-fonds de New York et liée aux communautés latino et afro-américaine LGBT, qui étaient encore opprimées. Dans la lignée du Paris is Burning de Jennie Livingston (1990), le documentaire Kiki de Sara Jordenö – coécrit avec l’artiste américain Twiggy Pucci Garçon et présenté au festival Sundance en 2016 –, nous invite au sein d’une micro-société, sous-culture artistique activiste nommée “Scène Kiki”. 

Signant un véritable manifeste pour la tolérance, la réalisatrice suédoise braque ici sa caméra sur des individus flamboyants qui, pour quelques heures, abandonnent leur état civil pour se projeter dans une identité qu’ils façonnent en toute liberté selon leur désir. En justaucorps ou en costume trois pièces, tantôt divas extravagantes tantôt seigneurs queer chics aux cils recourbés, les performeurs s’adonnent à des défilés multicolores endiablés. Il se prennent alors à rêver d’un monde où il ne seront jamais jugés pour ce qu’ils sont.

Emmanuelle (2024) d’Audrey Diwan, avec Noémie Merlant, au cinéma le 25 septembre 2024.