Denis Villeneuve : les secrets du réalisateur du monumental Dune : deuxième partie
Ce vendredi 4 octobre 2024, le film Dune, deuxième partie de Denis Villeneuve, adaptation du roman culte de Frank Herbert au casting démentiel (Timothée Chalamet, Zendaya) est diffusé sur Canal+. L’occasion de se pencher sur la carrière de ce réalisateur québécois ambitieux de 57 ans qu’Hollywood s’arrache.
par Violaine Schütz.
Des références pop inattendues dans le film Dune
Dans le monumental Dune (2021) de Denis Villeneuve, chaque détail compte. À commencer par les costumes… Les vêtements du personnage du Baron Harkonnen (Stellan Skarsgård) est par exemple inspiré de Marlon Brando dans le film Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, qui n’est autre que l’une des œuvres fétiches de Denis Villeneuve.
Autre référence à la pop culture ? Jacqueline West, en charge des étoffes du film, a décidé de faire un clin d’œil aux Spice Girls en imaginant des tenues de dames de compagnie de Dame Jessica (Rebecca Ferguson) aux couleurs d’épices (celles du marché de Marrakech). Une allusion surprenante ? Pas tant que ça, puisque Denis Villeneuve s’endort en écoutant du Leonard Cohen et qu’il s’est fait la main à ses débuts en tournant le clip d’un rockeur canadien. La musique a donc toujours eu une importance primordiale pour lui.
Dans le film Dune, deuxième partie, avec Timothée Chalamet, Zendaya, Léa Seydoux et Austin Butler, l’importance de la musique dans l’œuvre de Denis Villeneuve se confirme. D’abord par le rôle essentiel joué par la BO signée Hans Zimmer mais aussi par la scène où Josh Brolin chante et joue de la guitare à bord d’un vaisseau.
Les débuts étonnants de Denis Villeneuve
Avant ses études en cinéma à l’Université du Québec à Montréal, Denis Villeneuve s’est d’abord intéressé aux sciences de la nature en suivant des cours dans une institution post-secondaire (formation en trois ans propre au système éducatif canadien). Son rêve ? Devenir biologiste. Toujours dans un esprit “nature et découvertes”, le cinéaste a accompagné dans le Grand Nord canadien Pierre Perrault, figure du “cinéma direct” (catégorie du cinéma documentaire), – pour réaliser son film Cornouailles (1994).
Pendant 120 jours, l’équipe a étudié les bœufs musqués de la région afin de mieux cerner leurs comportements et la rivalité qui règne entre eux. Le film s’attarde aussi sur plusieurs espèces végétales et animales méconnues. C’était bien longtemps avant les incursions de Denis Villeneuve dans le désert de Dune, dont les tournages en décors réels ont eu lieu en Hongrie, en Jordanie, à Abu Dhabi et en Norvège. D’ailleurs, pour lui, “un film, c’est comme un voyage. On plonge, on s’imbibe et l’on finit par s’apercevoir que certaines choses sont plus fortes que d’autres” confiait-il au Figaro.
Prisoners, Enemy… Des films à la portée métaphysique
Qu’ils aient des allures de blockbusters ou d’opus plus indépendants, les films du réalisateur québécois possèdent souvent une portée métaphysique. Le titre du film Prisoners (2013) avec Jake Gyllenhaal peut être vu comme une référence au milieu carcéral, mais Denis Villeneuve le décrit aussi ainsi : “Chaque personnage du film est, d’une manière ou d’une autre, prisonnier des circonstances, de ses propres démons ou de la peur. Chacun doit faire face à un emprisonnement qui lui est propre, et va devoir se battre pour retrouver la liberté.”
Premier Contact (2016) avec Amy Adams revêt une dimension philosophique dans sa mise en scène de l’altérité extrême (les extraterrestres) tandis qu’Enemy (2013) évoque le roman de Dostoïevski Le Double, dont le personnage est perturbé par la rencontre de son sosie. Quant à Sicario (2015), un film sur le trafic de drogues au Mexique dans lequel figure Benicio Del Toro contient de profondes réflexions sur le mal et Dune, des pensées sur l’écologie.
Blade Runner 2049 n’était pas une évidence
Sorti en 2017, Blade Runner 2049 est l’un des plus gros succès critiques de Denis Villeneuve, même s’il n’enregistra que 260 millions de dollars de recettes au box-office (il coûta 150 millions à réaliser). Pourtant, le réalisateur n’était au départ pas emballé par l’idée de donner une suite au Blade Runner original signé Ridley Scott. Il avait peur de dénaturer l’œuvre cyberpunk culte. Mais, après avoir lu le scénario, il a changé d’avis, trouvant qu’il s’agissait là d’un des meilleurs scripts qu’il ait jamais lu. Ce n’est pas le seul qui a hésité à rejoindre l’aventure. Ryan Gosling, qui incarne le héros du film, était frileux à l’idée de tourner dans un film à gros budget.
Il a déclaré à Entertainment Weekly avoir accepté parce que Blade Runner est un film “riche, mélancolique, romantique ». Il explique : « La frontière entre les héros et les méchants était tellement floue… Ce n’est pas un voyage héroïque, en aucune façon. (…) Sur le plan thématique, il y a tellement de choses dans le film en plus ! (…) Tant d’autres films ont volé des idées à Blade Runner, mais ils ne pourraient jamais voler son âme.”
La présence d‘Harrison Ford, qui jouait déjà dans le premier Blade Runner datant de 1982, l’a aussi convaincu d’accepter le projet. En revanche, pour le rôle joué par Jared Leto, Denis Villeneuve voulait au départ David Bowie. Malheureusement, le chanteur fut dans l’incapacité d’accepter ce rôle, souffrant alors d’un cancer qui l’épuisait.
Un goût pour la véracité et beaucoup d’exigence
S’il excelle dans le fantastique et la SF, Denis Villeneuve a aussi des ambitions de crédibilité. Il évite par exemple le plus possible les fonds verts. Pour que l’on croit plus facilement à l’histoire sombre de Sicario, le scénariste Taylor Sheridana ainsi réalisé un véritable travail de journaliste d’investigation.
Il a interrogé des immigrés vivant dans le désert de Chihuahua (qui s’étend au Mexique et aux États-Unis), gagnant la confiance de ceux qui sont tous les jours en prise avec les cartels. Denis Villeneuve est tout aussi exigeant sur la véracité de ce qu’il tourne que sur la qualité de ses images souvent très inventives. Déçu par ses premiers films des années 90, il a pris un long congé sabbatique pour devenir père au foyer et élever ses trois enfants.
Le réalisateur, qui devait initialement se pencher sur l’adaptation du roman Nuclear War : A Scenario d’Annie Jacobsen pour son prochain film, va finalement enclencher la production de Dune, troisième partie (Dune : Messiah) dès 2025.
Dune, deuxième partie (2024) de Denis Villeneuve, avec Zendaya et Timothée Chalamet, diffusé le 4 octobre 2024 sur Canal+.