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De Charmed à l’affaire Weinstein, qui est l’actrice Rose McGowan ?
L'actrice Rose McGowan est aujourd'hui l'un des rouages de l'affaire Weinstein, accusant les acteurs Ben Affleck, Matt Damon et le PDG d'Amazon Jeff Bezos d'avoir gardé le silence. Retour sur l'entretien que l'héroïne de la série Charmed accordait à Numéro.
Par Olivier Joyard.
C’est comme compagne de Marilyn Manson et comme héroïne de la série Charmed que Rose McGowan a d’abord conquis sa célébrité. Mais cette actrice aussi charismatique que sauvage s’est surtout illustrée par ses rôles auprès de réalisateurs underground ou cinéphiles, de Gregg Araki à Quentin Tarantino, avant, à son tour, de prendre la caméra en tant que réalisatrice. Elle est aujourd'hui l'un des rouages de l'affaire Weinstein, accusant les acteurs Ben Affleck, Matt Damon et le PDG d'Amazon Jeff Bezos d'avoir gardé le silence. Bannie de la twittosphère, Rose McGowan se veut le porte étendard d'un mouvement de femmes. Elle a décidé d'en finir définitivement avec la dictature masculine de Hollywood qui s'autorise parfois toutes les exactions.
“Vous savez, j’ai arrêté d’être actrice pendant sept ans.” La femme menue et déterminée qui se tient face à nous dégage une aura immédiate. Un mystère. Rose McGowan aurait pu être une héroïne intemporelle et blessée de David Lynch, mais elle n’a jamais croisé la route du gourou filmique de Los Angeles. Depuis les années 90, elle a préféré mûrir sa carrière dans les limbes du cinéma américain le plus fou, notamment celui de Gregg Araki, son découvreur, celui qui a vu en elle le premier rôle de The Doom Generation, manifeste pop et romantique qu’il a signé en 1995. À l’époque, Rose McGowan n’avait pas encore de but dans la vie et brillait par son jeu spontané et profond. Elle raconte sans détour les circonstances dans lesquelles elle avait été repérée par la productrice du film, en Californie. “Elle m’a vue à un coin de rue. Je pleurais, car mon petit ami venait d’être assassiné un mois plus tôt. Je regardais dans le vide. J’avais besoin d’argent pour louer un appart, alors j’ai accepté de jouer dans le film. C’est comme ça que je suis devenue actrice. Je n’avais aucune ambition, aucun plan. J’habitais chez un ami, je dormais sur son canapé et m’apprêtais à retourner vivre à Seattle avec mon père. Mais je n’aime pas cette ville alors je suis restée à Los Angeles.”
“La caméra a longtemps été un prédateur, un juge, un adversaire.”
La trajectoire n’a jamais été rectiligne pour Rose McGowan, née en Italie dans les années 70 alors que ses parents appartenaient à ce qui est aujourd’hui considéré comme une secte, Les Enfants de Dieu, organisation chrétienne qui comptait nombre d’anciens hippies rescapés des sixties. Pendant cette période de vie en communauté, elle a débuté une carrière de modèle avant de revenir aux États-Unis à l’âge de 10 ans. Cinq ans plus tard, elle demandait son émancipation. De cette enfance dont elle ne dit pas tout, l’actrice tire un rapport singulier au cinéma. “Quand j’étais petite, je pensais qu’une caméra invisible me suivait partout. Je ne me curais jamais le nez, je n’entreprenais rien de bizarre par peur d’être prise sur le fait. Le cinéma était très présent dans nos existences car mon père nous emmenait voir des films classiques. J’ai vu la mélancolie de Boulevard du crépuscule à l’âge de 4 ans. Tout cela a peut- être joué dans le fait que pour moi, la caméra a longtemps été un prédateur, un juge, un adversaire.”
Cet adversaire, Rose McGowan a réussi à l’affronter et finalement à le dompter. Figure post-adolescente dans des produits hollywoodiens survitaminés comme Scream en 1996 ou Jawbreaker en 1999, elle a ensuite été associée au duo Robert Rodriguez-Quentin Tarantino à travers un rôle majeur dans le diptyque Planète Terreur-Boulevard de la mort (2007) où sa personnalité détonante et son charme lascif ont fait merveille. Mais sa célébrité est née d’autres cieux. Les journaux et les premiers sites people ont découvert sa mine provocante à la fin du siècle dernier, quand la brune est apparue au bras de Marilyn Manson. Celui-ci n’était alors pas encore une caricature de lui-même, mais un garçon aussi sauvage qu’elle. Ensuite, c’est en participant à la série teen fantastique Charmed (huit saisons sur la chaîne WB entre 1998 et 2006) que Rose McGowan est réellement devenue une star – ses 880 000 abonnés sur Twitter s’en souviennent encore. Apparue lors de la quatrième saison (2001), elle y est restée jusqu’au bout. Tout au long de sa carrière et particulièrement dans cette série, Rose McGowan a donné l’impression de ne pas être dupe, prête à pervertir de l’intérieur une imagerie trop mainstream. “J’ai toujours considéré que jouer était une manière de me cacher en pleine lumière, explique-t-elle. J’ai été moi même, mais sans le dire vraiment.”
“Quand j’avais un peu plus de 20 ans, une femme agent m’a dit de me laisser repousser les cheveux parce que je devais avoir l’air “baisable””
Sur Charmed, Rose McGowan s’est cachée longtemps, jusqu’à ressentir l’épuisement que procure le rythme du petit écran. “On travaille entre quatre-vingts et cent heures par semaine pour produire 24 épisodes par saison. Quand cela dure cinq ans, c’est invivable. On tourne l’équivalent de la moitié d’un film en huit jours. Le cameraman s’endort pendant une scène, tout le monde devient gris et malade… Je ne voulais pas être fausse, même dans cet univers-là, donc ça m’a pris beaucoup d’énergie.” Victime d’un accident de la route qui lui a presque coûté un œil en 2007, la jeune femme a, depuis, mis un frein à ses activités d’actrice – même si elle ne souffre d’aucune séquelle.
Rose McGowan voue un tel amour au cinéma classique américain qu’elle affirme “vivre avec des fantômes”, ceux de Fritz Lang, de Robert Mitchum et de Billy Wilder, ses figures favorites. Elle a vécu plusieurs mois à l’emblématique hôtel Chateau Marmont, a présenté une émission sur une chaîne du câble consacrée à l’histoire de Hollywood. Elle a commencé à réaliser elle-même des films. En 2014, son élégant court-métrage Dawn était présenté au Festival de Sundance. Et elle a même signé pour réaliser un thriller, The Pines, son premier long-métrage. Ses années d’actrice sont probablement derrière elle. “J’ai compris que l’industrie avait fait de moi un produit, que cette façon de me considérer avait même infecté mon cerveau. Je suis donc partie. Mais j’ai des histoires à raconter. Alors je reviens, mais comme réalisatrice. Si j’arrête de jouer, c’est parce que je ne peux plus vivre avec les mots des autres qui sortent de ma bouche. Ça m’a rendue folle. Imaginez, vous allez au travail, et tout ce que vous exprimez a été écrit par quelqu’un d’autre. Je ne déteste pas le fait de jouer, je pense simplement que je me suis trompée de métier. Je ne veux plus être maltraitée par un réalisateur.” Avant de prendre congé, la pétillante quadragénaire raconte une anecdote. “Un jour, quand j’avais un peu plus de 20 ans, une femme agent m’a dit de me laisser repousser les cheveux, que j’avais coupés à la garçonne, parce que je devais avoir l’air ‘baisable’, selon ses propres termes.”