Rencontre avec Charlotte Le Bon : “On me proposait trop de rôles de femme sympathique”
Pour son premier long-métrage, en salle le 9 octobre, Céline Sallette propose à l’actrice québécoise Charlotte Le Bon d’endosser le rôle de la célèbre artiste Niki de Saint Phalle. Le film, sobrement intitulé Niki, est consacré à la première partie de sa vie. Numéro avait rencontré la comédienne cette année, lors du Festival de Cannes.
propos recueillis par Alexis Thibault.
En salle le mercredi 9 octobre, le premier long-métrage de Céline Sallette, Niki, s’intérésse à la première partie de la vie de la célèbre artiste Niki de Saint Phalle, installée à Paris avec sa fille et son mari dans les années 50. Niki, qui a grandi à New York, se voit régulièrement ébranlée par des réminiscences de son enfance qui envahissent ses pensées, notamment les souvenirs traumatiques des violences sexuelles qu’elle a subi plus jeune…
Depuis l’enfer qu’elle va découvrir, elle trouvera dans l’art une arme pour se libérer. Présenté au Certain Regard lors du dernier Festival de Cannes, ce biopic met en lumière une Charlotte Le Bon éblouissante. Numéro avait eu l’occasion de discuter de ce rôle avec elle.
L’interview de l’actrice Charlotte Le Bon qui incarne l’artiste Niki de Saint Phalle dans Niki
Numéro : Comment pourriez-vous convaincre un jeune cinéphile d’aller voir Niki, le premier film de Céline Salette au cinéma ?
Charlotte Le Bon: J’ai parfois l’impression de voir à travers certains films une espèce de nécessité de trouver quelque chose, de faire des plans très ambitieux… et on oublie un peu l’humanité à travers tout ça. Je trouve que c’est un film qui est profondément humain, qui est hyper sincère. Pour moi, ce sont les plus grands films. C’est un film sans artifices et c’est ça qui me plaît.
Est-il plus complexe d’incarner un personnage historique au cinéma ?
C’était un défi monstrueux, évidemment, parce que Niki de Saint Phalle a traversé des choses extrêmement difficiles, mais en même temps, c’était un défi extraordinaire, parce que c’est un rôle qui est tellement dense, tellement complexe. Ça me permet de pouvoir explorer plein de parties de moi. Et c’est pour cette raison que j’ai envie de continuer à faire ce métier, parce qu’il y a très peu de choses qui m’excitent en ce moment. J’avais l’impression que, durant une grande partie de ma carrière, on me proposait souvent des rôles de jeunes femmes raisonnables et sympas. Et il n’y a rien de raisonnable chez Niki, en fait. Et c’est ça que j’adore !
“Si je la rencontrais, je pense que j’aurais simplement envie de lui faire un câlin et de lui dire merci.” Charlotte Le Bon
Êtes-vous désormais incollable sur sa vie ?
Avant de commencer le tournage, je me suis énormément nourrie. C’est-à-dire que j’ai regardé tous les documentaires que je pouvais trouver. J’ai lu toutes les autobiographies qu’elle avait écrites. Je me suis plongée dans son travail. J’ai essayé de comprendre comment elle l’avait créé. Et puis, j’ai énormément écouté sa voix, en boucle dans ma voiture pour comprendre sa musicalité. Mais au début du tournage j’ai décidé de tout oublier : si on s’accroche à ces trucs-là, on se met trop de pression et on n’arrive pas à toucher à sa propre vérité. Et c’est la seule chose avec laquelle on peut jouer.
Si vous aviez l’occasion de la rencontrer, quelles questions lui poseriez-vous ?
J’ai l’impression qu’elle a déjà dit beaucoup de choses… Je pense que j’aurais vraiment juste envie de la regarder. J’ai beaucoup d’amour pour elle. J’ai vraiment l’impression qu’elle était là, avec nous, pendant le tournage. Tout était très fluide. C’était un tournage un peu magique rempli d’amour et de bienveillance. J’ai rarement vécu ça sur un plateau. C’est vraiment ma plus belle expérience de tournage. Si je la rencontrais, je pense que j’aurais simplement envie de lui faire un câlin et de lui dire merci.
“Niki de Saint Phalle était d’une modernité folle parce que c’était une femme des années 50 et 60 qui refusait le rôle de femme au foyer ou de simple mère.” Charlotte Le Bon
Niki a été présenté comme un film féministe. Qu’en pensez-vous ?
Je trouve ça dommage de le limiter à cela. Pour moi, c’est l’histoire d’une quête, voire même d’une conquête. C’est vraiment l’histoire d’un humain qui a traversé des choses extrêmement difficiles et qui, à travers ça, a essayé de trouver des réponses et des solutions pour pouvoir essayer de dompter ses propres démons. Je pense que c’est quelque chose qui est extrêmement humain. Après, évidemment, Niki de Saint Phalle était d’une modernité folle parce que c’était une femme des années 50 et 60 qui refusait le rôle de femme au foyer ou de simple mère. Elle avait envie de dire énormément de choses et elle ne s’est pas limitée parce qu’à l’époque, on lui disait qu’il fallait qu’elle garde sa place de femme.
Quelle était la scène la plus éprouvante à tourner ?
Une scène surprenante était celle où je crée un tableau avec la chemise d’un amant. Sur le papier, une scène plutôt joyeuse, euphorique. Le personnage vient de trouver une idée, c’était assez positif mais ça s’est transformé en une scène plus ambivalente. Moi-même, je me suis vue habiter de sentiments que je ne soupçonnais pas. Il y a des choses qui sont remontées alors que je ne m’y attendais pas. Et c’est un moment, je trouve, assez cathartique dans le film. Et puis ça, c’est vraiment juste arrivé, en fait. On ne pouvait pas le prévoir.
Niki (2024) de Céline Salette avec Charlotte Le Bon, actuellement au cinéma.