15 fév 2024

Barbie : faut-il voir le film très rose avec Margot Robbie ?

Quelques mois après sa sortie au cinéma et un déluge de marketing rose, le long-métrage Barbie, débarque sur Canal+ le 16 février 2024. Le film est une farce aussi esthétique que caustique et féministe avec une Margot Robbie stupéfiante dans le rôle de la célèbre poupée Mattel et un Ryan Gosling hilarant en Ken. Mais Greta Gerwig, sa réalisatrice, n’en fait-elle pas trop ?

Margot Robbie dans Barbie.
Margot Robbie dans Barbie (2023).

Après avoir été l’héroïne de nombreux dessins animés pour enfants, la poupée Barbie débarquait enfin – après un battage médiatique démentiel – le 19 juillet 2023 dans un long-métrage en live action, soit tourné en prises de vue réelles, avec des acteurs en chair et en os. Et pas n’importe lesquels. L’actrice Margot Robbie, qui étincelait dans le film de Damien Chazelle Babylon (2023), campe le rôle de la jolie poupée créée par Mattel en 1959 et coproduit le film avec sa société LuckyChap Entertainment intitulé Barbie. De quoi laisser présager un divertissement plus subtil que les photos robe bonbon tirées du film, ainsi qu’un lifting girl power. Une impression en partie confirmée.

1. Un film réalisé par Greta Gerwig qui offre une vision décalée et féministe du mythe Barbie

Réalisé par Greta Gerwig (Lady Bird, Les filles du Docteur March) et scénarisé par Noah Baumbach (Marriage Story, Frances Ha), Barbie, diffusé ce vendredi 16 février 2024 sur Canal+, est, comme annoncé plus tôt dans les interviews de la cinéaste et de Margot Robbie, caustique, drôle et décalé, ne délaissant pas le fond au profit de la forme. On y suit une Barbie stéréotypée (la parfaite Margot Robbie) qui vit dans l’idyllique Barbieland et mène une existence réglée comme une horloge (entre fêtes chorégraphiées et virées à la plage) avant de découvrir des dysfonctionnements chez elle. Pensées morbides, mauvaise haleine, pieds plats (et non cambrés comme ceux des célèbres poupées), la voici face à de nombreux drames, dont, celui de l’apparition de cellulite sur sa jambe.

La poupée « déchue » doit alors se rendre dans le monde réel pour retrouver quelle personne joue avec elle afin de redevenir normale. Sauf que lorsque Barbie et Ken (l’hilarant Ryan Gosling dont les mimiques rappellent celles de Jim Carrey) arrivent dans le monde réel, rien ne se passe comme prévu. Barbie est regardée comme un objet et traitée de fasciste par une ado tandis que Ken découvre, épaté, le patriarcat. Il veut alors l’importer dans la société matriarcale de Barbieland. L’univers de Barbie devient alors le royaume des hommes, à l’image de notre société. Et le théâtre d’une vraie guerre des sexes.

On découvre ainsi une fable (voire une farce) à la fois féministe, étrange et critique qui aborde les aspects positifs de la poupée Barbie – elle est censée donner envie aux petites filles de devenir présidente ou Prix Nobel – et négatifs et aliénants de celle dont les courbes filiformes irréelles et le côté très genré ont été vilipendés par les féministes. Le long-métrage entend, ce faisant, plaire à la fois aux fans de l’univers artificiel de Barbie, comme aux détracteurs de ce vecteur de féminité cliché, fonctionner comme une satire tout en étant un film de marque (Mattel).

Le pari est dans l’ensemble réussi, et au passage, Greta Gerwig se permet de délivrer un message sur notre société moderne, faite de perfection truquée (l’ère d’Instagram et des filtres), de culte de l’apparence et de demandes contradictoires faites aux femmes. On regrette par contre que le scénario s’avère parfois un peu basique, didactique et simpliste. Si la démarche de la réalisatrice se révèle le plus souvent jouissive, surtout quand elle met en scène les dirigeants de Mattel – tous des hommes-, des longueurs  se font aussi sentir, surtout dans la deuxième partie du film, quelque peu répétitive. 

Margot Robbie dans Barbie.
Margot Robbie dans Barbie (2023).

2. Barbie, une comédie fun, girlie et intelligente dans la lignée de La revanche d’une blonde

La première scène de Barbie plante brillamment le décor de ce film de ce divertissement régressif ambitieux, burlesque et absurde. On y voit des petites filles en train de jouer avec des poupons avant de les jeter dès qu’elles voient arriver la poupée géante en maillot rétro rayé noir et blanc et sandales à talons – soit la tenue de la toute première Barbie des années 50 – incarnée par l’héroïne de Suicide Squad (2016). On décèle dans ces images une référence malicieuse au mythique 2001, L’Odyssée de l’espace (1968) de Stanley Kubrick. Cette séquence spectaculaire et cinglée, filmée comme un documentaire à vertu sociologique mêlé à de la science-fiction, indique d’entrée de jeu que Barbie est une sorte de piège, un bonbon acidulé au poivre. Greta Gerwig dit s’être inspirée de Jacques Demy, de Jacques Tati, du Magicien d’Oz, de The Truman Show et de Chantons sous la pluie lors de la conception de son film. Mais son long-métrage conceptuel, malin et plein de fantaisie évoque, dans ses thématiques, Matrix,et, dans son esthétique, marche sur les stilettos des comédies aussi girlie que lookées, pop, ironiques et intelligentes des années 90 et 2000 : Clueless (1995) et La revanche d’une blonde (2001) en tête.

Margot Robbie dans Barbie.
Margot Robbie dans Barbie (2023).

3. Margot Robbie et Ryan Gosling, les acteurs drôles et attachants de Barbie

Au générique du film qui était très attendu, comme son grand rival Oppenheimer qui sortait le même jour sur les écrans, la très glamour Margot Robbie – qui devient grâce à Barbie l’actrice la mieux payée d’Hollywood – excelle. Sublime, attachante et émouvante, elle incarne une poupée asexuée post-#MeToo en pleine crise existentielle, en quête d’identité et bien plus humaine et sensible qu’il n’y paraît. Serait-ce une métaphore de sa carrière d’actrice ? Margot Robbie, qui affiche une plastique de poupée, a beaucoup travaillé et casser son image avec des prestations déjantées pour obtenir des rôles plus tragiques et complexes que ceux de ses débuts.

Quant à Ryan Gosling (qui représentera le film Barbie auxOscars 2024), il s’avère très amusant en Ken à tablettes de chocolat apparentes et tenues kitsch qui n’existe que via le regard de Barbie avant de se rebeller pour s’affirmer sans ce female gaze oppressant. Même si ses numéros chantés et dansés tirent un peu sur la longueur. Aux côtés de ce couple d’acteurs stars, Barbie réunit un casting judicieux qui cabotine avec joie. On retrouve en effet la chanteuse Dua Lipa, l’hilarantWill Ferrell (Frangins malgré eux, Elfe), la magnétique Emma Mackey (Sex Education, Eiffel), qui a beaucoup été comparée physiquement à Margot Robbie, Hari Nef (The Idol), America Ferrera (Ugly Betty) en humaine, Kate McKinnon (Scandale) en « Barbie bizarre » ou encore Issa Rae (Insecure) en Barbie présidente. Hélas, aucun ne parvient vraiment à tirer son épingle du jeu, malgré leurs facéties.

Margot Robbie dans Barbie.
Margot Robbie dans Barbie (2023).

4. Une BO pleine de stars de la musique, de Billie Eilish à Nicki Minaj

La musique occupe une grande place dans le film Barbie, qui prend souvent des airs de comédie musicale. Dua Lipa joue une Barbie sirène dans le film, mais elle a aussi enregistré le morceau acidulé Dance the Night. Ce mini-tube addictif qui ressemble beaucoup à l’ADN rétro-futuriste du dernier album de la chanteuse, Future Nostalgia (2020) accompagne une scène de fête dans la maison de Barbie de Margot Robbie. Le reste de la BO est aussi explosif puisqu’on y retrouve Mark Ronson, Tame Impala, Haim, Charli XCX, Lizzo, Nicki Minaj (qui offre une relecture du hit acidulé Barbie Girl (1997) d’Aqua avec Ice Spice)PinkPantheress, Billie Eilish et – surprise – Ryan Gosling au chant (qui excelle). Et à la guitare.

Barbie.
L’une des affiches de Barbie (2023).

5. Des looks Chanel et des décors très sophistiqués (et roses) 

Plusieurs mois avant la sortie du film en juillet 2023, on était submergé d’images des acteurs du film en jouets plus vrai que nature dans plusieurs bandes-annonces délirantes et grandiloquentes, sur les tapis rouges et sur les photos promotionnelles très roses de Barbie. Jusqu’à l’overdose ? Heureusement, le film est à la hauteur de ses ambitions. Un soin particulier a été accordé aux décors du long-métrage, à tel point que le futur blockbuster a créé une épidémie mondiale de peinture rose de la marque Rosco. 

La maison habitée par la poupée semble s’avère impressionnante, avec son toboggan et ses mini frigos, comme si la maison de Barbie avait été agrandie par magie. Quant aux vêtements portés par les acteurs, ils sont à la fois rétro et ludiques à l’image de la robe vichy de Margot Robbie, La costumière du film, la Britannique Jacqueline Durran, a imaginé une centaine de looks pour les personnages, dont quarante pour Margot Robbie. Et pour ce faire, celle qui a travaillé sur Les Filles du docteur March de Greta Gerwig, Spencer et The Batman, s’est inspirée de stars du passé comme Brigitte Bardot et de tenues véritablement portées par les Ken et les Barbie des décennies précédentes. Et quand il ne s’agit pas de créations réalisées l’équipe du film, les tenues portées par Margot Robbie sont souvent sigléesChanel

Cinq silhouettes créées par Virginie Viard sont visibles dans le film avec des sacs, des bijoux et d’autres accessoires issus notamment de la collection Coco Neige. Dans une interview datant de juin 2023, l’actrice a déclaré : « Vous verrez beaucoup de Chanel, les Barbie aiment CHANEL ! J’ai eu la chance de porter dans le film de très belles tenues de Chanel. Barbie a tous les accessoires : il y a toujours un chapeau ou un nœud et des boucles d’oreilles et autres bijoux. Les bijoux sont surdimensionnés, comme sur une poupée. Les chapeaux ne sont jamais là pour protéger du soleil, ils sont purement décoratifs, comme les sacs, souliers et tout le reste ! C’était très amusant. » Une chose est sûre, avec la sortie en salles du long-métrage, la tendance Barbiecore devrait encore connaître un bel engouement. Et les ventes – en chute libre – de la poupée iconique devraient de nouveau voir la vie en rose.

Barbie (2023) de Greta Gerwig, avec Margot Robbie et Ryan Gosling, diffusé ce vendredi 16 février 2024 sur Canal+.