“Squid Game” : de quoi est fait le succès phénoménal de la série Netflix sud-coréenne ?
Depuis son lancement le 17 septembre 2021, l’efficace et cruelle série Squid Game bat des records d’audience sur Netflix, s’imposant comme un véritable phénomène. Mais le succès de cette création sud-coréenne tient surtout, plus qu’à son inventivité ou à ses acteurs bluffants, à son habile resucée d’œuvres qui ont déjà fait leurs preuves. Explications sous la forme d’une équation.
Par Violaine Schütz.
Squid Game une série Netflix 40% d’Hunger Games et de Battle Royale
Squid Game (« Le jeu du Calamar ») raconte l’histoire de héros désargentés qui acceptent de se livrer à des jeux fatals pour remporter des millions de dollars. Cette version gore du jeu “Un, deux, trois, soleil” qui s’avère aussi effrayante qu’addictive semble sur le papier des plus originales. Mais son mélange – esthétisant – d’éléments ludiques et cruels rappelle beaucoup la saga Hunger Games, avec Jennifer Lawrence dans le rôle titre de Katniss Everdeen, ainsi que le film japonais culte Battle Royale. Dans Hunger Games, on est immergé dans un monde dystopique organisé en castes (les “districts”) où un jeu télévisé a pour but de contrôler le peuple par la peur. Sorti en 2000, Battle Royale plonge quant à lui dans un pays d’Extrême-Orient du futur qui rappelle le Japon. En pleine rébellion des jeunes, un programme de survie sous forme d’une bataille acharnée est voté par les adultes. Dans Squid Game, comme dans ces deux œuvres qui ont passionné les adolescents autant que leurs parents, les combats sanglants mettent à jour les côtés les plus sombres de l’humanité.
20% de mangas et de jeux vidéo pour le scénario survival game
Squid Game évoque beaucoup, par son exaltation de la violence ainsi que par son importance donnée aux règles et aux épreuves, les jeux vidéo et les mangas dont tout un pan s’inscrit dans une tradition du survival game. Certains fans du roman graphique Jeux d’enfants, créé par Muneyuki Kaneshiro et Akeji Fujimura, ont soulevé les ressemblances entre les deux œuvres. Dans Jeux d’enfants, on retrouve notamment une figurine appelée Daruma proche de la poupée géante très inquiétante de Squid Game. La série sud-coréenne, qui s’inscrit depuis son lancement en première place du top Netflix, évoque aussi un autre succès surprise de la plateforme, Alice in Borderland (2020). Cette adaptation d’un célèbre manga met en scène un jeune homme féru de jeux vidéo et ses amis tentant de s’extirper – pour leur survie – de situations dangereuses dans un Tokyo sombre.
20% de Parasite pour l’aspect social
En plus d’être lui aussi sud-coréen, Squid Game marche sur les traces de la Palme d’Or de 2019 Parasite par son envergure sociale. Même si la série Netflix imaginée par Hwang Dong-hyeok ne possède pas la virtuosité et la subtilité du chef-d’œuvre de Bong Joon-ho, il s’agit dans les deux cas pour leurs réalisateurs d’évoquer les inégalités de leur pays, mais aussi les injustices financières qui persistent dans le reste du monde. Dans le long-métrage de Bong Joon-ho, une famille au chômage se met au service d’une famille richissime. Dans Squid Game, c’est la précarité et l’endettement qui poussent les protagonistes à se lancer dans des jeux mortels : les personnages sont obligés de participer à ce qui pourrait les conduire à leur perte pour ne pas dépérir d’autre chose. Une ironie glaçante et métaphysique qui explique l’impact profond sur les spectateurs de la série, en passe de devenir le programme non anglophone le plus regardé sur Netflix.
10% de Kill Bill pour le côté pop
Par son côté pop dans sa mise en scène de la violence, Squid Game fait penser à de nombreux moments à Quentin Tarantino – qui se trouve être un grand fan de Battle Royale – et surtout au dément Kill Bill (2003), très influencé par la culture asiatique. Dans les deux cas, on ne sort pas indemne de ces bains de sang pensés comme des tableaux aux couleurs travaillées et à la bande-son explosive.
10% de Black Mirror pour le scénario dystopique
Satire grinçante des travers d’une société contemporaine prête à tout pour l’argent, Squid Game fait réfléchir les spectateurs à leurs propres difficultés et comportements. Que ferait-on à la place des protagonistes pris au piège dans ces jeux démoniaques ? Abandonnerait-on la partie ? Ces interrogations faisaient déjà la force de Black Mirror (2011), série d’anthologie qui à travers la mise en place d’une dystopie, alertait au fil de ses épisodes et différents récits sur les dangers de la technologie et d’autres démons forgés par les hommes.
Squid Game (2021) de Hwang Dong-hyuk, disponible sur Netflix.