À Pantin, les Magasins Généraux célèbrent la fête sous toutes ses formes
Espace culturel et politique, d’évasion et de rencontre, la fête s’érige depuis des siècles comme rempart essentiel aux difficultés du quotidien. À Pantin, les Magasins Généraux en ont fait la grande thématique de leur programmation cette année. Numéro art s’associe à l’événement lors d’une soirée spéciale le jeudi 15 mai, rythmée notamment par une table ronde, un ball voguing et un DJ set.
Par Matthieu Jacquet.

“Parce que la fête a été, pour moi, un espace de transformation, qu’elle a déclenché une mutation de mon rapport au corps, aux autres et au monde, qu’elle a instillé partout d’autres possibles qui me guident dans ma vision du jour et ma volonté d’agir sur lui.” Posés par l’auteur et critique d’art Arnaud Idelon pour justifier l’écriture de son ouvrage Boum Boum. Politiques du dancefloor (2025, éd. Divergences), ces quelques mots résument, à l’ère contemporaine, la nécessité de faire la fête autant que de l’utiliser comme lunette pour mieux comprendre notre époque. À la fois soupape pour survivre aux difficultés du quotidien, espace culturel foisonnant, moment fondamentalement improductif à l’heure d’un capitalisme effréné, force transformatrice de la ville, mais aussi utopie du collectif à l’ère post-#MeToo, elle permet un pas de côté essentiel.

Les Magasins Généraux dissèquent la fête à Pantin
Inaugurés en 2017 au bord du canal de l’Ourcq, à Pantin, les Magasins Généraux incarnent cette remigration récente de la “fête” vers les périphéries des métropoles. Envisagé comme un “laboratoire artistique”, le lieu culturel fondé par BETC accueille chaque année des milliers de visiteurs à l’occasion d’expositions, de soirées, d’ateliers qui prennent le pouls de la création émergente. Depuis deux ans, l’institution organise plusieurs fois dans l’année ses Nuits aux Magasins, soirées construites autour d’une thématique.
De l’importance de l’intimité pour faire société à la place du corps dans nos sociétés ultranormées, de grandes questions donnent lieu à des fêtes nocturnes mêlant tables-rondes, performances et ateliers en tous genres. Journalistes, militants et chercheurs (Lauren Bastide, Jennifer Padjemi, Fatima Ouassak) y côtoient artistes, DJ, tatoueurs ou encore cartomanciens.


“La fête, un rave collectif?” : une nouvelle Nuit aux Magasins
Des nombreuses questions contemporaines qu’elle soulève à son lien avec l’activité du lieu, la fête s’est naturellement imposée comme la grande thématique de l’année 2025. “Aux Magasins généraux, on veut penser la fête sous toutes ses formes : musicales, collectives, urbaines, intimes… On veut qu’elle soit un lieu d’expérimentation et de partage, et surtout un lieu qui nous rassemble, parce qu’on en a besoin”, expliquent Caroline Arce Ross et Chloé Coquilhat, programmatrices des Nuits aux Magasins.
Après une première Nuit, le 18 janvier dernier, intitulée “La fête est-elle (vraiment) finie ?”, où l’on pouvait aussi bien s’essayer à la création de playlists qu’à un cours de fitness version clubbing entre deux conférences, les Magasins Généraux continuent d’explorer les recoins de la fête en s’alliant avec Numéro art pour une collaboration inédite, qui commence lors d’une nouvelle Nuit aux Magasins. Intitulée “La fête, un rave collectif ?”, cette soirée – accessible gratuitement, sur inscription – invitera à interroger les questions liant les communautés et la fête le jeudi 15 mai prochain, de 18 heures à minuit.


Table ronde, DJ set et ball voguing…
Au programme, une table ronde coorganisée avec Numéro art avec la DJ, activiste et actrice Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, le co-fondateur de la Créole Vincent Frederic-Colombo, le créateur de contenus et co-fondateur des soirées la Freakish Wikipedal et la responsable de projet du tiers lieu solidaire et festif Les Amarres Lou Merciecca permettra d’explorer la vaste question du collectif dans la fête. La soirée se poursuivra avec un ball voguing orchestré par Matyouz, puis un DJ set de Rebequita. Sur place, les visiteurs pourront également participer à un atelier de création de playlist avec le collectif Miss’sing, découvrir l’exposition-résidence « It takes a village » de l’artiste Valentine Gardiennet ou encore parcourir une sélection de livres thématique proposée par la librairie Un livre et une tasse de thé.


La carte blanche de Crystallmess dans le dernier Numéro art
La collaboration inédite entre les Magasins Généraux et Numéro art a également donné lieu à un projet pour la dernière édition du magazine, actuellement en kiosques. Une carte blanche à une artiste dont la pratique pluridisciplinaire est, elle aussi, intrinsèquement liée à la thématique de la fête : Christelle Oyiri, alias Crystallmess. À la fois DJ de renom – elle a partagé la scène avec Frank Ocean à Coachella –, productrice musicale, organisatrice de soirées (comme la très pointue “Edging” à la Station), vidéaste, autrice, et très récemment plasticienne – elle dévoilera en juin une installation dans les Tanks de la Tate Modern –, la Parisienne n’a cessé de vivre la fête de l’intérieur, comme de l’analyser, de la décrypter et d’œuvrer à la rendre plus diverse, inclusive, engagée, politique, mais surtout, surprenante et joyeuse.
Guest editor dans ce dernier Numéro art, la jeune femme présente les visages de celles et ceux qui fabriquent la fête d’aujourd’hui : des collectifs, DJ et Parisiens à suivre – Oeshixa, Preto Novo, Broodoo Ramses, Headbutt –, immortalisés par la photographe Léa Ceheivi, des musiciens et producteurs avant-gardistes tels que Sister Engineering, mais aussi ceux que l’on a tendance à oublier, les videurs, qui ouvrent ici les coulisses des soirées les plus prisées. Une nouvelle manière de montrer que la fête est, en réalité, loin d’être finie.