Mobilier national : 5 objets design fascinants qui entrent dans les collections françaises
Ce mercredi 29 janvier 2025, comme de coutume en janvier, le Mobilier national dévoilait ses 45 nouvelles acquisitions design pour l’année. De Charles Zana à Asmar d’Amman en passant par le collectif Hall.haus, Numéro s’arrête sur cinq pièces nouvellement entrées dans les collections de l’institution française, éclairées par leurs créateurs.
Par Camille Bois-Martin.

La chaise à palabre en métal du collectif Hall.haus
Parmi les chouchous du design français retenus par le Mobilier National, on retrouve le jeune collectif Hall.haus, qui a su s’imposer avec brio dans le milieu grâce depuis son fauteuil Curry Mango en 2021. Depuis son studio de création situé en banlieue parisienne, le quatuor concilie innovation, arts décoratifs et problématiques sociales et populaires. À l’image de son assise DKR acquise cette année : inspirée par la chaise à palabre (pièce traditionnelle d’Afrique de l’Ouest habituellement conçue à partir de planches de bois emboîtées), cet objet revisite le patrimoine d’origine de ses créateurs sous un œil contemporain.
“Dans le passé, cette chaise avait un statut particulier. Elle était réservée aux figures “sages” de la communauté. Généralement des imams, ou des personnes âgées, qui conseillaient le reste de la société, évoque Sammy Bernoussi, membre du collectif. Nous sommes partis de ce symbole de partage et de transmission entre générations pour concevoir notre pièce.” Une transmission d’ailleurs souvent orale, qui ne laisse que peu de traces historiques au collectif dans lesquelles puiser.
“Cet objet représente notre France à nous. Notre histoire d’enfants d’immigrés qui s’inspirent des récits de leurs parents ou de leur pays d’origine, et qui font partie de l’Histoire de France.” Des liens matérialisés dans le design de cette pièce composée de deux plaques de métal plié superposées, et fabriquées à Dakar. Si les trous font références au banc conçu par le collectif pour les Jeux Olympiques (représentant donc les anneaux de l’évènement), ils apportent à la pièce une dimension lumineuse, grâce aux ombres projetées qui créent un moirage selon la position du soleil.

Le bureau d’Aline Asmar d’Amman, entre mode et littérature
Sous les velours et les broderies des pièces conservées au Mobilier national, un bureau noir contraste avec son environnement. Signé Aline Asmar d’Amman, celui-ci rejoint les collections de l’institution parmi les 45 autres assises, luminaires, bureaux et fauteuils acquis cette année. “La forme du bureau s’inspire d’un nœud – d’où son nom Dark Ribbons, nous explique la designer libanaise. C’est un hommage à la mode mais aussi à la littérature : mes deux grandes obsessions.”
Produit en édition limitée (dix exemplaires dont deux épreuves d’artiste), le meuble tire aussi bien sa forme des pages pliées d’un livre ouvert que du plissé d’un smoking en cours de confection. D’ailleurs, sa première version est aujourd’hui conservée dans les ateliers des métiers d’art de Chanel, au 19M, où elle sert d’écrin aux dessins et à la confection des petites mains qui peuplent le bâtiment. “Son dégradé de noir rappelle également la coulure de l’encre, d’un dessin ou d’une page d’écriture”, ajoute Asmar d’Amman.

La paire de lampes Simy de Charles Zana
Figure bien connue du milieu du design, l’architecte d’intérieur Charles Zana fait son entrée parmi les collections du Mobilier national. L’essence de son travail, centré sur des matériaux précieux et qui compte sur le savoir-faire d’artisans d’exception, se retrouve particulièrement au sein de cette élégante paire de lampes Symi. En cèdre massif teinté et brossé et sourcé au Liban, chaque pièce se démarque par son travail sur la symétrie et l’ergonomie – le diamètre de l’abat-jour est proche de celui du pied – et surtout sur les matériaux.
“J’ai imaginé cette lampe comme une pièce qui sortirait de terre, nous raconte le designer franco-tunisien. Nous avons travaillé avec des assemblages de papier pour l’abat-jour qui créent une vibration, puis de bois massif rainuré pour le pied, qui fait presque penser à une sorte de champignon.” Un dessin somme toute très simple, qui se démarque ainsi lorsqu’on se penche sur ses multiples détails et reliefs. Son nom, Symi, évoque également les paysages grecs et l’harmonie des volumes architecturaux antiques. Telles une petite colonne dorique, la lampe attire par son raffinement et son esthétique – presque – parfaite…

Le meuble secret de Maxime Lis
“Je voulais renouer avec le concept de meuble secret des siècles passés”, explique d’emblée Maxime Lis face à son cabinet CTA, tout juste acquis par le Mobilier national. Monomatière et monochromatique, l’objet monté sur quatre pieds attire en effet facilement le regard grâce à la brillance argentée du métal et les différentes couleurs qu’il capture dans ses reflets, s’adaptant à son environnement tout en restant bien visible, mais aussi par l’harmonie et la douceur de ses lignes tubulaires, horizontales et courbées.
Mais derrière son apparence élémentaire, la création du designer français cache “un petit compartiment caché dans lequel on peut ranger des documents confidentiels – un peu à la Sherlock Holmes.” Aussi épurée que sophistiquée, la pièce est ainsi vouée à s’adapter aux besoins de ses futurs propriétaires, de ce qu’ils voudront y conserver (ou y cacher). « Un peu comme la malle Louis Vuitton !, estime Maxime Lis. Avant d’ajouter : “On pourrait décrire cette pièce comme un moduloir, qui emprunte les sonorités au mobilier du 19e siècle”. En effet, la partie supérieure se détache de ses pieds, permettant de transformer cet objet multifonctions en une malle et une petite table basse.

Les lampes humanoïdes du Studio Cabane
À l’origine du jeune Studio Cabane, un mélange de plusieurs savoir-faire spécialisés : celui de la designer-fabricante Pauline Pietri, et celui de l’ébéniste-sculpteur Lorien Cau. Basé dans les montagnes des Pyrénées, le duo s’inspire de la forêt et des formes vallonnées qui les entourent. En témoigne le Lampadaire 110, qui fait lui aussi son entrée dans les collections du Mobilier national. Première pièce éditée par le Studio Cabane, celle-ci combine leurs deux techniques respectives. “Moi, je travaille la lumière et les ombres, explique Pauline Pietri. Lorien, lui, se concentre sur le travail de la matière dans la masse.”
Le bois clair du luminaire est ici tourné et évidé en son centre, tandis que la tête est sculptée à la main. Une approche artisanale laissée visible sur les parties intérieures de l’objet, sur lesquelles on peut en effet observer les traces des outils utilisés. “L’apparence lisse extérieure pourrait suggérer un objet industriel, alors on a volontairement laissé apparent le travail de Lorien, continue la designer. L’objet diffuse quelque de doux et de chaleureux, avec une lumière qui n’est pas très forte, et qui est dirigée vers le bas. Ce qui permet un éclairage d’ambiance, plus discret.” Elle ajoute : “J’aime bien parler de tête pour décrire le haut de l’objet. Il y a côté un peu humanoïde. D’autres y voient aussi une tête de dinosaure !”