6 juin 2023

Qui est Ouattara Watts, le jazzman de la peinture ?

Peintre du cosmos, énigmatique et mystique, Ouattara Watts entremêle dans ses toiles monde matériel et spirituel, cosmogonies africaines et références occidentales. Un élan vital qui, dans ses récentes toiles présentées à la Galerie Cécile Fakhoury, jaillit dans des fulgurances chromatiques magistrales.

Watts utilise donc le langage de la géométrie, des mathématiques, les alphabets qu’il transforme et qu’il utilise comme des langages cryptés. On peut découvrir sur ses toiles des “@” comme une suite de Fibonacci. “Les codes sont très nombreux, avoue-t-il. Mais je ne veux pas en donner la solution. Le spectateur devra les déchiffrer seul. Je veux l’inciter à réfléchir, à cogiter. Qu’il aime ou qu’il n’aime pas mon travail, il ne pourra pas rester insensible. Les chiffres sont surtout à la base de notre monde contemporain. Derrière les ordinateurs, les téléphones portables, il n’y a que des fractales.” C’est cet ordonnancement du monde qu’Ouattara Watts cherche à figurer sur la toile. Ce cosmos édifié par les mathématiques, l’architecture et les traditions. “Depuis l’âge de 14 ans, on m’a toujours dit que je n’étais pas un artiste de ma tribu, que je n’étais pas un artiste de mon pays, mais que j’étais un artiste du cosmos. Ma vision n’est pas reliée à un pays ni à un continent ; elle dépasse les frontières et tout ce qu’on peut repérer sur une carte. Si j’utilise des éléments identifiables pour mieux être compris, il s’agit toutefois d’un projet qui va bien au-delà.

 

Ouattara Watts est représentés par les galeries Cécile Fakhoury et Almine Rech.
Il fait l’objet d’une exposition personnelle jusqu’au 29 juillet 2023 à la galerie Almine Rech, Paris 3e.

Un jazzman de l’art contemporain

 

Couleurs, mais aussi formes géométriques et myriades de signes cryptiques travaillent à former des partitions musicales rythmées, comportant des silences et des pauses suscitant des contre-temps de contemplation. Ouattara Watts est un jazzman. La nuit, dans son atelier new-yorkais, il peint comme en transe en écoutant Sun Ra, Miles Davis, Fela Kuti et John Coltrane. “Pour moi, la peinture c’est exactement comme la musique, que ce soit la musique traditionnelle africaine, que ce soit le jazz. Je n’ai pas peur de me tromper, c’est l’aventure ! J’improvise. Je me lance. Je recommence. Je repasse dessus. Encore et encore. Parfois six mois ou deux ans plus tard. C’est de l’émotion. L’émotion organise la toile. Le rythme est essentiel. Comme dans le swing, 2 + 2 ne font pas 4, mais 5. Dans ma peinture, c’est la même chose. Je n’aime pas les choses trop carrées, trop bien faites.

 

Ouattara Watts, l’artiste qui réunit cosmogonie africaine et formules mathématiques

 

Ouattara Watts vit et peint le cosmos. Initié aux rites secrets et aux traditions orales africaines dès son plus jeune âge – ce dont il ne parle jamais –, il unit dans ses peintures monde matériel et spirituel. Elles forment autant de ponts entre plan astral et réalité concrète. Les références aux cosmogonies africaines y rencontrent les mathématiques et les chiffres, qui structurent plus que jamais nos mondes connectés et technologiques. On y discerne les formes les plus diverses : visions magiques, urbanité et ancestralité, habitats africains et structures occidentales, formes humanoïdes et biomorphes des premiers temps de l’humanité, sculptures typiques du peuple dogon et galaxies d’étoiles. Ouattara Watts ne connaît qu’un monde – universel – dont il relie les éléments les plus disparates (en apparence), le micro et le macro, à la manière d’un codeur informatique travaillant à offrir un programme total, une vision du monde unifiée et désenclavée. Tous les univers, toutes les époques, toutes les géographies. Tout y est traversé en réalité par la même énergie vitale. Chaque tableau forme à cet égard un éclair primordial, un Flash of the Spirit – titre de l’ouvrage de référence de Robert Farris Thompson consacré aux cultures religieuses africaines très cher à l’artiste.

Watts utilise donc le langage de la géométrie, des mathématiques, les alphabets qu’il transforme et qu’il utilise comme des langages cryptés. On peut découvrir sur ses toiles des “@” comme une suite de Fibonacci. “Les codes sont très nombreux, avoue-t-il. Mais je ne veux pas en donner la solution. Le spectateur devra les déchiffrer seul. Je veux l’inciter à réfléchir, à cogiter. Qu’il aime ou qu’il n’aime pas mon travail, il ne pourra pas rester insensible. Les chiffres sont surtout à la base de notre monde contemporain. Derrière les ordinateurs, les téléphones portables, il n’y a que des fractales.” C’est cet ordonnancement du monde qu’Ouattara Watts cherche à figurer sur la toile. Ce cosmos édifié par les mathématiques, l’architecture et les traditions. “Depuis l’âge de 14 ans, on m’a toujours dit que je n’étais pas un artiste de ma tribu, que je n’étais pas un artiste de mon pays, mais que j’étais un artiste du cosmos. Ma vision n’est pas reliée à un pays ni à un continent ; elle dépasse les frontières et tout ce qu’on peut repérer sur une carte. Si j’utilise des éléments identifiables pour mieux être compris, il s’agit toutefois d’un projet qui va bien au-delà.

 

Ouattara Watts est représentés par les galeries Cécile Fakhoury et Almine Rech.
Il fait l’objet d’une exposition personnelle du 9 juin au 29 juillet à la galerie Almine Rech, Paris 3.

Ouattara Watts orchestre depuis plusieurs décennies l’une des œuvres picturales les plus inventives, mystérieuses et fulgurantes qui soit – aussi rythmée et libre qu’une improvisation de jazz. Pourtant, ce peintre ne bénéficie que d’une notoriété relative en France. Né à Abidjan en 1957, il vécut à Paris de 1977 à 1988 pour y poursuivre ses études à l’École des beaux-arts avant de s’envoler pour les États-Unis dans les valises d’un certain Jean-Michel Basquiat. Ouattara Watts y est désormais célébré comme l’un des plus grands peintres contemporains. Rare à Paris, on a surtout pu y apprécier son travail grâce à la Galerie Cécile Fakhoury, qui lui a également offert sa première exposition dans son pays natal, la Côte d’Ivoire, en 2019, puis à Dakar, cette année, où nous l’avons rencontré.

 

Ouattara Watts, peintre de la couleur et de l’énergie

 

Dans les toiles présentées au Sénégal justement, l’artiste fait surgir, comme à son habitude, les variations chromatiques les plus éclatantes : des bruns rouge sang, des orangés sable ou cuivre, des bleus indigo et outremer et des noirs anthracite ou réglisse qu’il va puiser dans la nature et l’environnement de son enfance africaine. “Lorsque j’étudiais à Paris, confie-t-il, Jacques Yankel, mon professeur des Beaux-Arts avec qui je m’entendais très bien, attendait de mes compagnons venus d’Abidjan comme de moi-même des œuvres liées à la matière et à la terre. C’était une certaine vision de l’Afrique. Mais moi, c’était la couleur au contraire ! Quand tu te balades dans un marché, partout en Afrique, c’est la couleur !” Une couleur en perpétuelle métamorphose, allant jusqu’à former sur la toile de véritables boules d’énergie renvoyant aux temps premiers de l’Univers.

Un jazzman de l’art contemporain

 

Couleurs, mais aussi formes géométriques et myriades de signes cryptiques travaillent à former des partitions musicales rythmées, comportant des silences et des pauses suscitant des contre-temps de contemplation. Ouattara Watts est un jazzman. La nuit, dans son atelier new-yorkais, il peint comme en transe en écoutant Sun Ra, Miles Davis, Fela Kuti et John Coltrane. “Pour moi, la peinture c’est exactement comme la musique, que ce soit la musique traditionnelle africaine, que ce soit le jazz. Je n’ai pas peur de me tromper, c’est l’aventure ! J’improvise. Je me lance. Je recommence. Je repasse dessus. Encore et encore. Parfois six mois ou deux ans plus tard. C’est de l’émotion. L’émotion organise la toile. Le rythme est essentiel. Comme dans le swing, 2 + 2 ne font pas 4, mais 5. Dans ma peinture, c’est la même chose. Je n’aime pas les choses trop carrées, trop bien faites.

Ouattara Watts, l’artiste qui réunit cosmogonie africaine et formules mathématiques

 

Ouattara Watts vit et peint le cosmos. Initié aux rites secrets et aux traditions orales africaines dès son plus jeune âge – ce dont il ne parle jamais –, il unit dans ses peintures monde matériel et spirituel. Elles forment autant de ponts entre plan astral et réalité concrète. Les références aux cosmogonies africaines y rencontrent les mathématiques et les chiffres, qui structurent plus que jamais nos mondes connectés et technologiques. On y discerne les formes les plus diverses : visions magiques, urbanité et ancestralité, habitats africains et structures occidentales, formes humanoïdes et biomorphes des premiers temps de l’humanité, sculptures typiques du peuple dogon et galaxies d’étoiles. Ouattara Watts ne connaît qu’un monde – universel – dont il relie les éléments les plus disparates (en apparence), le micro et le macro, à la manière d’un codeur informatique travaillant à offrir un programme total, une vision du monde unifiée et désenclavée. Tous les univers, toutes les époques, toutes les géographies. Tout y est traversé en réalité par la même énergie vitale. Chaque tableau forme à cet égard un éclair primordial, un Flash of the Spirit – titre de l’ouvrage de référence de Robert Farris Thompson consacré aux cultures religieuses africaines très cher à l’artiste.