28 oct 2023

Mark Rothko’s many sides and secrets unveiled at Fondation Louis Vuitton

La Fondation Louis Vuitton inaugure ce mercredi 18 octobre une magistrale rétrospective de Mark Rothko, qui éclaire, outre les chefs-d’œuvre du peintre américain, des facettes moins connues du maître. Un voyage dans la lumière ouvrant une voie royale vers l’émotion.

Mark Rothko at Fondation Louis Vuitton : an in-depth dive into light and colour

 

This is not the kind of painting you can talk about – you have to experience it. As is abundantly demonstrated at the Fondation Louis Vuitton, Mark Rothko (1903–70) produced an oeuvre so rich and moving it leaves you without words. From one picture to the next, colour grabs you and loses you in its meanders. Piled up on the canvas with their undefined lines, the horizontal “bands” that made him famous from the 1940s onwards seize you with their vibration to the point where you think they’re going to spill out of the frame. You feel as though you’ve been captured by infinite horizons and absorbed into imaginary seas of hallucinatory hues. Only the essence of these mental landscapes remains, one of light and contrasting colour, an encounter that generates a continuous dialogue within each work. The discursive gives way to the sensorial; emotion triumphs.

 

On show until next spring, the Fondation Louis Vuitton’s retrospective is both impressive and thought-provoking. Why, you wonder, did an artist so successful and popular elsewhere in the world – one whose work can be found in every art-history book and who has entered the collective unconscious – have so little impact in France? The exhibition’s associate curator, Christopher Rothko“guardian,” as he likes to put it, of his father’s collection – has a few ideas. Reluctant to travel, Rothko senior visited Paris very rarely, maintaining a much stronger relationship with the UK, while his principal European dealer, Ernst Beyeler, concentrated essentially on Germany and Switzerland. As a result, the Centre Pompidou’s enormous holdings include just two Rothkos.

Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton : une plongée sensorielle dans l’œuvre fascinante de l’artiste

 

C’est une peinture qui ne se dit pas mais qui se vit. Dès l’entrée dans la grande rétrospective consacrée à Mark Rothko (1903-1970) par la Fondation Louis Vuitton, le décor est planté : nous, visiteurs, nous apprêtons à plonger dans une œuvre si riche et émouvante que l’expérience se passe de mots. D’un tableau à l’autre, la couleur attrape le regard et le perd dans ses méandres. Les “bandes” horizontales aux lignes indéfinies et diffuses “empilées” sur la toile, qui, dès la fin des années 40, ont fait la notoriété mondiale du peintre américain, saisissent par leur vibration au point de paraître déborder de leur support. On se sent comme absorbé, captif de ces horizons infinis ou de ces mers imaginaires aux teintes hallucinées. De ces paysages mentaux, ne reste plus que l’essence : celle de la lumière et des contrastes colorés, dont la rencontre génère au sein des œuvres un dialogue continu. Le discursif cède la place au sensoriel et au triomphe de l’émotion.

 

Présentée jusqu’au printemps prochain, la rétrospective Mark Rothko impressionne autant qu’elle interroge : pourquoi un artiste aussi reconnu et populaire dans le monde entier – dont l’œuvre, entrée dans tous les livres d’histoire de l’art du 20e siècle est ancrée dans l’inconscient collectif – n’a-t-il pas rencontré plus de visibilité en France ? Commissaire associé de l’exposition et “gardien”, comme il aime à se décrire, de la collection de son père, Christopher Rothko émet quelques hypothèses : de son vivant, l’artiste américain, peu enclin à quitter son studio pour voyager, n’a passé que quelques jours à Paris. Il entretenait une relation privilégiée avec le Royaume-Uni, tandis que son principal marchand en Europe, Ernst Beyeler, s’était plutôt concentré sur la Suisse et l’Allemagne. Ainsi, aujourd’hui, seuls deux Rothko se trouvent dans l’immense collection du Centre Pompidou – une lacune que cherchait déjà à combler sa grande exposition au musée d’Art moderne de Paris, en 1999.

Mark Rothko at Fondation Louis Vuitton : an in-depth dive into light and colour

 

This is not the kind of painting you can talk about – you have to experience it. As is abundantly demonstrated at the Fondation Louis Vuitton, Mark Rothko (1903–70) produced an oeuvre so rich and moving it leaves you without words. From one picture to the next, colour grabs you and loses you in its meanders. Piled up on the canvas with their undefined lines, the horizontal “bands” that made him famous from the 1940s onwards seize you with their vibration to the point where you think they’re going to spill out of the frame. You feel as though you’ve been captured by infinite horizons and absorbed into imaginary seas of hallucinatory hues. Only the essence of these mental landscapes remains, one of light and contrasting colour, an encounter that generates a continuous dialogue within each work. The discursive gives way to the sensorial; emotion triumphs.

 

On show until next spring, the Fondation Louis Vuitton’s retrospective is both impressive and thought-provoking. Why, you wonder, did an artist so successful and popular elsewhere in the world – one whose work can be found in every art-history book and who has entered the collective unconscious – have so little impact in France? The exhibition’s associate curator, Christopher Rothko“guardian,” as he likes to put it, of his father’s collection – has a few ideas. Reluctant to travel, Rothko senior visited Paris very rarely, maintaining a much stronger relationship with the UK, while his principal European dealer, Ernst Beyeler, concentrated essentially on Germany and Switzerland. As a result, the Centre Pompidou’s enormous holdings include just two Rothkos.

Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton : une plongée sensorielle dans l’œuvre fascinante de l’artiste

 

C’est une peinture qui ne se dit pas mais qui se vit. Dès l’entrée dans la grande rétrospective consacrée à Mark Rothko (1903-1970) par la Fondation Louis Vuitton, le décor est planté : nous, visiteurs, nous apprêtons à plonger dans une œuvre si riche et émouvante que l’expérience se passe de mots. D’un tableau à l’autre, la couleur attrape le regard et le perd dans ses méandres. Les “bandes” horizontales aux lignes indéfinies et diffuses “empilées” sur la toile, qui, dès la fin des années 40, ont fait la notoriété mondiale du peintre américain, saisissent par leur vibration au point de paraître déborder de leur support. On se sent comme absorbé, captif de ces horizons infinis ou de ces mers imaginaires aux teintes hallucinées. De ces paysages mentaux, ne reste plus que l’essence : celle de la lumière et des contrastes colorés, dont la rencontre génère au sein des œuvres un dialogue continu. Le discursif cède la place au sensoriel et au triomphe de l’émotion.

 

Présentée jusqu’au printemps prochain, la rétrospective Mark Rothko impressionne autant qu’elle interroge : pourquoi un artiste aussi reconnu et populaire dans le monde entier – dont l’œuvre, entrée dans tous les livres d’histoire de l’art du 20e siècle est ancrée dans l’inconscient collectif – n’a-t-il pas rencontré plus de visibilité en France ? Commissaire associé de l’exposition et “gardien”, comme il aime à se décrire, de la collection de son père, Christopher Rothko émet quelques hypothèses : de son vivant, l’artiste américain, peu enclin à quitter son studio pour voyager, n’a passé que quelques jours à Paris. Il entretenait une relation privilégiée avec le Royaume-Uni, tandis que son principal marchand en Europe, Ernst Beyeler, s’était plutôt concentré sur la Suisse et l’Allemagne. Ainsi, aujourd’hui, seuls deux Rothko se trouvent dans l’immense collection du Centre Pompidou – une lacune que cherchait déjà à combler sa grande exposition au musée d’Art moderne de Paris, en 1999.

Already, back in 1999, Paris’s Musée d’Art moderne sought to make up for this omission with a big exhibition of the painter’s work. A quarter century later, the curator of the 1999 show, Suzanne Pagé, has returned to Rothko to curate the Louis Vuitton retrospective. “This new exhibition is really what we all need right now,” she enthuses. “It brings us the possibility of transcendence.” That possibility is augmented by the colossal size of the show: 115 works, many of which have never been seen in France, 30 of them from the Rothko family collection. As a result, visitors can follow and appreciate, in more or less chronological order, the development of the painter’s oeuvre over the space of four decades.

 

“Mark Rothko”, a retrospective that confounds clichés and prejudice

 

The Fondation has brilliantly succeeded in the delicate exercise of a retrospective, not only getting across all the complexity of a lifetime’s body of work but also confounding clichés and prejudices. To all his contemporaries who called him a colourist, Rothko replied that he was looking for the light; for those today who think of him as an exclusively abstract artist, the exhibition showcases many of his figurative canvases of the 1930s and 40s (sometimes described as neo-Surrealist), which he painted before the period that saw him labelled an Abstract Expressionist, a term he himself considered too “alienating”; and if you imagined the artist as a serene, radiant figure, you’ll find the portrait of a solitary, sometimes prickly man whose paintings have “imprisoned the most utter violence in every square inch of their surface,” as he himself put it – the violence of the pogroms that saw his family flee his native Russia, of course, but first and foremost the violence of a tormented soul. “Rothko constantly sought to convey the human condition through the fundamental emotions: tragedy, death, ecstasy,” comments Pagé. “His art expresses an obsession with mortality.”

Commissaire de cette dernière, comme de celle de la Fondation Louis Vuitton vingt-cinq ans plus tard, Suzanne Pagé ne cache pas son enthousiasme  devant ce projet inédit : “Cette nouvelle exposition est vraiment nécessaire à tout un chacun : elle nous donne accès à la transcendance.” Une transcendance favorisée par les moyens colossaux déployés par l’institution sise au bois de Boulogne : 115 œuvres sont ici réunies, dont beaucoup n’ont jamais été montrées en France, et 30 sont issues de la collection de la famille Rothko. Une manière d’apprécier pleinement, dans un ordre globalement chronologique, un travail étalé sur quatre décennies.

 

Mark Rothko, un artiste plus ombrageux qu’il n’y paraît

 

La proposition de la Fondation réussit le pari d’une rétrospective : dévoiler la complexité d’une œuvre tout en contrecarrant les poncifs et les préjugés. Ainsi, à ses contemporains qui le qualifiaient de coloriste, Mark Rothko répondait qu’il recherchait la lumière. À ceux qui, aujourd’hui, verraient sa peinture comme exclusivement abstraite, l’exposition présente de nombreuses toiles figuratives des années 30 et 40 (parfois qualifiées de néo-surréalistes) qu’il peignit avant d’être estampillé comme une figure de l’expressionnisme abstrait, étiquette qu’il jugera lui-même trop “aliénante”. Enfin, à ceux qui imagineraient derrière ses toiles un homme solaire et apaisé, la rétrospective présente un artiste solitaire, parfois ombrageux, dont l’œuvre “emprisonne la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de [sa] surface”, comme il le disait lui-même. Cette violence, c’est bien sûr celle des pogroms qui émaillèrent son enfance en Russie et motivèrent l’exil de sa famille aux États-Unis, mais surtout celle d’une vie intérieure tourmentée. “Rothko a continuellement cherché à exprimer le drame humain à travers les émotions fondamentales : le tragique, la mort, l’extase, commente Suzanne Pagé. Ce dont parle son art, c’est de l’obsession d’être mortel.

Already, back in 1999, Paris’s Musée d’Art moderne sought to make up for this omission with a big exhibition of the painter’s work. A quarter century later, the curator of the 1999 show, Suzanne Pagé, has returned to Rothko to curate the Louis Vuitton retrospective. “This new exhibition is really what we all need right now,” she enthuses. “It brings us the possibility of transcendence.” That possibility is augmented by the colossal size of the show: 115 works, many of which have never been seen in France, 30 of them from the Rothko family collection. As a result, visitors can follow and appreciate, in more or less chronological order, the development of the painter’s oeuvre over the space of four decades.

 

“Mark Rothko”, a retrospective that confounds clichés and prejudice

 

The Fondation has brilliantly succeeded in the delicate exercise of a retrospective, not only getting across all the complexity of a lifetime’s body of work but also confounding clichés and prejudices. To all his contemporaries who called him a colourist, Rothko replied that he was looking for the light; for those today who think of him as an exclusively abstract artist, the exhibition showcases many of his figurative canvases of the 1930s and 40s (sometimes described as neo-Surrealist), which he painted before the period that saw him labelled an Abstract Expressionist, a term he himself considered too “alienating”; and if you imagined the artist as a serene, radiant figure, you’ll find the portrait of a solitary, sometimes prickly man whose paintings have “imprisoned the most utter violence in every square inch of their surface,” as he himself put it – the violence of the pogroms that saw his family flee his native Russia, of course, but first and foremost the violence of a tormented soul. “Rothko constantly sought to convey the human condition through the fundamental emotions: tragedy, death, ecstasy,” comments Pagé. “His art expresses an obsession with mortality.”

Commissaire de cette dernière, comme de celle de la Fondation Louis Vuitton vingt-cinq ans plus tard, Suzanne Pagé ne cache pas son enthousiasme  devant ce projet inédit : “Cette nouvelle exposition est vraiment nécessaire à tout un chacun : elle nous donne accès à la transcendance.” Une transcendance favorisée par les moyens colossaux déployés par l’institution sise au bois de Boulogne : 115 œuvres sont ici réunies, dont beaucoup n’ont jamais été montrées en France, et 30 sont issues de la collection de la famille Rothko. Une manière d’apprécier pleinement, dans un ordre globalement chronologique, un travail étalé sur quatre décennies.

 

Mark Rothko, un artiste plus ombrageux qu’il n’y paraît

 

La proposition de la Fondation réussit le pari d’une rétrospective : dévoiler la complexité d’une œuvre tout en contrecarrant les poncifs et les préjugés. Ainsi, à ses contemporains qui le qualifiaient de coloriste, Mark Rothko répondait qu’il recherchait la lumière. À ceux qui, aujourd’hui, verraient sa peinture comme exclusivement abstraite, l’exposition présente de nombreuses toiles figuratives des années 30 et 40 (parfois qualifiées de néo-surréalistes) qu’il peignit avant d’être estampillé comme une figure de l’expressionnisme abstrait, étiquette qu’il jugera lui-même trop “aliénante”. Enfin, à ceux qui imagineraient derrière ses toiles un homme solaire et apaisé, la rétrospective présente un artiste solitaire, parfois ombrageux, dont l’œuvre “emprisonne la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de [sa] surface”, comme il le disait lui-même. Cette violence, c’est bien sûr celle des pogroms qui émaillèrent son enfance en Russie et motivèrent l’exil de sa famille aux États-Unis, mais surtout celle d’une vie intérieure tourmentée. “Rothko a continuellement cherché à exprimer le drame humain à travers les émotions fondamentales : le tragique, la mort, l’extase, commente Suzanne Pagé. Ce dont parle son art, c’est de l’obsession d’être mortel.

An impressive selection of works, from early masterpieces to the Tate Room

 

Indeed, as presented at the Fondation Vuitton, Rothko’s trajectory – from his early paintings of everyday scenes in the New York subway to his two-tone Black on Gray series (1969–70) – is that of a man on a constant quest for the absolute. Despite the fact that, as time went by, his canvases got bigger, his layers of paint thinner, and his colours darker, his son has made sure that the selection prevents his oeuvre from being read through the prism of his 1970 suicide. “I made a point of showing how much his final works are overflowing with light and colour,” explains Rothko junior, “even if his black and grey paintings are far more rich and alive than people think.” Achieving this intensity required great precision during the hang: in keeping with rules set down by the artist at the end of his life, the Fondation Louis Vuitton team painted the walls in discreet off-white and used soft, often individual lighting to ensure an intimate relationship with each work. “Rothko’s painting is one of great fragility that mustn’t be drowned in light,” explains Pagé. “The less his canvases are lit, the more their colours come out.”

 

The exhibition’s showstopper is the reproduction of Tate Britain’s Seagram Mural room, a hang that the London museum commissioned directly from the artist in order to display the nine canvases he had realized in 1956 – 58 for The Four Seasons in New York, before pulling out of the restaurant project. Shown in Paris exactly as Rothko specified, the large-scale works envelop the viewer in their purple hues, inviting us into a suspended time of contemplation and “immersion” – today a hackneyed term in the world of art that regains all of its original meaning here. To round off the unique experience of a melodious oeuvre, the German composer and Rothko admirer Max Richter has set three of the Vuitton galleries to music. “My art is not abstract: it lives and breathes,” Rothko once said, a statement that, as this show magisterially demonstrates, cannot be contradicted.

“Mark Rothko”, until 2 April 2024 at Fondation Louis Vuitton, Paris.

Chefs-d’œuvre jamais exposés, salle de la Tate Modern : une rétrospective d’une grande richesse

 

De ses peintures de scènes quotidiennes du métro new-yorkais au début de sa carrière à sa série de toiles bicolores Black on Gray (1969-1970), l’exposition de la Fondation Louis Vuitton déroule en effet la trajectoire d’un homme en quête constante d’absolu. Si, au fil des tableaux, les formats de Mark Rothko s’agrandissent, ses couches de peinture s’amenuisent et ses couleurs s’assombrissent, son fils a veillé à ce que la sélection présentée empêche de relire son œuvre à travers le prisme de son suicide en 1970, à l’âge de 66 ans : “J’ai tenu à montrer à quel point ses dernières œuvres débordent de lumière et de couleur. Même ses peintures noir et gris sont bien plus riches et vivantes qu’on le pense.” Une intensité qui a requis une grande précision dans l’accrochage : dans le respect des règles édictées par l’artiste à la fin de sa vie, l’équipe de la Fondation Louis Vuitton a recouvert les murs d’un blanc cassé discret, et opté pour des éclairages doux, souvent individuels, qui installent un rapport intime entre le visiteur et la toile. “C’est une œuvre d’une grande fragilité qu’il ne faut pas éclabousser de lumière, explique Suzanne Pagé. D’ailleurs, moins ses toiles sont éclairées, plus leurs couleurs s’affirment.”

 

Coup de maître de l’exposition : la reproduction de la salle des Seagram Murals (1958) à la Tate Modern, commandée jadis à Rothko par le musée britannique, dont les neuf toiles ont voyagé à Paris pour être mises en scène dans leur disposition d’origine, au millimètre près. Leurs couleurs pourpres et leurs larges dimensions enveloppent aujourd’hui le spectateur et l’invitent dans le temps suspendu de la contemplation et de l’“immersion” – un terme aujourd’hui très galvaudé dans le monde de l’art, qui regagne ici ses lettres de noblesse. Pour parfaire cette expérience unique d’une œuvre résolument mélodieuse, le grand compositeur allemand Max Richter, admirateur du peintre, a d’ailleurs mis en musique tous les espaces de l’exposition. “Mon art n’est pas abstrait, il vit et respire”, disait un jour Mark Rothko. On ne saurait le contredire.

Mark Rothko, du 18 octobre 2023 au 2 avril 2024 à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.

An impressive selection of works, from early masterpieces to the Tate Room

 

Indeed, as presented at the Fondation Vuitton, Rothko’s trajectory – from his early paintings of everyday scenes in the New York subway to his two-tone Black on Gray series (1969–70) – is that of a man on a constant quest for the absolute. Despite the fact that, as time went by, his canvases got bigger, his layers of paint thinner, and his colours darker, his son has made sure that the selection prevents his oeuvre from being read through the prism of his 1970 suicide. “I made a point of showing how much his final works are overflowing with light and colour,” explains Rothko junior, “even if his black and grey paintings are far more rich and alive than people think.” Achieving this intensity required great precision during the hang: in keeping with rules set down by the artist at the end of his life, the Fondation Louis Vuitton team painted the walls in discreet off-white and used soft, often individual lighting to ensure an intimate relationship with each work. “Rothko’s painting is one of great fragility that mustn’t be drowned in light,” explains Pagé. “The less his canvases are lit, the more their colours come out.”

 

The exhibition’s showstopper is the reproduction of Tate Britain’s Seagram Mural room, a hang that the London museum commissioned directly from the artist in order to display the nine canvases he had realized in 1956 – 58 for The Four Seasons in New York, before pulling out of the restaurant project. Shown in Paris exactly as Rothko specified, the large-scale works envelop the viewer in their purple hues, inviting us into a suspended time of contemplation and “immersion” – today a hackneyed term in the world of art that regains all of its original meaning here. To round off the unique experience of a melodious oeuvre, the German composer and Rothko admirer Max Richter has set three of the Vuitton galleries to music. “My art is not abstract: it lives and breathes,” Rothko once said, a statement that, as this show magisterially demonstrates, cannot be contradicted.

“Mark Rothko”, until 2 April 2024 at Fondation Louis Vuitton, Paris.

Chefs-d’œuvre jamais exposés, salle de la Tate Modern : une rétrospective d’une grande richesse

 

De ses peintures de scènes quotidiennes du métro new-yorkais au début de sa carrière à sa série de toiles bicolores Black on Gray (1969-1970), l’exposition de la Fondation Louis Vuitton déroule en effet la trajectoire d’un homme en quête constante d’absolu. Si, au fil des tableaux, les formats de Mark Rothko s’agrandissent, ses couches de peinture s’amenuisent et ses couleurs s’assombrissent, son fils a veillé à ce que la sélection présentée empêche de relire son œuvre à travers le prisme de son suicide en 1970, à l’âge de 66 ans : “J’ai tenu à montrer à quel point ses dernières œuvres débordent de lumière et de couleur. Même ses peintures noir et gris sont bien plus riches et vivantes qu’on le pense.” Une intensité qui a requis une grande précision dans l’accrochage : dans le respect des règles édictées par l’artiste à la fin de sa vie, l’équipe de la Fondation Louis Vuitton a recouvert les murs d’un blanc cassé discret, et opté pour des éclairages doux, souvent individuels, qui installent un rapport intime entre le visiteur et la toile. “C’est une œuvre d’une grande fragilité qu’il ne faut pas éclabousser de lumière, explique Suzanne Pagé. D’ailleurs, moins ses toiles sont éclairées, plus leurs couleurs s’affirment.”

 

Coup de maître de l’exposition : la reproduction de la salle des Seagram Murals (1958) à la Tate Modern, commandée jadis à Rothko par le musée britannique, dont les neuf toiles ont voyagé à Paris pour être mises en scène dans leur disposition d’origine, au millimètre près. Leurs couleurs pourpres et leurs larges dimensions enveloppent aujourd’hui le spectateur et l’invitent dans le temps suspendu de la contemplation et de l’“immersion” – un terme aujourd’hui très galvaudé dans le monde de l’art, qui regagne ici ses lettres de noblesse. Pour parfaire cette expérience unique d’une œuvre résolument mélodieuse, le grand compositeur allemand Max Richter, admirateur du peintre, a d’ailleurs mis en musique tous les espaces de l’exposition. “Mon art n’est pas abstrait, il vit et respire”, disait un jour Mark Rothko. On ne saurait le contredire.

Mark Rothko, du 18 octobre 2023 au 2 avril 2024 à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.