6 nov 2023

Mark Rothko in 5 astonishing artworks at the Fondation Louis Vuitton

Il y a quelques jours, la Fondation Louis Vuitton inaugurait sa rétrospective consacrée à Mark Rothko, une exposition magistrale réunissant un total de cent-quinze œuvres du peintre américain, dont un bon nombre jamais montrées en France. Focus sur cinq chefs-d’œuvre de sa carrière, témoignant de son inlassable quête de l’absolu.

1. Scenes from the New York City Subway

 

In the 1930s, Mark Rothko (1903-1970) started his career as a painter in New York, where he settled after his graduation. The energy of the city fascinated him and inspired his paintings at the time – entrance halls of theatres and cinemas, New York streets and night owls. However, his favorite topic remained the subway stations, which embodied modern life and its massive urbanization according to him. In Untitled (The Subway), we can notice elements that characterize the works from that period, such as the columns, or the vanishing points formed by the platforms and railway tracks framing a space in which passengers are almost prisoners, “as if trapped in the architecture”, as Suzanne Pagé describes them. 

 

The following paintings of the exhibit take up the same theme again, featuring bodies that increasingly stretch out and become slimmer to eventually merged with the columns, like abstract geometric shapes. Influenced by the primitive aesthetic, the melancholic canvas of 1937 already conveyed the passengers’ silence and isolation with its dark, even sad color palette, but also the shadow of the economic crisis that stuck the United States after the crash of 1929.

1. Les scènes du métro new-yorkais

 

Dans les années 30, Mark Rothko (1903-1970) commence sa carrière de peintre à New York où il s’est installé après la fin de ses études. L’énergie de la ville le fascine et inspire ses toiles de l’époque, où l’on reconnaît des entrées de théâtres, des salles de cinéma, ou encore des rues new-yorkaises et de leurs passants noctambules. Son sujet favori restera toutefois les stations de métro, qui pour lui incarnent la vie moderne et son urbanisation massive. Dans Untitled (The Subway), on retrouve les éléments caractéristiques des œuvres de cette période : les colonnes, lignes de fuite du quai et voies ferrées encadrent l’espace dont les voyageurs se trouvent presque prisonniers, “comme coincés dans l’architecture”, nous explique Suzanne Pagé. Au fil des tableaux suivants, qui reprendront la même thématique, les corps s’allongent et s’affinent de plus en plus jusqu’à se confondre avec les colonnes, devenant des formes géométriques presque abstraites. Influencé par le style naïf, le tableau mélancolique de 1937 traduit déjà, par ses couleurs sombres voire tristes, le silence et l’isolement des passagers, mais aussi l’ombre de la crise économique que traversent les États-Unis depuis le krach de 1929.

1. Scenes from the New York City Subway

 

In the 1930s, Mark Rothko (1903-1970) started his career as a painter in New York, where he settled after his graduation. The energy of the city fascinated him and inspired his paintings at the time – entrance halls of theatres and cinemas, New York streets and night owls. However, his favorite topic remained the subway stations, which embodied modern life and its massive urbanization according to him. In Untitled (The Subway), we can notice elements that characterize the works from that period, such as the columns, or the vanishing points formed by the platforms and railway tracks framing a space in which passengers are almost prisoners, “as if trapped in the architecture”, as Suzanne Pagé describes them. 

 

The following paintings of the exhibit take up the same theme again, featuring bodies that increasingly stretch out and become slimmer to eventually merged with the columns, like abstract geometric shapes. Influenced by the primitive aesthetic, the melancholic canvas of 1937 already conveyed the passengers’ silence and isolation with its dark, even sad color palette, but also the shadow of the economic crisis that stuck the United States after the crash of 1929.

1. Les scènes du métro new-yorkais

 

Dans les années 30, Mark Rothko (1903-1970) commence sa carrière de peintre à New York où il s’est installé après la fin de ses études. L’énergie de la ville le fascine et inspire ses toiles de l’époque, où l’on reconnaît des entrées de théâtres, des salles de cinéma, ou encore des rues new-yorkaises et de leurs passants noctambules. Son sujet favori restera toutefois les stations de métro, qui pour lui incarnent la vie moderne et son urbanisation massive. Dans Untitled (The Subway), on retrouve les éléments caractéristiques des œuvres de cette période : les colonnes, lignes de fuite du quai et voies ferrées encadrent l’espace dont les voyageurs se trouvent presque prisonniers, “comme coincés dans l’architecture”, nous explique Suzanne Pagé. Au fil des tableaux suivants, qui reprendront la même thématique, les corps s’allongent et s’affinent de plus en plus jusqu’à se confondre avec les colonnes, devenant des formes géométriques presque abstraites. Influencé par le style naïf, le tableau mélancolique de 1937 traduit déjà, par ses couleurs sombres voire tristes, le silence et l’isolement des passagers, mais aussi l’ombre de la crise économique que traversent les États-Unis depuis le krach de 1929.

2. Neo-surrealist phantasmagoria

 

While Mark Rothko’s urban paintings already foreshadowed the orthogonal lines that would later structure his famous abstract canvases, his so-called “neo-surrealist” works of the early 1940s were much more surprising, such as Slow Swirl at the Edge of the Sea. Drawing his inspiration from artists close to the movement founded by André Breton, such as Marx Ernst and Giorgio de Chirico, whom he discovered at MoMA in 1936, the American painter began to imagine pictorial phantasmagorias composed of airy, indeterminate spaces in which free and colorful forms intersect. 

 

Rothko described them as “organisms with volition and a passion for self-assertion”. Judging that he couldn’t paint the human figure without mutilating it, the painter aimed at reaching for a universal in his canvases and creating sensations in the viewer through the pure composition of shapes and colors. Joan Miró’s pictorial influence permeates these compositions, as well as psychoanalyst Sigmund Freud’s theories on the unconscious, for which the American artist used to have a keen interest.

2. Les fantasmagories néo-surréalistes

 

Si les peintures urbaines de Mark Rothko annoncent déjà les lignes orthogonales qui structureront plus tard ses fameuses toiles abstraites, ses œuvres dites “néo-surréalistes” du début des années 40, telles que Slow Swirl at the Edge of the Sea, se montrent beaucoup plus surprenantes. Inspiré par les artistes du mouvement fondé par André Breton, tels que Marx Ernst ou Giorgio de Chirico qu’il découvre au MoMA en 1936, le peintre américain commence à l’époque à imaginer des fantasmagories picturales composées d’espaces aérés et indéterminés où se croisent des formes libres et colorées, totems, arabesques et spirales évoquant parfois une végétation luxuriante ou des oiseaux fantastiques — Rothko les décrits d’ailleurs comme “des organismes avec une volition et une passion pour l’auto-affirmation”. Considérant qu’il ne peut pas peindre la figure humaine sans la mutiler, le peintre cherche dans ces toiles à tendre vers l’universel et à créer des sensations chez le spectateur, par le pur agencement des formes et des couleurs. On retrouve dans ces compositions l’influence picturale de Joan Miró, mais celles-ci sont aussi nourries par les théories sur l’inconscient du psychanalyste Sigmund Freud, auxquelles l’artiste américain s’intéresse beaucoup à l’époque.

2. Neo-surrealist phantasmagoria

 

While Mark Rothko’s urban paintings already foreshadowed the orthogonal lines that would later structure his famous abstract canvases, his so-called “neo-surrealist” works of the early 1940s were much more surprising, such as Slow Swirl at the Edge of the Sea. Drawing his inspiration from artists close to the movement founded by André Breton, such as Marx Ernst and Giorgio de Chirico, whom he discovered at MoMA in 1936, the American painter began to imagine pictorial phantasmagorias composed of airy, indeterminate spaces in which free and colorful forms intersect. 

 

Rothko described them as “organisms with volition and a passion for self-assertion”. Judging that he couldn’t paint the human figure without mutilating it, the painter aimed at reaching for a universal in his canvases and creating sensations in the viewer through the pure composition of shapes and colors. Joan Miró’s pictorial influence permeates these compositions, as well as psychoanalyst Sigmund Freud’s theories on the unconscious, for which the American artist used to have a keen interest.

2. Les fantasmagories néo-surréalistes

 

Si les peintures urbaines de Mark Rothko annoncent déjà les lignes orthogonales qui structureront plus tard ses fameuses toiles abstraites, ses œuvres dites “néo-surréalistes” du début des années 40, telles que Slow Swirl at the Edge of the Sea, se montrent beaucoup plus surprenantes. Inspiré par les artistes du mouvement fondé par André Breton, tels que Marx Ernst ou Giorgio de Chirico qu’il découvre au MoMA en 1936, le peintre américain commence à l’époque à imaginer des fantasmagories picturales composées d’espaces aérés et indéterminés où se croisent des formes libres et colorées, totems, arabesques et spirales évoquant parfois une végétation luxuriante ou des oiseaux fantastiques — Rothko les décrits d’ailleurs comme “des organismes avec une volition et une passion pour l’auto-affirmation”. Considérant qu’il ne peut pas peindre la figure humaine sans la mutiler, le peintre cherche dans ces toiles à tendre vers l’universel et à créer des sensations chez le spectateur, par le pur agencement des formes et des couleurs. On retrouve dans ces compositions l’influence picturale de Joan Miró, mais celles-ci sont aussi nourries par les théories sur l’inconscient du psychanalyste Sigmund Freud, auxquelles l’artiste américain s’intéresse beaucoup à l’époque.

3. 1949: the kickoff of the “great classics” 

 

The year 1949 marked a deep turning point in Mark Rothko’s career. At that time, the artist began painting his “classics” – total pictorial abstractions entirely composed of colored rectangles and blurred lines. The painter decided to remove the frames and to title his paintings with numbers. Canvas No. 21 is a good example of this paradigm shift. Here the viewer witnesses the intense, vivid, warm splashes of red, orange, yellow colors that were already emerging in his previous paintings, the so-called “Multiforms”. Yet, they draw vertical and horizontal strips of various sizes this time. 

 

We can also spot the influence of L’Atelier rouge (1911), a painting by Henri Matisse that Mark Rothko deeply appreciated and discovered that same year at the MoMA. The color intensity and lines drawn by the objects and paintings pictured generate quite abstract forms. Still affiliated with the American Abstract Expressionism movement at the time, from which he would eventually separate, Mark Rothko’s work offers an in-depth reflection on the essence of painting and a desire to start his representation of reality from scratch. Soon, the number of rectangles would diminish, giving way to only two or three strips stacked vertically on top of each other, each more refined than the last. Omnipresent in this specific work, the color yellow would be increasingly rare in the artist’s canvases over the years.

3. 1949 : le début des “grands classiques”

 

Dans la carrière de Mark Rohtko, l’année 1949 représente un véritable tournant. C’est en effet le moment où l’artiste débute ses “classiques”, abstractions picturales totales uniquement composées de rectangles colorés aux lignes diffuses. Le peintre décide alors d’enlever les cadres, et d’intituler ces peintures par des numéros. La toile N° 21 représente bien ce pivot : on y retrouve les touches de couleurs intenses, vives et chaudes – rouge, orange, jaune – qui émergeaient déjà dans ses tableaux dits “Multiformes” des années précédentes, mais ceux-ci dessinent cette fois-ci des bandes de diverses tailles, verticales et horizontales. On y voit également l’influence de L’Atelier rouge (1911), tableau de Henri Matisse que Mark Rothko découvre cette même année au MoMA, et dont il apprécie l’intensité des couleurs autant que les lignes que dessinent les objets et tableaux représentés, générant des formes presque abstraites. Encore affilié au mouvement américain de l’expressionnisme abstrait, dont il se détachera ultérieurement, Mark Rothko témoigne ici d’une réflexion profonde sur l’essence de la peinture et sa volonté de repartir de zéro dans sa représentation du réel. Bientôt, la quantité de rectangles diminuera pour laisser place à seulement deux ou trois bandes empilées verticalement l’une sur l’autre, toujours plus épurées. Tandis que le jaune, très présent dans cette œuvre, se fera de plus en plus rare au fil des années dans les toiles de l’artiste.

3. 1949: the kickoff of the “great classics” 

 

The year 1949 marked a deep turning point in Mark Rothko’s career. At that time, the artist began painting his “classics” – total pictorial abstractions entirely composed of colored rectangles and blurred lines. The painter decided to remove the frames and to title his paintings with numbers. Canvas No. 21 is a good example of this paradigm shift. Here the viewer witnesses the intense, vivid, warm splashes of red, orange, yellow colors that were already emerging in his previous paintings, the so-called “Multiforms”. Yet, they draw vertical and horizontal strips of various sizes this time. 

 

We can also spot the influence of L’Atelier rouge (1911), a painting by Henri Matisse that Mark Rothko deeply appreciated and discovered that same year at the MoMA. The color intensity and lines drawn by the objects and paintings pictured generate quite abstract forms. Still affiliated with the American Abstract Expressionism movement at the time, from which he would eventually separate, Mark Rothko’s work offers an in-depth reflection on the essence of painting and a desire to start his representation of reality from scratch. Soon, the number of rectangles would diminish, giving way to only two or three strips stacked vertically on top of each other, each more refined than the last. Omnipresent in this specific work, the color yellow would be increasingly rare in the artist’s canvases over the years.

3. 1949 : le début des “grands classiques”

 

Dans la carrière de Mark Rohtko, l’année 1949 représente un véritable tournant. C’est en effet le moment où l’artiste débute ses “classiques”, abstractions picturales totales uniquement composées de rectangles colorés aux lignes diffuses. Le peintre décide alors d’enlever les cadres, et d’intituler ces peintures par des numéros. La toile N° 21 représente bien ce pivot : on y retrouve les touches de couleurs intenses, vives et chaudes – rouge, orange, jaune – qui émergeaient déjà dans ses tableaux dits “Multiformes” des années précédentes, mais ceux-ci dessinent cette fois-ci des bandes de diverses tailles, verticales et horizontales. On y voit également l’influence de L’Atelier rouge (1911), tableau de Henri Matisse que Mark Rothko découvre cette même année au MoMA, et dont il apprécie l’intensité des couleurs autant que les lignes que dessinent les objets et tableaux représentés, générant des formes presque abstraites. Encore affilié au mouvement américain de l’expressionnisme abstrait, dont il se détachera ultérieurement, Mark Rothko témoigne ici d’une réflexion profonde sur l’essence de la peinture et sa volonté de repartir de zéro dans sa représentation du réel. Bientôt, la quantité de rectangles diminuera pour laisser place à seulement deux ou trois bandes empilées verticalement l’une sur l’autre, toujours plus épurées. Tandis que le jaune, très présent dans cette œuvre, se fera de plus en plus rare au fil des années dans les toiles de l’artiste.

4. The Seagram Murals: in-depth painting

 

From the early 1950s to the late 1960s, Mark Rothko’s work evolved in his relentless quest for the absolute. The artist applied fewer layers to his canvas, used darker colors and larger formats. The aim was to “envelop” the viewer to create a much more intimate relationship with the painting. That evolution translated into his Seagram Murals. In 1958, the Seagram distilleries commissioned him to paint the walls of the Four Seasons restaurant in their New York headquarters skyscraper. Judging that his usual bright color palette would be too intense for the customers coming for lunch, the artist opted for a range of purple, violet, brown, and burgundy tones to create an impression of depth in his immense canvases. 

 

These darker colors slowly penetrate your consciousness,” Christopher Rothko says. “These are not colors that call you, but rather get under your skin, colors that you can’t ignore”. When he returned to dine at the Four Seasons later on, Rothko hated the experience. He thought the restaurant was too pretentious, to the point of terminating his current commission and refunding the rest of the money he had been given. In 1969, he decided to donate nine of the Seagram Murals to the Tate in London, as a tribute to painter J. M. W. Turner. An entire room is now devoted to the paintings in the permanent collections of the Tate Modern.

4. Les Seagram Murals : la peinture en profondeur

 

Du début des années 50 à la fin des années 60, l’œuvre de Mark Rothko évolue dans sa quête inlassable de l’absolu. L’artiste applique de moins en moins de couches sur la toile, utilise des couleurs de plus en plus sombres et agrandit les formats, en vue d’“envelopper” le spectateur et créer un rapport plus intime avec le tableau. Une évolution dont attestent ses Seagram Murals : en 1958, les distilleries Seagram lui commandent des peintures afin d’habiller les murs du restaurant Four Seasons, situé dans le gratte-ciel de leur siège à New York. Considérant que ses couleurs vives habituelles seraient trop intenses pour les clients venus déjeuner, l’artiste leur préfère des pourpres, violets, marrons et bordeaux, teintes qui créent alors dans ces immenses toiles une impression de profondeur. “Ces couleurs plus sombres pénètrent lentement votre conscience, nous confie Christopher Rothko. Ce ne sont pas des couleurs qui vous appellent, mais des couleurs qui viennent s’immiscer sous votre peau, qu’on ne peut pas ignorer”. Lorsqu’il revient dîner au Four Seasons quelques temps plus tard, Rothko déteste l’expérience et juge le restaurant trop prétentieux, au point de mettre fin à la commande en cours et de rembourser le reste de la somme qui lui a été allouée. En 1969, il décide de faire don de neuf des Seagram Murals à la Tate, à Londres, manière pour lui de rendre hommage au peintre J. M. W. Turner. Une salle leur est désormais consacrée dans les collections permanentes de la Tate Modern.

4. The Seagram Murals: in-depth painting

 

From the early 1950s to the late 1960s, Mark Rothko’s work evolved in his relentless quest for the absolute. The artist applied fewer layers to his canvas, used darker colors and larger formats. The aim was to “envelop” the viewer to create a much more intimate relationship with the painting. That evolution translated into his Seagram Murals. In 1958, the Seagram distilleries commissioned him to paint the walls of the Four Seasons restaurant in their New York headquarters skyscraper. Judging that his usual bright color palette would be too intense for the customers coming for lunch, the artist opted for a range of purple, violet, brown, and burgundy tones to create an impression of depth in his immense canvases. 

 

These darker colors slowly penetrate your consciousness,” Christopher Rothko says. “These are not colors that call you, but rather get under your skin, colors that you can’t ignore”. When he returned to dine at the Four Seasons later on, Rothko hated the experience. He thought the restaurant was too pretentious, to the point of terminating his current commission and refunding the rest of the money he had been given. In 1969, he decided to donate nine of the Seagram Murals to the Tate in London, as a tribute to painter J. M. W. Turner. An entire room is now devoted to the paintings in the permanent collections of the Tate Modern.

4. Les Seagram Murals : la peinture en profondeur

 

Du début des années 50 à la fin des années 60, l’œuvre de Mark Rothko évolue dans sa quête inlassable de l’absolu. L’artiste applique de moins en moins de couches sur la toile, utilise des couleurs de plus en plus sombres et agrandit les formats, en vue d’“envelopper” le spectateur et créer un rapport plus intime avec le tableau. Une évolution dont attestent ses Seagram Murals : en 1958, les distilleries Seagram lui commandent des peintures afin d’habiller les murs du restaurant Four Seasons, situé dans le gratte-ciel de leur siège à New York. Considérant que ses couleurs vives habituelles seraient trop intenses pour les clients venus déjeuner, l’artiste leur préfère des pourpres, violets, marrons et bordeaux, teintes qui créent alors dans ces immenses toiles une impression de profondeur. “Ces couleurs plus sombres pénètrent lentement votre conscience, nous confie Christopher Rothko. Ce ne sont pas des couleurs qui vous appellent, mais des couleurs qui viennent s’immiscer sous votre peau, qu’on ne peut pas ignorer”. Lorsqu’il revient dîner au Four Seasons quelques temps plus tard, Rothko déteste l’expérience et juge le restaurant trop prétentieux, au point de mettre fin à la commande en cours et de rembourser le reste de la somme qui lui a été allouée. En 1969, il décide de faire don de neuf des Seagram Murals à la Tate, à Londres, manière pour lui de rendre hommage au peintre J. M. W. Turner. Une salle leur est désormais consacrée dans les collections permanentes de la Tate Modern.

5. Rothko and Giacometti: the meeting that should have taken place

 

Many people reduce Mark Rothko’s 1969 Black and Gray series to a collection of canvases whose sad black and grey hues foreshadowed the painter’s suicide the following year. Yet, these works were above all a meticulous stylistic exercise. When the UNESCO commissioned him paintings for their headquarters in Paris, the American artist learned that his works would be exhibited alongside a sculpture by Alberto Giacometti and began to meticulously study his counterpart’s work. Rothko’s palette of black, brown, white, and grey tones was seemingly based on the colors used by the Swiss sculptor in his artworks. 

 

Although he eventually refused the commission because of his fragile health condition after he suffered from an aneurysm, the American painter continued his series inspired by Giacometti. Just like him, the sculptor “encompasses all the solitude of the human soul,” Christopher Rothko comments. Untitled (Black and Gray) mirrors that complexity. While the lines of the two colored rectangles are clearly defined for once, their black and grey tones appear to be much richer and warmer than we might think, thanks to a secret mixture of various colors. The thin white line, a new feature in the artist’s work, also emerges to frame the canvas. The artwork seems to illustrate one of his most famous quotes: “My art is not abstract, it lives and breathes”.

 

Mark Rothko, exhibition open until April 2nd, 2024, at the Fondation Louis Vuitton, 16th arrondissement of Paris.

 

Translation by Emma Naroumbo Armaing.

5. Rothko et Giacometti : la rencontre qui aurait dû avoir lieu

 

Nombreux sont ceux qui réduisent la série des Black and Gray, réalisée par Mark Rothko en 1969, à un ensemble de toiles dont les couleurs tristes, noires et grises, prophétiseraient le suicide du peintre l’année suivante. En réalité, ces œuvres relèvent surtout d’un minutieux exercice de style : alors que l’UNESCO lui commande des peintures pour son siège parisien, l’artiste américain apprend que celles-ci seront exposées aux côtés d’une sculpture d’Alberto Giacometti et commence à étudier en détail le travail de son homologue. Il semblerait en effet que, pour composer sa palette de noirs, bruns, blancs et gris, Rothko ait repris directement les couleurs des œuvres du sculpteur suisse. S’il refuse finalement la commande en raison de sa santé fébrile des suites d’un anévrisme, l’Américain poursuit cette série inspirée par Giacometti : comme lui, commente Christopher Rothko, le sculpteur “comprend toute la solitude de l’âme humaine”. L’une d’entre elles, Untitled (Black and Gray), traduit cette complexité : si les lignes des deux rectangles colorés sont cette fois-ci très définies, leurs noirs et gris sont en réalité bien plus riches et chauds qu’ils n’y paraissent, réalisés grâce à un mélange — resté secret – de multiples couleurs. On voit également apparaître sur tout le contour de la toile une fine ligne blanche, nouveauté dans l’œuvre de l’artiste. Comme si l’œuvre illustrait l’une de ses plus fameuses citations : “Mon art n’est pas abstrait, il vit et il respire”.

 

Mark Rothko, jusqu’au 2 avril 2024 à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.

5. Rothko and Giacometti: the meeting that should have taken place

 

Many people reduce Mark Rothko’s 1969 Black and Gray series to a collection of canvases whose sad black and grey hues foreshadowed the painter’s suicide the following year. Yet, these works were above all a meticulous stylistic exercise. When the UNESCO commissioned him paintings for their headquarters in Paris, the American artist learned that his works would be exhibited alongside a sculpture by Alberto Giacometti and began to meticulously study his counterpart’s work. Rothko’s palette of black, brown, white, and grey tones was seemingly based on the colors used by the Swiss sculptor in his artworks. 

 

Although he eventually refused the commission because of his fragile health condition after he suffered from an aneurysm, the American painter continued his series inspired by Giacometti. Just like him, the sculptor “encompasses all the solitude of the human soul,” Christopher Rothko comments. Untitled (Black and Gray) mirrors that complexity. While the lines of the two colored rectangles are clearly defined for once, their black and grey tones appear to be much richer and warmer than we might think, thanks to a secret mixture of various colors. The thin white line, a new feature in the artist’s work, also emerges to frame the canvas. The artwork seems to illustrate one of his most famous quotes: “My art is not abstract, it lives and breathes”.

 

Mark Rothko, exhibition open until April 2nd, 2024, at the Fondation Louis Vuitton, 16th arrondissement of Paris.

 

Translation by Emma Naroumbo Armaing.

5. Rothko et Giacometti : la rencontre qui aurait dû avoir lieu

 

Nombreux sont ceux qui réduisent la série des Black and Gray, réalisée par Mark Rothko en 1969, à un ensemble de toiles dont les couleurs tristes, noires et grises, prophétiseraient le suicide du peintre l’année suivante. En réalité, ces œuvres relèvent surtout d’un minutieux exercice de style : alors que l’UNESCO lui commande des peintures pour son siège parisien, l’artiste américain apprend que celles-ci seront exposées aux côtés d’une sculpture d’Alberto Giacometti et commence à étudier en détail le travail de son homologue. Il semblerait en effet que, pour composer sa palette de noirs, bruns, blancs et gris, Rothko ait repris directement les couleurs des œuvres du sculpteur suisse. S’il refuse finalement la commande en raison de sa santé fébrile des suites d’un anévrisme, l’Américain poursuit cette série inspirée par Giacometti : comme lui, commente Christopher Rothko, le sculpteur “comprend toute la solitude de l’âme humaine”. L’une d’entre elles, Untitled (Black and Gray), traduit cette complexité : si les lignes des deux rectangles colorés sont cette fois-ci très définies, leurs noirs et gris sont en réalité bien plus riches et chauds qu’ils n’y paraissent, réalisés grâce à un mélange — resté secret – de multiples couleurs. On voit également apparaître sur tout le contour de la toile une fine ligne blanche, nouveauté dans l’œuvre de l’artiste. Comme si l’œuvre illustrait l’une de ses plus fameuses citations : “Mon art n’est pas abstrait, il vit et il respire”.

 

Mark Rothko, jusqu’au 2 avril 2024 à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.