17 oct 2023

Les œuvres d’art immanquables de la foire Paris Internationale

Présentée du 18 au 22 octobre au Central téléphonique Bergère, la foire d’art contemporain Paris Internationale accueille cette année soixante-cinq exposants issus de vingt-cinq pays, dont des dizaines de galeries et maisons d’édition. Découvrez nos œuvres coups de cœur, exposées dans cette neuvième édition.

Emeka Ogboh chez Something

 

Si l’ensemble du Centre national téléphonique Le Cœur est baigné de lumière naturelle, on découvre tout de même dans le bâtiment un espace plus sombre. Dans ce recoin obscur, la galerie Something a aménagé une installation étonnante : de gros sacs quadrillés – le fameux Tati Barbès – et noirs forment un monticule qui accueillent un ensemble de vidéos. Réalisé par l’artiste nigérian Emeka Ogboh, le film transporte dans la vie d’Adbidjan, où ses croisent des vues des rues encombrées et des marchés bondés. En parallèle, plusieurs immigrés installés en Côté d’Ivoire se confient sur leur activité, du design de mode à la cuisine en passant par un homme devenu directeur du label Universal dans la capitale. sur leur Galerie d’abidjan. Une immersion stimulante et singulière dans la vile qui témoignent des nouvelles dynamiques économiques et culturelles qui la façonnent aujourd’hui.

 

Stand de Something, 3e étage.

 

 

Paris Internationale, du 18 au 22 octobre 2023 au Centre national téléphonique Le Cœur, rue Bergère, Paris 9e.

Les boîtes sans cadeaux de Bruno Zhu

 

On y trouve chocolats, bijoux, ou présents en tous genres. Remplies de surprises, les boîtes à cadeaux sont l’incarnation matérielle du don et de la générosité, témoignant de la relation qui unit deux individus. Celles que l’on découvre sur le stand de la galerie What Pipeline semblent toutefois inhabituelles : tapissées de vinyle à motifs fleuris, ces quatre objets en cartons adoptent chacun la forme d’une enseigne du jeu de carte à jouer, pique, trèfle, cœur ou carreau. A l’intérieur, ces formes vides s’emboîtent comme dans des poupées russes, sans toutefois contenir aucun cadeau. Diplômé en design de mode, Bruno Zhu n’hésite pas à mêler son travail du vêtement et du tissu aux arts décoratifs pour détourner les formes familières qui composent nos environnement domestiques, entre montres géantes en tissu rembourré et miroirs déformés en papier-peint trompe-l’œil. À travers ces boîtes séduisantes décollées des cimaises, comme offertes aux visiteurs, le jeune Portugais conte ses histoires amoureuses parfois vouées à l’échec qui, comme le titrait Marivaux, s’apparentent à un véritable “jeu de l’amour et du hasard.”

 

Stand de What Pipeline, 2e étage.

Les aphorismes artificiels de Damon Zucconi

 

L’intelligence artificielle ouvre un champ des possibles pour lequel de nombreux artistes ne cachent pas leur enthousiasme. Sans doute parce que cet outil, en pleine démocratisation, possède un don que l’être humain ne possède pas : celui de créer aléatoirement et, surtout, sans biais personnel, à partir d’une banque de données aussi fournie que variée. Passionné par le monde et l’esthétique informatiques, l’artiste américain Damon Zucconi génère grâce à des logiciels spécialisés une suite de mots sans rapport particulier les uns avec les autres, illustrés au second plan par des images piochées et assemblées par l’IA. En résultent des compositions énigmatiques où se croisent un text vidé de tout sens et des images presque inidentifiables, réunies dans une composition aux portes de l’abstraction. Un corpus d’images complétées sur le stand de la galerie Veda par des vidéos non moins mystérieuses : face caméra, des individus filmés en négatif se succèdent pour prononcer avec une expression neutre des phrases cryptiques. Là aussi, l’intelligence artificielle est l’auteure ces visages autant que leurs propos qui, s’ils sont prononcés de façon solennelle, n’en sont pas moins insensés.

 

Stand de Veda, 3e étage.

Les escarpins dangereux d’Angelika Loderer

 

Alors que l’on traverse le stand de la galerie Sophie Tappeiner, le regard s’arrête inévitablement sur un étrange objet noir monté sur socle : deux paire de chaussures dont la semelle s’agrémente de stalactites, comme si ces gouttes remplaçaient le talon qui maintiendrait son pied arqué. Mais chacun de ces quatre souliers aux formes menaçantes est en réalité une pièce unique, moulée directement sur le pied de leur auteure Angelika Loderer avant d’être coulée dans le bronze, au point que l’on aperçoive à l’intérieur les fines lignes de son épiderme. Basée à Vienne, l’artiste autrichienne a grandi dans une fonderie en métal, environnement dont lui vient aujourd’hui son intérêt profond pour la matière. Généralement plus abstraites, ses sculptures reflètent dans leurs formes les procédés qui ont mené à leur fabrication, matérialisant l’empreinte des gestes de l’artiste. Ici, la singularité de ces chaussures dangereuses réside principalement dans le contraste entre leur forme presque liquide, obtenue par l’artiste en plongeant ses pieds dans la cire chaude, et le matériau dur et lourd qui les ancre ensuite dans le sol.

 

Stand de Sophie Tappeiner, 1er étage.

Les mises en abyme picturales de Marlon Mullen

 

Il n’est pas rare de croiser les magazines Frieze et Artforum, références de l’art contemporain, au détour d’une foire ou d’une exposition en galerie. On est loin de s’attendre, toutefois, à voir apparaître leurs unes sur des toiles accrochées au mur, comme le fait la galerie Adams and Ollman sur les parois en briques du Centre national téléphonique Le Cœur avec les peintures figuratives du peintre californien Marlon Mullen. Si l’on pourrait envisager ces œuvres comme un détournement empli d’humour de la presse artistique, qqui devient ici le sujet de ses textes dans une véritable mise en abyme, il s’agit en réalité de compositions réalisées pour le pur effet visuel. Autiste, l’artiste préfère à l’écriture et à la lecture un langage non-verbal fondé principalement sur les jeux de couleurs et de lumière. En atteste cette série pastichant les périodiques qu’il accumule chez lui, dont les couleurs vives appliquées en aplats interpellent immanquablement le regard.

 

Stand d’Adams and Ollman, 1er étage.

Les trompe-l’œil saisissants d’Emanuele Marcuccio

 

Emanuele Marcuccio est ce que l’on appelle un maître de l’illusion. En attestent ses fameux meubles métalliques, dont les formes géométriques et colorées font oublier la dimension purement décorative : les portes des commodes fermées sont clouées, celles des fenêtres ne s’ouvriront pas. Un jeu sur la perception que prolonge l’artiste italien dans sa photographie, pratique entamée il y a seulement deux ans que l’on découvre sur le stand de la galerie Lodos à Paris Internationale. Dans ces mises en scène extrêmement travaillées, Marcuccio recrée des décors surréalistes tapissés de damiers ou de rayures, desquels surgissent parfois un saxophoniste ou un discret terrier écossais noir. Rien ne semble complètement réel, toutefois, dans ces situations énigmatiques qui dévoilent leur facticité par quelques éléments – visibilité des structures, jeux sur les angles de vue, les ombres et les surface… Un trompe-l’œil assumé et résolument cinématographique qui plonge dans des tableaux ouverts à l’interprétation.

 

Stand de Lodos, 2e étage.

Les monstres qui hantent la chambre de 4FSB 

 

Sommes-nous dans une foire d’art contemporain ou dans une chambre à coucher ? Dans un angle du deuxième étage, l’artiste et designer 4FSB – alias Jaime Bull – sème le doute. Masques de diable et d’alien, chauve-souris, gremlin et autres bibelots étranges habillent un papier-peint trompe-l’œil tapissé sur le mur. Dans cette installation reproduisant sa propre chambre, le Londonien accroche également plusieurs casquettes fluo peintes à la main ainsi que des tee-shirts à l’effigie de créatures monstrueuses. Ex-club kid, l’artiste est habitué à utiliser le travestissement pour incarner le bizarre et célébrer le pouvoir de la transformation, tout en jouant avec les codes de la publicité et du marketing. Son compte Instagram dévoile d’ailleurs galerie de portraits réalisés à partir de filtres, tous plus dérangeants les uns que les autres, où l’humain se métamorphose soudainement en créature difforme et mutante. Dans ce stand présenté par l’artist run space Goswell Road, les seules pièces à vendre sont un merch créé exclusivement par l’artiste : un tee-shirt noir où apparaît l’un de ses personnages verdâtres.

 

Stand de Goswell Road, 2e étage.

Les invocations spirites de Monia Ben Hamouda

 

Deux volutes noircies s’élèvent entre le sol et le plafond du deuxième étage du bâtiment. Leurs formes douces, sinueuses et élégantes laissent ainsi voir l’intégralité du stand de la galerie ChertLüdde, telles des apparitions magiques. Réalisés à base de fer découpé au laser, ces grands et délicats mobiles sont l’œuvre de Monia Ben Hamouda, dont la pratique s’étend de la sculpture à la peinture. Élevée à Milan par un père tunisien musulman et une mère italienne catholique, la jeune artiste s’intéresse aux symboles qui sommeillent dans son inconscient, transmis par son héritage paternel. Une manière d’utiliser l’art pour reconnecter à ses racines que l’Italienne complète par l’utilisation d’épices, au sol de ses sculptures mais également comme pigments pour colorer ses toiles. À la manière d’une sorcière ou d’un chamane, qui sortirait sa poudre enchantée pour invoquer des esprits en tous genres.
 

Stand de Chertlüdde, 2e étage.

Les contes de fées décalés de Zoe Williams

 

Dès le seuil du premier étage de cette nouvelle édition de Paris Internationale, les sculptures rosées gourmandes de Zoe Williams mettent en appétit. La virtuose de la céramique, qui n’hésite pas à utiliser ses œuvres lors de performances corporelles, gustatives et même olfactives, dévoile ici un nouveau pan de sa démarche inspiré par les contes et les grands mythes. Des bustes féminins dépourvus d’yeux évoquant la figure de la monstrueuse Méduse aux miroirs fleuris dont la vitre floue fait disparaître les visages, ses pièces moins séduisantes qu’elles en ont l’air démystifient les visions tendres qui composent l’imaginaire enfantin. La plasticienne britannique, visant à déconstruire le male gaze en proposant une vision aussi crue que complexe de la féminité et de l’érotisme, dévoile également deux peintures où des organes sexuels se métamorphosent en objets décoratifs. Tandis qu’un discret escarpin violacé surmonté d’une bougie rouge en pleine consomption rappelle, comme à Cendrillon, que le charme pourrait bientôt se dissiper.

 

Stand de Ciaccia Levi, 1er étage.